Des centaines de milliers de personnes devraient participer mardi à des manifestations de rue et à des grèves dans toute la France, craignant de violents affrontements avec la police, alors que les manifestations se poursuivent contre l’utilisation par Emmanuel Macron des pouvoirs exécutifs constitutionnels pour imposer une augmentation impopulaire de l’âge de la retraite.

Le mouvement de protestation contre le relèvement de l’âge de 62 à 64 ans est la plus grande crise intérieure du second mandat de Macron, les grèves de mardi devant affecter les raffineries, les collectes de poubelles, le transport ferroviaire, aérien et les écoles. Les autorités de Paris et de plusieurs villes sont préparées à des affrontements entre la police et les manifestants.

La crise s’est intensifiée en raison de la controverse sur les tactiques policières, les avocats se plaignant d’arrestations arbitraires, de blessures et de brutalité lors du contrôle des foules.

Un homme de 30 ans se battait pour sa vie dans le coma lundi après que le sentiment anti-gouvernemental se soit propagé au-delà de la question des retraites aux manifestations environnementales ce week-end dans l’ouest de la France – stimulées par l’impact de nouvelles installations de stockage d’eau pour irrigation des cultures.

L’homme a subi un traumatisme crânien lors d’affrontements entre manifestants et policiers. Une enquête est en cours pour déterminer les circonstances.

L’IGPN, l’unité des affaires intérieures de la police française, a déclaré avoir lancé 17 enquêtes sur des incidents et des allégations contre la police à travers la France au cours des dernières semaines.

Plus de 30 avocats ont écrit lundi une lettre ouverte au Monde faisant part de leur « grande inquiétude » face à ce qu’ils ont appelé des arrestations arbitraires de centaines de personnes, accusant la police d’utiliser le système judiciaire et les arrestations comme tactique pour dissuader les gens de manifester.

Des manifestants défilent lors d'un rassemblement à Paris, le 23 mars 2023.
Des manifestants défilent lors d’un rassemblement à Paris le 23 mars. Photographie : Christophe Ena/AP

Le chef de la police de Paris a déclaré que toutes les arrestations étaient justifiées. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a déclaré que de nombreux policiers avaient été blessés lors des manifestations.

Le Conseil de l’Europe a déclaré vendredi que les manifestants pacifiques et les journalistes devaient être protégés des violences policières et des arrestations arbitraires.

Ce qui a commencé comme deux mois de journées de grève régulières et pacifiques organisées par les syndicats s’est transformé en rassemblements de protestation plus impromptus au cours des 10 derniers jours.

Il y a eu des poches de troubles dans de nombreuses villes et villages après la tombée de la nuit, avec des incendies allumés dans les rues et des biens vandalisés.

Les attaques contre les bureaux de circonscription des politiciens se sont multipliées depuis la décision de Macron de faire adopter les modifications des retraites, en contournant la chambre basse du parlement.

Une note préparatoire des services de renseignement français avant la journée de grève et de manifestations dirigée par les syndicats de mardi a indiqué qu’il y aurait probablement beaucoup plus de jeunes participants, peut-être deux ou trois fois plus que lors de la dernière grande journée de grève jeudi dernier. , ont rapporté les médias français.

Selon le quotidien Le Parisien, la note indique que « le sujet de la répression et des violences policières… pourrait focaliser la colère des jeunes ».

De nombreux jeunes « ne se sont d’abord pas sentis concernés » par les modifications des retraites, mais ont ensuite décidé de rejoindre le mouvement la semaine dernière, « indignés » de l’utilisation des pouvoirs exécutifs contenus dans l’article 49.3 de la constitution pour contourner le parlement, après que le gouvernement craint qu’il n’obtienne pas assez de voix.

Les autorités s’attendent à des affrontements et à des violences similaires à la journée de grève coordonnée de jeudi dernier, lorsque Paris a vu des arrêts de bus, des kiosques à journaux et des feux de circulation brisés et des centaines d’incendies allumés sur les trottoirs au milieu d’affrontements avec la police.

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Des bâtiments publics ont également été visés, dont la mairie de Bordeaux et un commissariat à Lorient. Le ministère de l’Intérieur a blâmé les groupes « d’extrême gauche ».

Lundi déjà, les syndicats avaient multiplié les grèves. Le musée du Louvre à Paris a été bloqué par des employés du musée en grève et n’a pas pu ouvrir.

Les piquets de grève se sont poursuivis dans les dépôts d’essence et les incinérateurs de déchets, en particulier autour de Paris, où 8 000 tonnes de déchets s’entassent toujours dans les rues de la moitié de la ville après des semaines de grèves des poubelles. La mairie de Paris a déclaré qu’elle éliminerait les piles de déchets du parcours de la marche de rue de mardi pour tenter d’éviter que des incendies ne soient allumés.

L’autorité française de l’aviation civile a demandé aux compagnies aériennes de l’aéroport d’Orly à Paris, ainsi que des aéroports de Bordeaux, Marseille et Toulouse, d’annuler 20% des vols pour mardi et mercredi. Les syndicats des lycées ont déclaré que jusqu’à 200 écoles étaient bloquées par des élèves.

Macron a convoqué le Premier ministre, Élisabeth Borne, ainsi que des ministres du gouvernement et de hauts responsables politiques pour des réunions de crise lundi alors que les tensions étaient vives.

Le président français était censé avoir accueilli le roi Charles pour une journée de faste et de cérémonie lundi, mais a dû annuler la visite d’État en raison des grèves et des manifestations. Les politiciens français de l’opposition de gauche et de droite ont déclaré que l’image et la diplomatie de la France avaient été endommagées par l’annulation de dernière minute.

« Nous devons trouver le bon chemin… nous devons nous calmer », a déclaré Borne à l’AFP, affirmant que le gouvernement n’abandonnerait pas les modifications des retraites. Elle s’est dite prête à dialoguer avec les syndicats sur d’autres questions liées au travail, notamment les emplois exigeants, les conditions des travailleurs âgés et la reconversion.

Mais Laurent Berger, le chef du syndicat modéré CFDT, qui a adopté une ligne dure inattendue contre la réforme des retraites, a déclaré qu’il accepterait l’offre de pourparlers, mais seulement si la réforme était d’abord « mise de côté ».

Le gouvernement s’est engagé à tenir bon, sans savoir combien de jours de grève supplémentaires seraient appelés. Berger a déclaré que le Premier ministre devait proposer un « très grand mouvement sur les retraites ».