La diffusion sur la chaîne de télévision franco-allemande Arte, mardi 18 octobre, du documentaire « De vaccins et les gens » a provoqué une vive réaction sur les réseaux sociaux. Ce film, qui se veut une réflexion raisonnée et impartiale sur la vaccination, donne sans retour en arrière la parole aux défenseurs des thèses qui alimentent l’opposition à la vaccination. La crise sanitaire ayant montré à quel point les théories anti-vaccinales sont néfastes, nous avons demandé au professeur Alain Fischer, ancien président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale et chroniqueur à L’Express, de se pencher sur cette émission et de la mettre en perspective.

On ne peut qu’être d’accord avec les conclusions de ce documentaire qui prône la science ouverte, la possibilité de se poser des questions et d’argumenter, une attitude qui renforce la confiance de nos concitoyens dans la vaccination. Cependant, cela doit encore être basé sur une analyse solide et des faits établis. Malheureusement, malgré les contributions de certains scientifiques éminents (tels que Mark Davis ou Heidi Larson), ce document contient un grand nombre d’inexactitudes et répète parfois sans critique de fausses nouvelles. Voici quelques-uns d’entre eux.

1/ L’éradication de la variole sera liée à des campagnes de vaccination contre les malades et non à des campagnes de vaccination de masse. En effet, ces derniers, comme le rappelle l’OMS, ont joué un rôle décisif dans l’éradication de cette maladie, même si des campagnes ciblées les intéressent également. De même, la quasi-extinction de la poliomyélite est le résultat de campagnes de vaccination massives à travers le monde.

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2/ Un médecin généraliste affirme dans un documentaire que les maladies infantiles comme la rougeole ou la rubéole sont bénignes et ne justifient donc pas la vaccination (actuellement obligatoire). S’il est vrai qu’elles sont généralement bénignes, il est sans doute utile de rappeler que 1) la rougeole tue encore chaque année 135 000 enfants (non vaccinés) dans le monde, que 2) la baisse de la couverture vaccinale en France, comme dans certains autres pays, a entraîné une augmentation du nombre de cas et de certains décès chez des patients immunodéprimés qui n’ont pas pu être vaccinés et qui auraient dû être protégés par la vaccination générale. Le principe de solidarité de la vaccination pour se protéger et ainsi protéger les plus vulnérables, en général, n’a pas vraiment retenu l’attention des auteurs de ce documentaire ! 3) La rubéole entraîne un risque élevé de malformations fœtales lorsqu’une femme enceinte non vaccinée contracte cette maladie. Grâce à la vaccination, la rubéole congénitale a pratiquement disparu dans notre pays.

La vaccination contre le Covid réduit le risque d’infection

3/ Ce documentaire développe l’idée que la vaccination Covid ne protège pas contre l’infection et donc la vaccination de masse n’est pas justifiée. Cette affirmation est fausse, la vaccination réduit le risque d’infection, même si elle ne l’élimine pas. Celle-ci ne peut être négligée encore une fois pour protéger indirectement les plus vulnérables (personnes âgées, immunodéprimées), d’où la recommandation actuelle de rappels vaccinaux pour les personnes vivant au contact de personnes à risque.

4/ A indiqué que les vaccins ne sont pas soumis aux mêmes règles de test (essais précliniques, randomisés, etc.) que les médicaments. La période récente avec le développement des vaccins Covid montre qu’aujourd’hui ce n’est plus le cas, ce qui aurait pu (aurait dû) être signalé !

5/ En décrivant ce qui se passe aux États-Unis, les auteurs suggèrent que la vaccination de masse contre la grippe est un abus. Si les Etats-Unis recommandent la vaccination à partir de 6 mois, ce n’est pas pour protéger les enfants d’un risque minimal, mais pour protéger leurs grands-parents par la logique de la solidarité. Cette stratégie peut être discutée – en France ça ne marche pas – mais ce rationnel aurait pu (aurait dû) être pointé du doigt.

6/ Le documentaire raconte des fake news non critiques sur la vaccination contre les papillomavirus. Le documentaire ne mentionne pas – contrairement à ce qui est affirmé – que le vaccin protège contre le risque de cancer du col de l’utérus (protection de 90% si vacciné avant l’activité sexuelle), comme le démontrent plusieurs publications basées sur le risque analysant des millions de femmes dans plusieurs pays. Par conséquent, il est faux de supposer que la vaccination augmente le risque de ce cancer sur la base de données provenant de femmes non vaccinées ! Enfin, si demander un frottis cervical est légitime, rappelons que ce dépistage incite alors à la pratique d’un acte médical (conisation) alors que le vaccin prévient les lésions. Ne les opposez pas les uns aux autres, mais unissez-vous. Chaque année en France, 6 000 cas de cancers dus à des papillomavirus sont enregistrés, entraînant environ 2 000 décès. La vaccination peut prévenir le 9/10, c’est une mesure de santé publique ! La parole dans ce documentaire est donnée à un gynécologue défavorable à la vaccination, ce qui est loin de refléter l’attitude de cette communauté médicale qui dans son écrasante majorité promeut cette vaccination. Cela aurait pu (aurait dû) être couvert dans un documentaire.

Les complications liées aux sels d’aluminium n’ont jamais franchi nos frontières !

7/ Ce documentaire revient sur les affirmations de Romain Gherardi sur les risques liés aux adjuvants aluminiques. Un risque qu’aucune équipe sérieuse au monde n’a jamais vu ! Comme si les myofasciites et les complications neurologiques causées par les sels d’aluminium ne traversaient pas nos frontières ! Rappelons 1) que (même selon M. Gherardi) cette complication n’a pas été rapportée chez les enfants qui sont les principaux receveurs de vaccins contenant des sels d’aluminium ; et 2) que ces adjuvants sont utilisés depuis près de cent ans, des milliards de personnes les ont reçus sans danger. Ces notions auraient pu (dû) être rappelées dans un documentaire. Ajoutons que l’évaluation des effets secondaires des vaccins fait, contrairement aux dires de Romain Gherardi, l’objet d’une très grande vigilance. Ainsi, des complications thrombotiques exceptionnelles (environ 1 sur 100 000) causées par les vaccins à adénovirus contre le Covid ont été découvertes très rapidement, ce qui a entraîné une modification de l’utilisation de ces vaccins et est immédiatement devenue publique.

8/ Le documentaire donne habilement la parole à Mark Davis, immunologiste de premier plan, qui souligne à juste titre l’importance du microbiote. Pourtant, le ton du documentaire laisse entendre que cette notion va à l’encontre du principe de la vaccination et de la volonté (absurde) de tuer tous les germes. La comparaison est pour le moins étonnante.

9/ Jean Dosset, l’un des découvreurs des groupes tissulaires HLA, est également mis en scène pour suggérer qu’au lieu de vacciner aveuglément toute la population contre tel ou tel microbe, on pourrait cibler les plus susceptibles de développer une infection grave. Cette position appelle deux remarques : 1) il est vrai que la susceptibilité individuelle existe, mais ses mécanismes sont complexes (génétiques, écologiques, etc.) et ne peuvent être mesurés au niveau actuel des connaissances ; 2) pour certaines vaccinations, comme évoqué plus haut, la notion de protection collective justifie la vaccination de tous (cf. l’exemple de la rougeole, entre autres). Il ne faut pas non plus prétendre que toutes les vaccinations sont recommandées indistinctement à l’ensemble de la population. Par exemple, les vaccins contre la grippe et le zona sont recommandés pour les personnes âgées, les vaccins contre la coqueluche pour les parents de nouveau-nés afin de les protéger.

10/ Enfin, l’augmentation de l’incidence des maladies allergiques, auto-immunes et inflammatoires dans les pays riches est comparée à la diminution de l’incidence des maladies infectieuses (théorie de l’hygiène) pour suggérer que cela pourrait être dû à la vaccination de masse. Rappelez-vous que le risque d’induire ou d’aggraver des maladies auto-immunes après la vaccination est extrêmement faible. Le constat n’a pas conduit à un arrêt du lavage des mains et ne doit pas soulever de questions sur le principe de la vaccination !

De plus, nous pouvons regretter que ce documentaire, qui se veut complet, omette de mentionner les fausses nouvelles nuisibles sur les pratiques de vaccination, comme l’affirmation manifestement erronée du Dr Wakefield au Royaume-Uni selon laquelle la vaccination contre la rougeole, les oreillons et la rubéole a causé l’autisme. ; ou l’affirmation, réfutée par de nombreuses études, que la vaccination contre l’hépatite B cause la sclérose en plaques. Cette fake news a sérieusement ébranlé la crédibilité de la vaccination. Cela aurait pu (aurait dû) être mentionné dans le documentaire. Heidi Larson, la grande spécialiste de l’hésitation vaccinale, dont le sens est quelque peu manipulé dans ce documentaire, ne cesse de nous rappeler la nécessité d’une information complète (analyse bénéfice/risque), claire et compréhensible, afin d’accroître la confiance de nos concitoyens. citoyens à la vaccination. Ce n’est clairement pas le but de ce documentaire.

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