jeSi la démocratie d’aujourd’hui enseigne une leçon, ne sous-estimez pas le populisme. Insultez-le, tournez-le en dérision, excusez-le, ne faites pas de plate-forme, mais c’est une force sérieuse dans la politique électorale. En France, Marine Le Pen est entrée en lice pour la présidence.

Plus tôt ce mois-ci, l’autoritaire hongrois Viktor Orbán a balayé le tableau. En Russie, quoique dans des circonstances fâcheuses, Vladimir Poutine conserve une emprise patriotique sur l’opinion. Aux États-Unis, Donald Trump refuse de disparaître. Ces individus ne sont en aucun cas les mêmes, mais ils véhiculent le même message.

Le message est que le parti est supplanté par la personnalité et l’identité. Alors que la prospérité relative augmente, les électeurs ont recours aux préjugés et à la sécurité émotionnelle. Ils peuvent se méfier des étrangers. Ils peuvent haïr les mondialistes, les parlementaires, les bureaucrates et les libéraux, quelle que soit leur définition. Ils veulent sentir le contrôle de leur propre vie, comme le leur a offert ridiculement mais avec succès le Britannique Boris Johnson sous la forme du Brexit. Ils veulent aimer ceux qui prétendent les diriger.

Ce populisme a déchiré le spectre gauche-droite. Emmanuel Macron a accédé au pouvoir il y a cinq ans en tant qu’outsider radical. Il a brisé le système de partis français – les deux anciens partis ont obtenu moins de 10 % à cette élection. Il s’est avéré un réformateur déterminé, voire audacieux, de l’économie politique archaïque de la France, modernisant son État-providence et assouplissant les rigidités du travail là où ses prédécesseurs ont échoué.

La soi-disant droite Le Pen s’est identifiée aux pauvres, avec des promesses imprudentes d’essence moins chère, des impôts plus élevés pour les riches et plus bas pour les pauvres. Elle veut exclure les immigrés de l’aide sociale et défier l’UE. Elle a dépeint Macron comme un initié, l’incarnation de l’insensibilité parisienne envers la France provinciale, un patricien élitiste classique.

L’un des défauts des constitutions présidentielles est de promouvoir la personnalité au détriment de la politique. Il accorde une grande importance aux crudités de la politique, à la sympathie, à la naïveté et au court-termisme. Comme l’a dit Alexis de Tocqueville, il favorise la foule au détriment du club. Lorsque les partis se dissolvent, il en va de même pour les disciplines du gouvernement parlementaire. Les manifestes perdent leur sens. La compétence ne consiste qu’à traverser la prochaine crise. La responsabilité collective se réduit à la loyauté envers un chef et une image, en témoigne la Grande-Bretagne de Johnson.

Les romantiques peuvent trouver dans tout cela une lueur d’une politique nouvelle, plus sensible à l’opinion populaire. Il est parfois résumé comme le « village global de l’internet », la démocratie de la plateforme non modérée. À bien des égards, le Brexit a été sa manifestation la plus flagrante, un cri de protestation contre l’élite dirigeante la plus centraliste d’Europe. Aucun autre État de l’UE n’a depuis osé organiser un tel référendum et même Le Pen a reculé. Comme avec Trump aux États-Unis, donnez aux électeurs la possibilité de dire la vérité nue au pouvoir et ils pourraient l’utiliser.

Cela fait six ans que le World Values ​​Survey a enregistré une chute de la foi dans la démocratie. Moins de la moitié des moins de 50 ans « estimaient qu’il était essentiel de vivre dans un pays gouverné démocratiquement ». En Allemagne, aux États-Unis et au Japon, entre 20 % et 40 % opteraient pour un « dirigeant fort qui n’a pas à s’occuper des parlements et des élections ». La politique conventionnelle doit affronter ces vérités ou mourir. L’identité de groupe doit être respectée d’une manière ou d’une autre, sinon l’immigration mondiale deviendra un supplice. Le fédéralisme doit être installé ou le séparatisme déstabilisera les États partout. Les parlements et les partis doivent réformer leurs processus ou perdre leur pertinence.

Les chances sont toujours que la France se sauve dans deux semaines, mais ses leçons sont claires pour tous.