Zahi Hawass n’a jamais été un homme qui marche sur des œufs. Lors d’un passage à Madrid, où le mardi 14 septembre 2022, il a donné une conférence très attendue sur les femmes dans l’Egypte des pharaons – dans le cadre de l’exposition « Filles du Nil » – il n’a donc pas dérogé à sa propre règle. Dans une interview accordée au site d’information politique espagnol El Independiente, l’ancien ministre des Antiquités égyptiennes et éminent égyptologue a déclaré qu’il « sera sûr de pouvoir annoncer la découverte de la momie de Néfertiti dans un mois ou deux, au plus, ainsi que Toutankhamon. » derniers résultats ADN. La bombe a été larguée. Une telle affirmation mettrait fin à une saga de quinze ans qui n’a cessé de diviser les spécialistes de cette période si énigmatique de l’Égypte ancienne, et à laquelle Science et Avenir ont consacré de nombreuses pages dès le début.

Zahi Hawass à son bureau au Caire le 17 juillet 2022 lors d’un entretien avec l’AFP. Crédits : Khaled Desuki/AFP

Arbre généalogique complexe.

Devenir le successeur de son père, Amenhotep IV-Akhenaton (1350-1333 av. J.-C.), pour des raisons encore inconnues, bouleversa l’ordre établi : le polythéisme établi fut remplacé par une seule divinité – le disque solaire d’Aton – et une nouvelle capitale – Amarna, complètement tournée vers la divinité du disque solaire, est basée au milieu du désert. Cependant, la mort du souverain révolutionnaire dans la 17e année de son règne suffira à faire marche arrière. Amarna est détruite, les tombeaux royaux sont pillés et le pouvoir revient à Thèbes, son centre traditionnel. Ainsi commence l’énigme pour les archéologues : où sont passés les restes de Néfertiti ? Sans cette dernière, comment savoir par la recherche génétique si elle était la mère de Toutankhamon, le fils d’Akhenaton, qui n’est pas devenu l’héritier direct de son père, probablement à cause de son trop jeune âge ? Comment comprendre enfin qui était réellement cette reine, dont l’extraordinaire beauté est louée par certains textes et qui, selon certains archéologues, devait régner sur l’empire pendant plusieurs années après la mort de son mari, sous le nom de Smenkhkare ?

Entre 2007 et 2009, des tests ADN sur une douzaine de momies anonymes retrouvées dans une cache de la fin du XIXe siècle apporteront heureusement leur lot de réponses. Le réalisateur Zahi Hawass, qui était encore ministre à l’époque, révèle que l’une d’elles, dans le bref baptême « Jeune Dame », est la mère de Toutankhamon… et la sœur d’Akhenaton. Ainsi, le petit roi au masque d’or était le résultat d’un inceste, une pratique courante chez les rois égyptiens. D’autres informations émergent : une momie féminine marquée KV21a, trouvée au début du 19ème siècle dans une autre tombe de la Vallée des Rois, semble montrer une correspondance génétique à la fois avec le fœtus enterré avec Toutankhamon (et dont il a été confirmé être le père ) et une jeune femme. Pour certains experts, il est fort probable que KV21a soit Ankhesenamun, la sœur-épouse de Toutankhamon, mais il n’y a aucune certitude. As! Parce que si ce lien était prouvé, la dernière pièce du puzzle s’emboîterait toute seule. Et pour cause : les textes nous disent très clairement qu’Ankhesenamun était la fille de Néfertiti ! Par conséquent, la Jeune Dame peut définitivement être considérée comme une reine disparue mythique.

Révélations en octobre

Treize ans plus tard, voilà où en sont les choses, selon Zahi Hawass : « Nous avons déjà l’ADN de momies de la 18e dynastie, d’Akhenaton à Amenhotep II ou III, et il y a deux momies sans nom étiquetées KV21a et b. En octobre, nous pourrons annoncer la découverte de la momie d’Ankhesenamun, l’épouse de Toutankhamon, et de sa mère Néfertiti. Que faut-il comprendre ? Que les scientifiques ont finalement obtenu la confirmation génétique que KV21a est Ankhesenamun ? Et quoi, Néfertiti se cachait derrière la Jeune Dame tout ce temps ? Zahi Hawass, cependant, a été le plus grand critique de cette hypothèse au cours de la dernière décennie. A moins que ses propos, volontairement vagues, ne nous laissent entendre autre chose… Une autre momie que la Jeune Dame serait-elle liée avec certitude à la mystérieuse reine ? Il faudra attendre quelques semaines pour le savoir.

Photo : KHALED DESUKI/AFP

Ici, la momie est répertoriée comme « Jeune Dame », la mère confirmée de Toutankhamon, photographiée au Musée égyptien du Caire en 2010. Crédits : Khaled Desouki/AFP

Il reste un mystère autour de ce souverain que Zahi Hawass est tout aussi déterminé à percer : où se trouve la tombe originelle de Néfertiti, qui n’a pas encore été identifiée ? Depuis le 9 décembre 2021, l’une des missions archéologiques menées par un archéologue est des fouilles intensives sur la rive ouest de Louxor. « J’ai cherché son enterrement dans toutes les régions occidentales de la Vallée des Rois et je ne l’ai pas trouvé », avoue l’ancien ministre dans les colonnes d’El Independiente. « Le 1er septembre de l’année dernière, j’ai commencé les fouilles dans la zone Est. J’ai déjà cherché à cinq endroits et si je ne trouve pas la tombe, je m’arrêterai. Encore une fois, les mots sont forts. Peut-on imaginer que le connaisseur, qui a toujours œuvré pour le succès de l’archéologie domestique (« rendre l’égyptologie aux Egyptiens », tel est son sacerdoce), acceptera de mettre un terme à son plus grand rêve ?

Gardons à l’esprit que les semaines à venir sont d’une importance décisive pour l’égyptologie, qui multiplie les événements phares et doit travailler sa communication : c’est d’abord l’ouverture du Grand Musée égyptien du Caire, prévue en novembre, après plus de dix ans. travail titanesque; il y a aussi et surtout le centenaire de la découverte par Howard Carter de la tombe de Toutankhamon, qui aura lieu le même mois. Sans oublier le 27 septembre le bicentenaire du décryptage des hiéroglyphes égyptiens par le Français Jean-François Champollion. Nous ne sommes donc certainement pas à l’abri de déclarations inattendues qui redonneront sans doute à l’égyptologie égyptienne toute sa place et sa grandeur après des siècles de domination européenne.