Un groupe d’activistes politiques fera une dernière tentative désespérée ce mois-ci pour sauver la gauche française amèrement divisée d’une catastrophe électorale à l’élection présidentielle avec une « primaire populaire » pour désigner un candidat unique.

La Primaire populaire a été initiée par des jeunes consternés par des fractures qui pourraient empêcher qu’aucune figure de gauche ou socialiste n’atteigne le second tour de l’élection en avril.

A ce jour, 300 000 personnes ont rejoint le groupe qui appelle les candidats de gauche à adhérer à une charte « Common Ground » de 10 mesures centrées sur l’environnement, la justice sociale et les réformes démocratiques. Cela représente environ 40% de tous les membres des partis de gauche en France.

Plus d’un tiers se sont inscrits pour participer à un vote populaire qui se tiendra en ligne du 27 au 30 janvier. Bien que largement rejeté comme un exercice futile, le mouvement recueille des appuis. Samedi, l’influent maire socialiste de Marseille, Benoît Payan, a déclaré qu’il soutiendrait le vainqueur de la primaire.

La gauche française présente quatre candidats principaux : la maire de Paris Anne Hidalgo pour le Parti socialiste (PS) ; le chef du parti vert Yannick Jadot ; le révolutionnaire d’extrême gauche Jean-Luc Mélenchon, âgé de 70 ans ; et l’ancienne ministre de la justice Christiane Taubira, qui a annoncé sa décision de se présenter samedi et de participer à la primaire populaire.

Les sondages montrent qu’aucun n’a de chance d’atteindre le second tour en avril. Les appels à l’unité ont été ignorés, les analystes blâmant l’ego des candidats et les positions politiques « méconnaissables ».

Mélenchon et Jadot ont rejeté la primaire populaire et déclaré qu’ils n’y participeraient pas. Hidalgo a d’abord dit qu’elle le ferait, puis a reculé, tandis que Taubira a déclaré qu’elle soutiendrait le résultat du vote et le programme.

Mathilde Imer, porte-parole de la Primaire Populaire, a déclaré : « Il ne s’agit pas d’une primaire classique mais d’une nomination citoyenne. Nous, les électeurs, désignerons nous-mêmes la personne que nous pensons être la mieux placée pour fédérer et gagner. C’est entre les mains du peuple. Le vote aura lieu avec ou sans l’accord des candidats.

Samuel Grzybowski, un autre des représentants du groupe, a ajouté : « Les candidats auraient pu organiser cela entre eux, mais maintenant c’est à nous, les citoyens, de choisir.

Pour limiter les possibilités de fraude électorale, les personnes inscrites sur les listes électorales doivent donner les coordonnées de leur carte de crédit et payer 1 € symbolique.

Émeric Bréhier, directeur de l’Observatoire de la vie politique de la Fondation Jean-Jaurès de gauche et maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Bordeaux, ne nourrit pas beaucoup d’espoir pour la primaire populaire.

Christiane Taubira, ancienne ministre française de la Justice
L’ancienne ministre française de la Justice Christiane Taubira a annoncé samedi sa décision de se présenter. Photographie : Sébastien Salom-Golis/Rex/Shutterstock

« Même si 200 000 personnes s’inscrivent et votent pour un candidat, cela ne parlera pas à l’ensemble de la population électorale. Et l’idée que même si vous ne voulez pas être candidat au vote, vous en êtes un de toute façon semble une étrange façon de faire les choses.

Bréhier estime que l’élection de 2022 est perdue pour la gauche, et particulièrement le PS.

Hidalgo, qui a dévoilé son programme la semaine dernière, est loin derrière cinq autres candidats à moins de 4 % d’intentions de vote, derrière Jadot et Mélenchon. Les sondages indiquent que, s’ils sont unis, le total des votes de gauche pourrait atteindre 25% – pas assez pour l’emporter sur celui des candidats de droite, mais assez pour les faire compter.

« Il est trop tard pour que le parti marque cette élection. Chaque candidat, à gauche, nage dans son couloir et aucun ne veut bouger d’un pouce », a déclaré Bréhier au Observateur. « Le Parti socialiste est en difficulté et ce depuis plusieurs années. Je ne vois pas à ce stade comment on peut s’en sortir.

« La question la plus importante maintenant est de savoir ce qui se passera après 2022. La gauche doit établir une idéologie de base qui est quelque chose qui n’existe pas ces dernières années.

« Beaucoup d’électeurs socialistes disent aujourd’hui qu’ils voteront pour [Emmanuel] Macron ou Mélenchon ou Taubira, mais pas Hidalgo. Les électeurs socialistes existent toujours et la passion pour les principes fondamentaux, comme l’égalité, n’a pas disparu. Mais nous devons avoir une stratégie. Il n’y a pas de baguette magique. Ce sera une reconstruction longue, lente et compliquée.

Une catastrophe électorale aurait aussi un lourd tribut financier pour le PS : Hidalgo a besoin d’au moins 5 % des voix au premier tour pour que ses frais de campagne soient remboursés par le contribuable.

En 2017, le candidat PS à la présidentielle Benoît Hamon a atteint un plus bas historique d’un peu moins de 6,4 %, laissant les finances du parti pessimistes et forçant la vente de son siège parisien.

Macron est arrivé au pouvoir il y a cinq ans sur un programme centriste conçu pour briser le système bipartite traditionnel de la France. La droite d’opposition, Les Républicains, a depuis ressuscité ses espoirs électoraux avec Valérie Pécresse, tandis que le PS reste dans les stalles.