
This article is taken from Les Indispensables de Sciences et Avenir #212 January/March 2023.
Il a noté l’histoire du Saint-Siège, de l’Église et de la science. Au XVIIIe siècle, Prospero Lambertini, plus connu sous le nom de Benoît XIV et surnommé le « Pape des Lumières », ouvrit véritablement la religion chrétienne à de nouvelles idées sur le monde. En 1741, peu de temps après que l’astronome britannique James Bradley eut démontré expérimentalement la rotation de la Terre autour du Soleil, il autorisa officiellement la publication des œuvres complètes de Galilée, qui désavouaient la condamnation du scientifique par le Saint-Office au siècle précédent. Seize ans plus tard, il lève l’interdiction des ouvrages défendant l’héliocentrisme – le Soleil au centre de l’univers. Ce faisant, il légitime aux yeux de la chrétienté une révolution de la pensée commencée trois siècles plus tôt par des esprits audacieux.
Parmi ces derniers se trouvait un autre ecclésiastique, Nicolas de Cues, qui en 1440 se posait de dangereuses questions cosmologiques. Mathématicien et philosophe, c’est ce jour-là qu’il publie De la docte ignorance, ouvrage révolutionnaire sur Dieu et l’univers. A une époque où dominait la philosophie scolastique de Thomas d’Aquin (1225-1274), selon laquelle seul Dieu est infini, et non sa création, le saint fut l’un des premiers à croire que le monde a une grandeur incommensurable, sans fin limite, contrairement à ce que prétendaient de nombreux philosophes grecs, Aristote était en tête. Il en conclut que la Terre ne peut pas être en son centre et qu’elle n’est pas fixe. Cependant, ces idées audacieuses n’échappent pas à l’influence aristotélicienne et restent proches du dogme catholique, puisque le modèle qu’il propose n’est pas mathématisé. Cependant, le travail de Küssein est passé inaperçu de son vivant.
A son époque, et pendant près de treize siècles, le modèle géocentrique établi par Ptolémée (100-168) dominait. Cette vision du monde, plaçant la Terre au centre du Cosmos, basée sur une approche géométrique permettant de déterminer la position des « étoiles errantes » (le Soleil, la Lune et les planètes autres que la Terre), s’appuie sur son physique fondamentale à partir des réflexions d’Aristote. Pour ces derniers, le Cosmos est inchangé, les vitesses sont proportionnelles aux forces, et les mouvements ne sont que les « moyens » d’un astre pour se déplacer d’un point à un autre.
Les piliers de ce système vont enfin trembler cette fois en 1543 avec la publication de Des Révolutions des Orbs Célestes. L’œuvre du chanoine polonais Nicolaus Copernicus (1473-1543) propose un Cosmos avec le Soleil assis en son centre. Cela suggère également que notre planète est soumise à un double mouvement : sa propre rotation et la rotation autour de cette étoile. L’écho de cette théorie jettera les bases d’une étude approfondie des axiomes qui régissent la perception de l’univers.
« Cependant, il faut garder à l’esprit que les concepts de révolution scientifique et de changement de paradigme n’ont été formulés qu’au XXe siècle par le philosophe américain des sciences Thomas Kuhn (voir – Pierre Luminet, astrophysicien et directeur de recherche au CNRS à l’Université d’Astrophysique de Marseille). Laboratoire. En fait, engager cette révolution prendra du temps. Copernic était peu connu de son vivant. Et pour cause, son œuvre n’a été publiée que l’année de sa mort. »
Qu’est-ce qu’une révolution ?
L’histoire des sciences est une succession discontinue de théories paradigmatiques : tel est le concept désormais classique introduit par le philosophe des sciences américain Thomas S. Kuhn (1922-1996) dans sa publication de 1962 The Structure of Scientific Revolutions. . Selon lui, tout mouvement majeur de la science repose sur un modèle démontré et cohérent, lui-même fondé sur un ensemble d’observations et de résultats qui forment un consensus, un modèle sur lequel et par rapport auquel des théories sont formulées. Tant que l’accumulation d’anomalies inexplicables dans le cadre du paradigme actuel rend ce dernier inutilisable, conduisant à son renversement – la physique quantique et les problèmes non résolus de la physique classique qu’elle permet d’expliquer en sont un bon exemple. Puis il y a une rupture qui pousse les disciplines à se réformer sur la base de principes nouvellement démontrés et acceptés.
Pour illustrer ce concept, Thomas S. Kuhn prend l’exemple de la révolution mécaniste ou copernicienne, qu’il définit comme l’archétype de la révolution scientifique. Il suivit en cela le philosophe prussien Emmanuel Kant (1724-1804), qui deux siècles plus tôt appelait le développement du système héliocentrique la « révolution copernicienne ».
Cette nouvelle théorie intriguera dans un premier temps un nombre limité de scientifiques. L’humaniste français Michel de Montaigne (1533-1592) sera parmi les premiers à s’en féliciter. « Non pas parce qu’il la considère comme juste sur le plan astronomique, précise l’astrophysicien, mais parce qu’elle conduit à une relativisation de la place d’une personne dans le monde, comme l’ont fait les atomistes et les stoïciens, en s’opposant à Aristote.
À la fin du XVIe siècle et tout au long du XVIIe siècle, plusieurs érudits ont suivi les traces de Copernic. Admirateur de ce dernier, l’astronome danois Tycho Brahe (1546-1601) reste partisan d’une forme de géocentrisme, mais il s’affranchit de l’idée aristotélicienne qu’il existe des sphères portant des étoiles et entre dans la science moderne. afin de faire des observations avec une grande précision.
Son élève et secrétaire, l’Allemand Johannes Kepler (1571-1630), est un copernicien convaincu. Étudiant les mouvements de Mars pendant près de dix ans, il est arrivé à la conclusion que les orbites des planètes autour du Soleil ne se font pas selon une trajectoire circulaire, mais selon une trajectoire elliptique. Les relations mathématiques en découlent – les lois de Kepler qui régissent le mouvement des planètes; L’Univers, au lieu de n’être qu’un Cosmos incompréhensible, commence donc à se mathématiser. Et le calcul devient l’outil principal de ces scientifiques qui ont décidé de faire la lumière sur les coins les plus sombres du monde.
Cette révolution n’allait pas passer sans conséquences. Le philosophe et frère dominicain Giordano Bruno (1548-1600) fut de ceux qui en payèrent le prix fort. L’un des premiers à redécouvrir les œuvres de Nicolas de Couet, le Napolitain s’est intéressé aux écrits de Copernic. Séduit par l’idée d’infini, il soutient qu’aucune étoile n’est au centre de l’univers, puisque celui-ci s’étend également dans toutes les directions, sans limites. Selon lui, toutes les étoiles sont le soleil, et il existe d’innombrables mondes comme la Terre : l’homme et les étoiles qui l’entourent ne seraient pas la principale préoccupation de l’univers ! Pire encore, l’univers n’aurait aucun souci !
Bruno étudie également la question des mouvements, remplaçant l’approche aristotélicienne par une approche relativiste, selon laquelle le mouvement d’un corps ne peut être étudié que par rapport à un référentiel. Sa rébellion contre le cadre théologique le conduira… au feu de camp du Campo dei Fiori à Rome. Cette condamnation ouvre la voie à la suppression par l’Église des idées novatrices qui défient à la fois ses préceptes fondamentaux et l’Écriture.
Quelques années plus tard, Galilée (1564-1642) en fera également les frais et ne devra la vie qu’à une prudente réfutation. Un physicien italien a fait nombre d’observations grâce à un instrument formidable, une lunette astronomique qu’il a perfectionnée : les lunes de Jupiter, des taches solaires en éternelle évolution, de nouvelles étoiles… autant de découvertes qui confortent la théorie de l’univers lointain. du Cosmos immuable conçu par Aristote.
La lunette devait avoir un effet assourdissant car elle était accessible à tous. L’écho de la révolution copernicienne pouvait désormais être entendu en dehors du cercle restreint des astronomes et philosophes faisant autorité. Impensable pour une église dont la machine répressive a repris son travail : en 1616 les écrits de Copernic sont interdits ; puis, en 1633, pour avoir continué à travailler sur l’héliocentrisme, Galilée est condamné à la cessation immédiate de toute activité scientifique et assigné à résidence jusqu’à sa mort en 1642.
Le triomphe d’une nouvelle vision du monde, bien compréhensible
La même année naît en Angleterre un certain Isaac Newton (1642-1727) qui va poser la dernière pierre de l’édifice copernicien. Sur la base des lois établies par Johannes Kepler, il a développé sa théorie de la gravitation universelle, qui décrit l’interaction physique qui sous-tend l’attraction entre les corps massifs. Ainsi, il a contribué à la création de ce que nous appelons aujourd’hui la mécanique classique. Son travail a popularisé la philosophie de René Descartes (1596-1650) selon laquelle tous les phénomènes physiques pouvaient être expliqués par des interactions entre des particules et des principes mécaniques simples. C’est une vision de l’Univers-machine : non, les phénomènes qui se produisent dans l’Univers n’ont pas de fin, pas de but qui permette de les expliquer. Malheureusement, après le procès de Galilée et par crainte de la censure religieuse, le mathématicien français n’a jamais déclaré son adhésion à la thèse copernicienne de son vivant. Son Traité du monde et de la lumière ne sera publié qu’à titre posthume.
Fondamentaux de la philosophie de René Descartes. Cet extrait d’une édition publiée en 1699 illustre le concept du philosophe selon lequel les phénomènes physiques peuvent être expliqués en termes de principes mécaniques simples. Crédit : SPL/SUCRÉ SALÉ
Cette nouvelle philosophie, pour laquelle il est devenu possible non seulement de décrire les phénomènes physiques comme on le faisait jusqu’alors, mais aussi de les déchiffrer grâce au langage mathématique, pose, selon l’épistémologue français Georges Gusdorf, aussi les fondements de la connaissance expérimentale : les phénomènes n’ont pas de « raison d’existence » définitive, il faut partir de l’expérience pour comprendre comment ils se produisent mécaniquement, mathématiquement. La démarche, qui marque le triomphe d’une nouvelle vision du monde, devenue « une combinaison de matière et de mouvement, soumise aux exigences du calcul », est tout à fait compréhensible.
Un astronome observe le ciel à travers un télescope. L’illustration est tirée de Selenographia, sive Lunae descriptio (1647), dans laquelle l’astronome polonais Johannes Hevelius a réalisé la première carte de la Lune. Crédit : PHOTO DE L’HOMME DE PONT
Après Newton, et suivant ce principe mécaniste, les physiciens se sont attachés à expliquer d’autres phénomènes en découvrant les lois qui les gouvernent : la lumière, le magnétisme, la chaleur ou encore l’électricité. Ainsi, plus d’un siècle et demi après sa publication, la théorie copernicienne a profondément réformé la pensée scientifique au sens le plus large.
Pour Jean-Pierre Luminet, « l’originalité la plus profonde de la révolution copernicienne ne réside pas dans la théorie héliocentrique, car, après tout, des savants et philosophes grecs comme Aristarque de Samos l’ont proposée il y a deux mille ans. s’appelle le principe copernicien, selon lequel il n’y a pas de position privilégiée dans l’univers – qu’il soit fini ou infini. Le sens de l’homme dans le monde, à la fois dans l’espace et dans le temps.
Depuis, la physique, ainsi que la science au sens large, tentent de se construire selon ce principe. La théorie de l’évolution de Darwin, par exemple, est en partie construite sur ce nouveau paradigme, tout comme la cosmologie relativiste moderne. L’univers aristotélicien a cédé la place à un monde plus vaste et plus connecté.

Grand fan de mangas et d’animes, je n’aime bien écrire qu’à propos de ses sujets, c’est pour ca que j’écris pour 5 minutes d’actus. Au quotidien de décortique, donne mes avis sur les différents épisodes et chapitres des mangas que j’aime lire.