Des dizaines de pots dans le laboratoire de LanzaTech dans la banlieue de Chicago font constamment bouillonner un liquide beige alors que des milliards de minuscules bactéries se bourrent du gaz qu’elles avalent pour le traiter.

Grâce à la technologie développée ici, trois usines chinoises utilisent déjà ces micro-organismes pour convertir leurs gaz à effet de serre en éthanol.

Puis, grâce à des partenariats avec de grandes marques comme Zara ou L’Oréal, cet éthanol est à son tour transformé en produits du quotidien : bouteilles, articles de maison, shorts de sport ou encore robes.

« Il est clair qu’il y a 14 ans, je n’aurais pas pensé que nous mettrions sur le marché des robes de cocktail issues des émissions des aciéries », s’amuse Michael Koepke, qui a rejoint LanzaTech presque à ses débuts.

L’entreprise est la seule américaine parmi les 15 finalistes du prix Earthshot, créé par le prince William pour encourager les initiatives climatiques. Les gagnants seront annoncés vendredi.

L’une des robes vendues par Zara, en partie fabriquée à partir de gaz à effet de serre recyclés grâce à la technologie LanzaTech, dans les locaux de l’entreprise à Skokie, aux États-Unis, le 28 novembre 2022. (AFP – KAMIL KRZACZYNSKI)

Depuis son lancement, LanzaTech et ses 200 employés ont affirmé avoir évité 200 000 tonnes d’émissions de CO2, produisant à la place environ 190 millions de litres d’éthanol.

« Une goutte d’eau » par rapport aux quantités nécessaires pour lutter contre le changement climatique, reconnaît le microbiologiste Michael Koepke.

Mais après avoir passé 15 ans à développer cette technique et à prouver sa faisabilité à grande échelle, l’objectif aujourd’hui est d’augmenter le nombre d’usines participantes.

« Nous voulons arriver au point où nous n’utilisons que le carbone déjà extrait de la terre pour la faire fonctionner », au lieu d’extraire plus de pétrole et de gaz, explique M. Koepke.

– bactérie « Athlète » –

LanzaTech compare sa technologie à la création de bière : au lieu de sucre fermenté, la matière première ici est les gaz à effet de serre et le produit final est l’éthanol.

La bactérie commerciale a été identifiée il y a des décennies dans des excréments de lapin. L’entreprise l’a placé dans un cadre industriel pour optimiser ses performances, « un peu comme entraîner un athlète », compare Michael Koepke.

Image du premier site où la technologie LanzaTech a été commercialisée pour une aciérie en Chine dont les émissions sont converties en éthanol par des bactéries (Lanzatech/AFP - Handout)Image du premier site où la technologie LanzaTech a été commercialisée pour une aciérie en Chine dont les émissions sont converties en éthanol par des bactéries (Lanzatech/AFP – Handout)

Ces bactéries sont ensuite envoyées sous forme de poudre lyophilisée vers des usines qui entreprennent la construction de réacteurs de plusieurs mètres de haut, où elles seront enfouies. Ces entreprises clientes récolteront alors les bénéfices de la vente d’éthanol.

Les sites chinois sont une aciérie et deux usines de ferroalliages. Six autres sites sont en construction, dont un en Belgique pour l’usine d’ArcelorMittal et un autre en Inde pour l’Indian Oil Company.

Parce que les bactéries peuvent absorber le CO2, le monoxyde de carbone ou l’hydrogène, le processus est très « flexible », plus « flexible » que « toute autre technologie de transfert de gaz », explique Zara Summers, vice-présidente scientifique chez LanzaTech.

La matière première pourrait être des « ordures » gazéifiées, « des déchets agricoles ou des gaz émis par toute industrie lourde », explique-t-elle.

Zara Summers, vice-présidente des sciences, et Michael Koepke, vice-président et vice-président de la biologie synthétique chez LanzaTech, à Skokie, le 28 novembre 2022 (AFP - KAMIL KRZACZYNSKI)Zara Summers, vice-présidente des sciences, et Michael Koepke, vice-président et vice-président de la biologie synthétique chez LanzaTech, à Skokie, le 28 novembre 2022 (AFP – KAMIL KRZACZYNSKI)

Divers partenariats ont déjà permis de créer à partir de ces gaz des articles pour la maison vendus dans les rayons de la grande chaîne de supermarchés Migros, ou encore deux collections de robes pour Zara. Vendu environ 90 $, fabriqué à partir de polyester à 20% de gaz piégés.

Selon Mme Summers, l’humanité « aura toujours besoin de carbone », mais « à l’avenir, l’idée est qu’il ne soit plus gaspillé. (…) Au lieu de le jeter dans l’atmosphère, mettons – dans les produits.

– Carburant durable –

LanzaTech a également créé une société distincte, Lanzajet, pour utiliser l’éthanol produit comme carburant d’aviation (« carburant d’aviation durable », SAF). Augmenter la production mondiale de carburants durables est un énorme défi pour ce secteur qui s’est engagé dans le verdissement.

L’objectif de l’entreprise est de produire près de 3,8 milliards de mètres cubes de carburant par an d’ici 2030. Contrairement au bioéthanol produit à partir de blé, de betterave ou de maïs, le bioéthanol issu du gaz ne remplace pas les cultures.

Un employé de LanzaTech travaille avec des bactéries capables de convertir des gaz tels que le CO2 en produits chimiques réutilisables à Skokie, le 28 novembre 2022. (AFP - KAMIL KRZACZYNSKI)Un employé de LanzaTech travaille avec des bactéries capables de convertir des gaz tels que le CO2 en produits chimiques réutilisables à Skokie, le 28 novembre 2022. (AFP – KAMIL KRZACZYNSKI)

Pour LanzaTech, le prochain défi est de commercialiser des bactéries qui produisent des produits autres que l’éthanol. Ainsi, des milliers de souches différentes sont testées dans ses laboratoires.

« Nous avons déjà montré que nous pouvions produire plus de 100 produits chimiques », explique Michael Koepke.

Il est particulièrement enthousiaste à l’idée, encore à l’étude, de pouvoir transformer directement des gaz en éthylène, « le produit chimique le plus utilisé au monde » (pour les bouteilles, les emballages, etc.), dont la production produit aujourd’hui « presque autant de « Le CO2 comme dans l’aviation.

L’éthanol de LanzaTech doit actuellement être converti en polyéthylène, mais cette étape pourrait être ignorée et économiser encore plus d’énergie.