jen 1936, au cours des premiers mois grisants du nouveau gouvernement du Front populaire français, un instituteur parisien forge l’expression qui symbolise les espoirs investis en lui. “Tout est possible!” (Tout est possible) écrivait Marceau Pivert dans un éditorial du journal du Parti socialiste de l’époque. Alors que le fascisme submergeait le continent, cela s’est avéré une évaluation tragiquement trop optimiste. Divisée sur la manière de répondre à la menace, en 1938, la coalition de gauche des socialistes et des communistes gouvernant le pays s’était effondrée.

Les défis auxquels sont confrontés les Français contemporains font pâle figure en comparaison. Mais ils ont aussi à voir avec les problèmes d’unité – ou son absence – et avec la popularité croissante de l’extrême droite moderne. L’absence d’un front uni dans la récente course présidentielle a conduit une fois de plus à une défaite décourageante et, dans le cas de la candidate du parti socialiste, Anne Hidalgo, à une humiliation pure et simple. Représentante du parti traditionnel du centre-gauche, Mme Hidalgo n’a obtenu que 1,75 %. Les Verts ont légèrement mieux fait (4,6 %), mais seul le candidat le plus radical, Jean-Luc Mélenchon, en a fait un combat. Faisant campagne sur une plate-forme d’extrême gauche et nettement eurosceptique, M. Mélenchon a presque égalé le score de Marine Le Pen au premier tour. Certains partisans plus modérés ont voté pour lui en tant que seul candidat de gauche ayant une chance réaliste de succès.

Quelque chose devait être fait après la dernière déception – et a été fait avec une rapidité surprenante. Avant les élections législatives du mois prochain, une nouvelle « union populaire » a été convenue, qui présentera une liste commune de candidats de gauche. La part du lion des sièges sera disputée par le parti La France Insoumise de M. Mélenchon, les candidats verts et socialistes combattant la plupart des autres. Les sondages actuels suggèrent que la Nouvelle Union populaire écologiste et sociale (Nupes) a une bonne chance de devenir la principale opposition au bloc centriste du président Emmanuel Macron à l’Assemblée nationale.

Dans un paysage politique divisé presque également entre la gauche, le centre et la droite, la consolidation du vote progressiste se fait attendre. Mais cette coalition fragile a été formée presque entièrement selon les conditions de M. Mélenchon. A Paris, par exemple, qui est resté un bastion des socialistes, les collègues de Mme Hidalgo ne seront autorisés à briguer que deux des 20 sièges. Des personnalités socialistes de premier plan, telles que l’ancien président français François Hollande, ont exprimé leur consternation face à un programme commun qui s’engage à ignorer les règles de Bruxelles sur la dette et les déficits. D’autres politiques incluent la réintroduction de l’impôt sur la fortune supprimé pendant le premier mandat de M. Macron, l’abaissement de l’âge de la retraite à 60 ans et un gel des prix pour faire face à la crise du coût de la vie.

C’est un programme radical, dont certains sont en contradiction avec ce pour quoi le centre-gauche a fait campagne il y a seulement quelques semaines. Ses rivaux ayant si mal performé, M. Mélenchon a les socialistes et les verts au-dessus d’un tonneau alors qu’ils cherchent à sauver quelque chose de l’épave. Mais il faudra des compétences diplomatiques impressionnantes pour faire tenir le nouveau groupement, et il n’est pas sûr que le leader de La France Insoumise les possède. M. Mélenchon est une figure charismatique mais polarisante, dont l’euroscepticisme et l’hostilité à l’adhésion française à l’OTAN peuvent être difficiles à avaler pour ses nouveaux alliés.

Les divisions peuvent donc être dissimulées plutôt que résolues, mais l’union populaire est néanmoins une évolution positive. La campagne pour l’élection présidentielle s’est caractérisée par une forte dérive vers la droite, notamment en ce qui concerne la race et l’immigration. Alors que la double crise économique et environnementale est confrontée, la démocratie française a besoin d’une gauche qui puisse faire entendre sa voix progressiste sur la place publique. Ce sera peut-être un parcours difficile à venir, mais une première étape nécessaire a été franchie pour y parvenir.