UNChef des élections législatives de dimanche, Emmanuel Macron a demandé aux électeurs de délivrer à son groupement parlementaire un mandat solide à l’heure des multiples crises. L’alternative, a déclaré le président récemment réélu, serait d’ajouter « le désordre en France au désordre dans le monde ».

Ce moyen a été catégoriquement rejeté. Dans une série de résultats époustouflants, qui se sont soldés par une nuit terrible pour M. Macron, son alliance centriste a perdu plus de 100 sièges à l’Assemblée nationale. Bien qu’il reste la plus grande force, le parti Ensemble (Ensemble) du président est loin d’avoir obtenu la majorité absolue, et un certain nombre de poids lourds de haut niveau ont été défaits aux urnes.

Ce n’était sans doute pas le plus grand choc d’une élection où le taux de participation était déprimant. Dépassant ses espérances les plus folles, l’extrême droite française a obtenu sans peine son meilleur résultat parlementaire. Portant son nombre de députés de huit à 89, le Rassemblement National a gagné des pans entiers de nouveau territoire alors que les partisans se sont rendus dans le nord et le sud-est. Le parti de Marine Le Pen va désormais bénéficier d’une visibilité sans précédent sur la scène nationale et accéder à d’importants droits constitutionnels à l’Assemblée. Pendant ce temps, à gauche, une nouvelle alliance dirigée par le vétéran d’extrême gauche Jean-Luc Mélenchon est devenue la principale force d’opposition au groupe centriste de M. Macron. L’unification controversée de la gauche fragmentée française, sous la direction charismatique mais source de division de M. Mélenchon, s’est avérée un triomphe tactique. L’alliance a plus que doublé le nombre de sièges remportés par ses parties constituantes en 2017.

M. Macron a supervisé une campagne terne et complaisante qui s’est appuyée sans succès sur l’élan généré par sa victoire présidentielle en avril. La conséquence sismique est un parlement reflétant un pays où l’affiliation politique est divisée entre trois camps : la gauche sociale-démocrate et socialiste ; le centre libéral et le centre droit, et la droite radicale. La percée profondément malvenue de Mme Le Pen doit en partie être attribuée à la décision imprudente de M. Macron de diaboliser la gauche unie comme une force tout aussi « extrême ». Cela a contribué à un effondrement de la solidarité anti-extrême droite, car de nombreux électeurs centristes et de gauche se sont abstenus lors de concours où leur propre candidat n’a pas réussi à se présenter au second tour. La porte était ainsi grande ouverte pour certains des candidats de Mme Le Pen.

Pour le président, le principal point à retenir est que la dynamique de son second mandat sera totalement différente de celle de son premier. Les succès à tous les niveaux aux élections de 2017 ont permis à M. Macron de se livrer à un style politique parfois autoritaire, « hyper-présidentiel ». Cela a aliéné une grande partie de l’électorat, qui a maintenant dramatiquement coupé ses ailes. Ces résultats signifient que M. Macron devra travailler pour se faire de nouveaux alliés et accepter des compromis. Le sort de ses propositions d’abaisser l’âge de la retraite et d’introduire des réformes de la protection sociale dépendra probablement de sa capacité à séduire les députés du parti de centre-droit Républicains.

D’un simple accessoire approuvant les décisions de l’Élysée, l’Assemblée nationale s’est transformée du jour au lendemain en une institution qui compte. C’est, en gros, une bonne chose pour la démocratie française. Mais le risque d’une paralysie fracturée est réel, à un moment où des défis urgents doivent être relevés sur des questions telles que la crise du coût de la vie, la guerre en Ukraine et l’urgence climatique. Un chemin semé d’embûches s’offre à un M. Macron châtié et à un parlement qui doit trouver un moyen d’agir dans l’intérêt national en des temps difficiles.