Publié le 11 octobre 2022 à 15:17Mis à jour le 11 octobre 2022 à 15h32.

Fiançailles, divorce et enfin mariage… Un feuilleton Twitter digne d’une série télévisée avec ses rebondissements en cascade.

Sauf surprise de dernière minute, le groupe de milliardaires bluebird doit se marier fin octobre. C’est en tout cas ce qu’ont affirmé récemment les avocats d’Elon Musk.

Épilogue après plusieurs mois de succès et d’échecs. Le point sur ce dossier complexe, ses implications, et l’avenir du spécialiste du microblogging.

Twitter et Musk : pourquoi ces demi-tours ?

Lorsque le marché a découvert la part prise par le fondateur de Tesla début avril 2022, il y a eu un buzz à Wall Street. Le milliardaire, qui compte désormais plus de 108 millions de followers sur le réseau social et en est un utilisateur actif, est devenu son premier actionnaire, acquérant 9,2% du capital.

Mais les premières questions refont rapidement surface alors que le fondateur de Tesla continue de critiquer publiquement le site de microblogging (allant jusqu’à se demander s’il est en train de mourir) et démissionne de son siège de directeur. Il a également demandé à ses abonnés – avec la provocation qui le caractérise souvent – ​​si le siège de Twitter devait être transformé en refuge pour sans-abri…

Enfin, mi-avril, Elon Musk a encore surpris en annonçant qu’il faisait une offre d’achat sur les réseaux sociaux d’une valeur de plus de 40 milliards de dollars. Il justifie en partie cette tentative par son souci de la liberté d’expression, qui pourrait être mise en péril par la politique de modération du réseau social.

Fin avril, la proposition a été acceptée par le conseil d’administration du groupe de San Francisco. Beaucoup pensent alors que le feuilleton s’arrête ici. Mais c’est sans compter sur l’imprévisible Elon Musk : mi-mai, il a fait transpirer les investisseurs en annonçant qu’il suspendait le rachat et baissait le prix de Twitter.

Discuté? Robots (voir ci-dessous). Puis, pendant plusieurs semaines, Musk souffle alternativement, puis chauffe, puis se refroidit.

Début juillet, coup de tonnerre : il annonce enfin qu’il renonce à son rachat de Twitter.

Le marché est sous le choc. Les deux groupes se préparent à une longue bataille juridique. Twitter répond à Elon Musk par une plainte acerbe, et ce dernier, à son tour, l’attaque.

Les actions Twitter à Wall Street ont augmenté ces derniers mois.

Alors que les marchés et les observateurs de l’industrie attendent avec impatience le litige entre les deux, le nouveau tournant d’Elon Musk début octobre : le milliardaire décide finalement de relancer son offre au prix initialement convenu (54,20 $ par action).

· Quel est l’avenir de Twitter dans ce contexte difficile ?

Le groupe Blue Bird a enregistré une perte au deuxième trimestre.

Le groupe Blue Bird a enregistré une perte au deuxième trimestre.REUTERS/Robert Galbraith/

Malgré l’annonce d’un mariage imminent avec Elon Musk, l’avenir de Twitter ne s’annonce pas brillant.

D’une part, pour éviter la perspective d’un litige long, coûteux et risqué, le milliardaire devrait faire un chèque d’environ 44 milliards de dollars à un groupe dont il n’avait plus besoin il y a quelques semaines, et alors que le contexte ne bonne mine pour les valeurs tech… Avec d’autre part, le réseau social se retrouve avec un futur patron qui ne cesse de la critiquer publiquement et n’a jamais exprimé ses réelles intentions concernant l’avenir du groupe.

L’entreprise, dirigée par Parag Agrawal, n’est pas non plus au mieux de sa forme. Il a terminé le deuxième trimestre 2022 dans le rouge. C’est le réseau social qui affiche une perte nette de 270 millions de dollars alors qu’il a réalisé un bénéfice à la même période l’an dernier. Ainsi, les nombreux aléas de ces derniers mois n’ont pas aidé le réseau à se concentrer sur l’avenir, et occasionné des coûts, mais le réseau social souffre également d’une baisse des coûts de la publicité en ligne liée à l’incertitude macroéconomique.

Tout d’abord, le site de microblogging n’a jamais été un « ATM » et est en difficulté depuis longtemps. Comme de nombreux réseaux sociaux, l’entreprise génère des revenus principalement grâce à la publicité ciblée. Mais il n’a pas l’envergure du Meta en termes de nombre d’abonnés.

Mais contrairement à d’autres grands réseaux, Twitter n’est pas une plateforme grand public : il est utilisé par des dirigeants, des journalistes, des militants, des passionnés d’actualités, etc. Une étude récente du Pew Research Center a révélé que seulement 13 % des adultes américains utilisent régulièrement Twitter pour trouver des informations, mais 70 % des journalistes l’utilisent dans leur travail.

Difficile de savoir ce qu’Elon Musk en fera. « Acheter Twitter est un moyen d’accélérer la construction de X, l’application Total », a-t-il tweeté récemment. Il y a quelques mois, il évoquait le modèle WeChat en Chine, une application qui a connu une croissance impressionnante, permettant de discuter avec des amis et de commander des biens et services.

Qu’en est-il des « bots » au centre du conflit ?

Twitter et Elon Musk se sont disputés sur le nombre de faux comptes.

Twitter et Elon Musk se sont disputés sur le nombre de faux comptes.REUTERS/Dado Ruvic

La procrastination d’Elon Musk est largement liée au sujet des « bots ». Depuis le printemps 2022 – peu après l’annonce du rachat – l’homme d’affaires a commencé à s’en inquiéter. Selon la direction de Twitter, il y a moins de 5% de faux comptes basés sur des utilisateurs actifs quotidiens « monétisables », qui étaient de 229 millions au premier trimestre. Mais pour Elon Musk, ce chiffre pourrait être beaucoup plus élevé. Il a même souligné que les faux comptes pouvaient atteindre 20 %, voire 90 %, selon Bloomberg.

C’est le bilan des bots qu’il a mis en avant pour refuser de s’emparer du réseau social en juillet.

Il est difficile de dire exactement qui a raison et qui a tort. « Des études récentes estiment à 15 % la part des faux comptes via les bots. Mais pour certains sujets, notamment les recommandations boursières, cette part peut atteindre 70 % », expliquait il y a quelques semaines aux Echos Stefano Cresci, chercheur spécialisé sur ce sujet à l’Istituto di Informatica e Telematica (Italie).

Quoi qu’il en soit, ce problème de bot est apparu récemment lorsque l’ancien responsable de la sécurité de Twitter a accusé Twitter de cacher des vulnérabilités dans son système de sécurité et de mentir sur la lutte contre les faux comptes. Ce que le site de microblogging réfute dans son intégralité.

C’est Peiter Zatko, un ancien hacker licencié en début d’année, qui s’inquiétait surtout du nombre de bots début 2021, et on lui a fait comprendre que l’entreprise n’avait aucune envie de mesurer les faux comptes. .

En septembre, il réitère ses accusations devant le Sénat américain.

Chiffres clés de Twitter

Au deuxième trimestre, Twitter comptait près de 240 millions d’utilisateurs actifs dits « monétisables » (soit une augmentation de 237,8 millions, pour être exact).

En 2021, il avait environ 5 milliards de dollars de revenus et une perte d’environ 220 millions de dollars (en raison des frais juridiques). La grande majorité des revenus de Twitter (environ 85 %) provient de la publicité.

· Quels sont les effets en cascade dans le monde de la finance ?

Certains fonds spéculatifs ont parié sur l'issue positive du conflit.

Certains fonds spéculatifs ont parié sur l’issue positive du conflit.REUTERS/Lucas Jackson

Les annonces d’achat, de rejet puis de rachat mettent à rude épreuve les nerfs des investisseurs et des banques. Si le repli de juillet a privé les banques de commissions juteuses, la dernière annonce de mariage début octobre a été un soulagement pour les actionnaires de Twitter, mais pas forcément une bonne nouvelle pour tout le monde. Un pool de banques mené par Morgan Stanley, Bank of America et Barclays devra trouver des bénéficiaires de 12,5 milliards de dollars de dette dans des conditions très défavorables. Et le problème vaut aussi pour les banques françaises (BNP Paribas et Société Générale).

D’un autre côté, le récent revirement du milliardaire a fait le bonheur des représentants des fonds spéculatifs. Comme Carl Icahn, certains investisseurs ont acheté des actions Twitter en pariant sur l’issue favorable du conflit… avec succès.

Quant à Elon Musk, même s’il doit désormais signer un gros chèque pour le rachat de Twitter (d’autant que c’est lui qui a été responsable de la baisse des prix cet été, après l’annonce du retrait du deal), il reste le l’homme le plus riche du monde…