Le craving, en plus d’être un terme qui n’a pas d’équivalent français, est le besoin ressenti par l’usager d’une substance afin de l’utiliser à nouveau. Tous les toxicomanes, alcooliques, boulimiques, hélas, connaissent bien cette pulsion parfois incontrôlable. Mais jusqu’à présent, rien ne permettait d’évaluer l’intensité de l’attirance du sujet.

Léonie Koban (Inserm, CNRS, Sorbonne/Paris, Université Claude Bernard/Lyon) et deux collègues américains, Thor Wagner (Dartmouth College) et Hedy Kober (Yale University), viennent d’identifier un neuromarqueur capable de prédire les envies intenses chez trois groupes d’utilisateurs (nicotine, alcool ou cocaïne) par rapport aux groupes témoins.

Signature cérébrale prédictive

Les chercheurs ont présenté des images de drogues ou d’aliments appétissants à 99 participants. Ils devaient évaluer à quel point ils souhaitaient que le produit soit présenté. Dans le même temps, avec l’aide de logiciels d’apprentissage automatique, ces addictions étaient associées à l’activation de certaines zones du cerveau. De cette manière, les scientifiques ont pu isoler une signature cérébrale capable de prédire l’intensité du craving et de distinguer les consommateurs des autres.

« Nous avons montré », explique Leoni Coban, « que l’état de manque n’éclaire pas une zone spécifique, mais plutôt une combinaison de différentes régions du cerveau, que nous avons nommées NCS pour la signature neurobiologique de l’addiction. » Ainsi, l’identification de cette signature ouvre la voie à de nombreuses pistes de recherche. « Par exemple, poursuit le chercheur, un domaine important que nous allons explorer concerne les personnes à risque d’addiction en raison d’une origine familiale ou génétique, mais qui n’ont pas encore consommé : leur réponse NCS sera-t-elle supérieure à celle de humains? sans ces facteurs de risque ?

De futures recherches prévues

Pour le moment, cet outil en est encore à ses balbutiements. « Là, nous avons réussi à séparer 80 % des utilisateurs des non-utilisateurs. Nous allons affiner nos résultats en sachant que nous n’aurons probablement jamais un outil capable d’identifier 100% des personnes.

Les prochains travaux des scientifiques consisteront à évaluer la variabilité de la réponse entre les hommes et les femmes pour voir comment le sexe affecte le NCS. « Dans nos prochaines études », ajoute Leoni Coban, « il sera également intéressant d’explorer l’impact de l’abstinence sur le NCS. Y a-t-il toujours une réaction cérébrale, et changera-t-elle avec la durée de l’abstinence ? Ainsi, cela pourrait être un outil pour évaluer le succès du traitement.

L’identification du NCS, ce signe d’attirance, ouvre aussi malheureusement la voie à d’autres usages que les fins médicales ou de recherche. Par exemple, en matière d’équité ou de discrimination dans l’emploi, si le candidat est dépendant. « Il ne fait aucun doute qu’un tel outil représente un risque éthique important qui devra être sérieusement justifié », prévient le chercheur.