Le Burkina Faso a expulsé des correspondants du Monde et de Libération, ont annoncé dimanche les journaux, la dernière mesure prise par la junte à la tête de ce pays d’Afrique de l’Ouest contre les médias français.

Le Burkina Faso, où deux coups d’État ont eu lieu l’année dernière, est aux prises avec une insurrection djihadiste qui a débordé du Mali voisin en 2015.

« Notre correspondante au Burkina Faso, Sophie Douce, a été expulsée du pays (…) en même temps que sa collègue de Libération, Agnès Faivre », indique Le Monde.

Les autorités ont convoqué les deux journalistes vendredi soir et leur ont donné 24 heures pour quitter le pays. Ils ont atterri à Paris dimanche matin, précise le journal.

Le Monde a déclaré qu’il condamnait avec la plus grande fermeté ce qu’il appelait une décision arbitraire et demandait aux autorités de l’annuler.

Libération a déclaré qu’il « proteste vigoureusement contre ces expulsions absolument injustifiées » et a suggéré qu’elles étaient liées à une enquête publiée plus tôt dans la semaine.

« La publication le 27 mars d’une enquête de Libération sur les circonstances dans lesquelles a été filmée une vidéo montrant des enfants et des adolescents exécutés dans une caserne militaire par au moins un militaire a manifestement fortement déplu à la junte au pouvoir au Burkina Faso.

Jean-Emmanuel Ouédraogo, porte-parole du gouvernement, a écrit après la publication de l’article qu’il « condamne fermement ces manipulations déguisées en journalisme pour ternir l’image du pays ».

Ces expulsions sont la dernière mesure prise contre les médias de l’ancienne puissance coloniale.

Les autorités ont suspendu lundi toutes les émissions de France 24 après la diffusion par la chaîne d’information d’une interview du chef d’Al-Qaïda en Afrique du Nord, affirmant qu’elle s’inscrivait « dans un processus de légitimation du message terroriste ».

« Nous connaissons les effets de ce message dans ce pays », a déclaré le gouvernement.

France 24 réplique. La crise sécuritaire que traverse le pays ne doit pas être un prétexte pour museler les médias », a-t-il déclaré.

La junte a également suspendu Radio France Internationale (RFI), qui appartient au même groupe France Médias Monde que France 24, en décembre, l’accusant d’avoir diffusé un « message d’intimidation » attribué à un « chef terroriste ».

Des soldats du Burkina Faso, l’un des pays les plus pauvres du monde, ont organisé deux coups d’État en 2022 pour son incapacité à faire face à la menace des groupes djihadistes.

Plus de 10 000 civils, soldats et policiers ont été tués, selon une estimation d’une ONG, et au moins 2 millions de personnes ont été déplacées. Les chiffres officiels indiquent que les djihadistes contrôlent effectivement environ 40 % du pays.

Le chef de la junte, le capitaine Ibrahim Traoré, a juré de récupérer le territoire perdu après sa prise de pouvoir en septembre, mais les attaques se sont intensifiées depuis le début de l’année, avec des dizaines de soldats et de civils tués chaque semaine.

RFI et France 24, qui couvrent de près les affaires africaines et sont populaires dans les pays africains francophones, ont été suspendues au Mali voisin, également dirigé par une junte militaire combattant les forces djihadistes.