UN Quelques mois avant d’accéder au pouvoir lors de l’élection présidentielle de 2017, Emmanuel Macron a publié un mémoire-manifeste personnel, Révolution. Il y plaide en faveur de la rébellion contre des institutions et des idées prétendument dépassées qui freinent la France. Six ans plus tard, ce sont les révoltes populaires contre la propre politique de M. Macron qui occupent le devant de la scène.

Ces derniers mois ont vu certaines des plus grandes manifestations de l’histoire de la Cinquième République, alors que M. Macron a cherché à faire passer un plan profondément impopulaire visant à relever l’âge de la retraite de 62 à 64 ans. Lundi, son gouvernement a survécu à une motion parlementaire connexe de aucune confiance par la peau de ses dents. Cela fait suite à la décision controversée – bien que constitutionnelle – du président d’utiliser les pouvoirs exécutifs pour obtenir ce qu’il veut, en contournant un vote à l’Assemblée nationale qu’il pensait perdre.

Parmi ses propres députés, la manœuvre a provoqué des appréhensions publiques. Ailleurs, même en tenant compte du jeu politique habituel, la réponse a été authentiquement furieuse. Un député du parti de centre-droit Les Républicains – dont le gouvernement minoritaire de M. Macron a besoin pour obtenir des majorités – a accusé le président d’agir de « manière isolée, narcissique, imperméable à la vie des Français ».

À cet égard, on pourrait dire que le président a la forme. En 2018, son approche autoritaire a contribué à transformer les protestations provinciales contre une taxe sur les carburants en une plus large gilets jaunes révolte contre les élites. Un pénitent M. Macron s’est lancé dans une « tournée d’écoute » à l’échelle nationale. Puis, lorsque son parti de la Renaissance a perdu sa majorité en juin dernier, il a de nouveau promis une approche plus consensuelle. Mais moins d’un an après le début de son second mandat – au milieu d’une inquiétude généralisée concernant la baisse du niveau de vie – il est revenu au type jupitérien, défiant les souhaits des deux tiers de la population française qui s’opposent à ses réformes et contournant les subtilités démocratiques de gagner un débat au parlement.

Pour un président intelligent, cela semble être une politique étrangement stupide. Les protestations et les grèves pourraient éventuellement s’estomper, bien que d’autres soient prévues et que le sentiment d’indignation populaire soit réel. Mais la réputation de M. Macron en tant que technocrate arrogant peu soucieux des mouvements sociaux ou du sentiment civique est sûrement scellée. Sa première ministre, Élisabeth Borne, semble désormais en crise avec son gouvernement, mais semble déterminée à rester en poste. Le second mandat du président risque de devenir un adieu long et acrimonieux, avec peu de résultats.

Un organisme gouvernemental indépendant a jugé que les déficits du système de retraite sont gérables dans un avenir prévisible, ce qui rend difficile de comprendre pourquoi M. Macron a décidé d’adopter une approche aussi conflictuelle. Au milieu des niveaux record d’abstention aux élections, de la montée des théories du complot en ligne et de la normalisation presque accomplie de l’extrême droite, le recours de M. Macron au gouvernement par décret n’a rien fait pour atténuer le déficit de confiance dans la politique française. Marine Le Pen et l’extrême droite pourraient bien en être les principales bénéficiaires. S’étant présenté comme l’homme qu’il fallait pour moderniser le pays, M. Macron apparaît de plus en plus comme un politicien déconnecté des besoins de l’époque.