Programmation Neuro Linguistique, EMDR, Approche Transactionnelle, Ennéagramme, Intelligence Emotionnelle… Les méthodes de développement personnel se succèdent au gré de la mode et de l’imaginaire des auteurs, « thérapeutes » et coachs qui prétendent nous aider, nous soutenir, voire nous soigner de nos petits . les erreurs. et maladies graves. Pourquoi pas, diront certains. Si elles n’apportent pas de bénéfice, alors ces pratiques ne font certainement pas de mal, et peuvent peut-être apporter du réconfort à ceux qui les pratiquent. Le psychologue Nicolas Sajus, auteur de La marchandisation du bonheur de L’Harmattan, montre à quel point c’est faux. Spécialisé dans l’accompagnement des victimes de pseudo-thérapeutes (1), il a pu comprendre à quel point ces pratiques peuvent parfois être toxiques. Explications.

L’Express : Dans votre livre vous mettez en garde contre la pseudo-psychothérapie et ses risques. Quelles sont les méthodes qui vous préoccupent particulièrement ?

Nicholas Sujus : Toutes les thérapies holistiques New Age qui prétendent soulager la souffrance. L’usage du titre de psychothérapeute étant réglementé et ne pouvant faire l’objet d’abus omniprésents, on assiste depuis quelques années à l’émergence de nouveaux praticiens se faisant appeler « thérapeutes » ou « coachs ». Ils ont fait de la prise en charge de la souffrance psychique un véritable marché. On retrouve dans leurs offres souvent peu systématiques des techniques telles que l’Analyse Transactionnelle, le RGO, la Programmation Neuro-Linguistique, l’Ennéagramme, la méditation, un peu de psychanalyse bon marché… Tout cela est souvent mêlé à l’influence d’idées spirituelles puisées dans le Bouddhisme et l’Hindouisme. Mais cela peut aussi aller jusqu’à l’induction de faux souvenirs, d’états altérés de conscience, et de « channeling » défini comme « communication avec d’autres entités ». Ils ont une prétention générale à résoudre tous les problèmes dans une sorte d’universalisme qui peut être dangereux.

« Une pensée simplifiée qui joue sur la vulnérabilité et l’ignorance d’une partie de la population »

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Avez-vous des exemples de situations que vous avez rencontrées ?

Prendre en charge les personnes victimes d’un traumatisme psychologique suite à un événement particulièrement difficile. Dans ce cas, l’EMDR est une réponse très courante aujourd’hui. De quoi parle-t-on ? EMDR signifie « Years of Eye Movement Desensitization Recycling », qui peut être traduit par « Eye Movement Desensitization and Reprogramming ». Cette méthode a été inventée dans les années 1990 par Francine Shapiro, une psychologue américaine qui faisait partie de la Palo Alto School en Californie, d’où sont issues toutes les psychothérapies dites de courte durée, à laquelle appartient l’EMDR. Elle a remarqué qu’en bougeant les yeux, elle soulageait la douleur causée par des événements difficiles de son passé.

Selon sa théorie, il devrait y avoir une réserve de traumatismes au niveau des neurones, qui pourrait être réduite par la narration et les mouvements oculaires. Mais Shapiro elle-même a admis qu’il n’y avait pas d’arguments scientifiques dans sa démarche, et les travaux disponibles à ce jour ne permettent toujours pas de tirer une conclusion sur l’intérêt de cette technique. Pourtant, elle est aujourd’hui très répandue, et s’applique à toutes sortes de maux : anorexie, tabagisme, dépression… Cela pose question, d’autant plus que c’est aussi une étiquette médicale, avec tout un mercantilisme de jeu qui s’est développé, puisque tout praticien EMDR devrait avoir cette étiquette. .

Cependant, récemment, une patiente psychotraumatisée est venue me voir, qui a été traitée de la sorte : elle a eu 10 séances à 150 euros chacune, si bien qu’on lui a finalement dit qu’elle résistait et que le praticien ne pouvait rien faire de plus pour elle… comprendre que l’impact d’une blessure psychique dépend de la personne qui la subit, et qu’une même technique ne peut être une réponse appliquée à tous. Si l’EMDR fonctionnait aussi, toutes les personnes atteintes seraient aujourd’hui guéries, ce qui n’est évidemment pas le cas. C’est une idée très simpliste qui joue sur la vulnérabilité et l’ignorance d’une partie de la population.

Existe-t-il également un risque d’empêcher les patients d’accéder à d’autres soins ?

Absolument. Ils se laissent prendre au dogme alors qu’en fait aucune méthode ne contient de « vérité ». Les victimes sont d’autant plus fragilisées en cas de blessure, la question du sens se pose très vite. Ils veulent s’en sortir et, face à leur souffrance, sont souvent prêts à faire tout ce qui est parfaitement légal. Cela peut aller très loin.

« Certains patients renforcent des croyances qui ne sont plus réelles et finissent par décompenser. »

Le jeune homme dont je m’occupais, battu dans son enfance et rejeté par son père, était d’une timidité douloureuse. Pour essayer de s’en sortir, il a commencé à suivre l’entraîneur en ligne. Il regardait toutes ses vidéos en boucle, y compris la nuit. Au début, il a eu une sorte de lune de miel, une phase d’hyperexcitation, où tout lui semblait simple, mais la décompensation et l’effondrement ont pris fin, et j’ai dû l’hospitaliser. Aujourd’hui, il est sous traitement antipsychotique. Je ne dis pas que le coach lui a causé une pathologie, mais cet épisode a été un facteur déclenchant dans l’émergence du switch. Cela arrive aussi avec les approches méditatives ou hypnotiques qui sont très à la mode en ce moment.

Selon leur structure mentale, certains patients peuvent ne pas les supporter du tout : cela renforce leurs croyances, qui ne correspondent plus à la réalité, et ils décompensent. Sans parler des dérives associées à un certain engouement pour des pratiques de plus en plus ésotériques.

Qu’avez-vous pu observer dans ce domaine ?

Certains n’hésitent pas à se tourner vers des guérisseurs, des médiums… Récemment j’ai vu un couple sur le point de rompre se tourner vers un magnétiseur pour tenter de résoudre leurs difficultés. Il leur a dit que leurs problèmes étaient liés à la zone tellurique où se trouvait leur maison. Et payé 190 euros pour ça ! En matière d’affectivité, il n’y a pas de limites. J’ai même consulté un magistrat qui a versé au marabout 30 000 euros en espèces pour qu’il puisse rendre la compagne qui l’avait quittée…

Comment les psychologues ou les psychiatres peuvent-ils intervenir dans les affaires des victimes d’une telle captation ou dérive ?

Le soutien variera d’une personne à l’autre. L’attitude professionnelle relève d’une écoute bienveillante et surtout non moralisatrice ou prescriptive qui s’engagerait dans la répétition de pratiques « gourous ». La communication paradoxale peut être utile, notamment pour les proches de l’adepte, sur le mode : « je ne suis pas d’accord avec ton choix, mais je respecte ta liberté ». Il s’agit ensuite d’aider à restaurer l’esprit critique et l’autonomie. Travailler en thérapie est comparable à dérouler une pelote de laine, qui représente l’histoire de la vie du sujet. Il s’agit de l’accompagner pour qu’il trouve les ressources pour faire des choix, pour agir, pour dire « je », pour se permettre d’exprimer son opinion. Ainsi il sera fortifié et deviendra libre, loin des manipulations mentales et des prescriptions des « pseudo-thérapeutes ».

(1) Nicolas Sajus intervient ce samedi 1er octobre lors d’un colloque organisé par le Gemppi (Groupe de recherche sur les mouvements de pensée pour la défense de la personnalité) à Marseille sur « Causes et effets de la libération des influences mentales ou sectaires ». “.

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