Le principal organisme européen de surveillance des droits de l’homme a accusé la police française d’avoir fait usage d’une « force excessive » lors de manifestations contre une loi sur les retraites âprement contestée.

Dunja Mijatovic, commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, a déclaré que ceux qui souhaitaient se rassembler pacifiquement avaient le droit d’être protégés contre la « brutalité policière » et que les attaques des manifestants contre des officiers ne justifiaient pas une réponse brutale.

Elle a appelé la France à respecter le droit de manifester, qualifiant la situation de « préoccupante ».

L’avertissement intervient alors que les tensions en France continuent de monter, avec de nouvelles manifestations attendues ce week-end et une journée nationale d’action prévue par les syndicats mardi prochain. Les troubles persistants, intensifiés après que le gouvernement a fait adopter la loi controversée sans vote, ont déclenché dimanche le report de la visite d’État de trois jours du roi Charles en France.

« Des incidents violents se sont produits, dont certains ont visé les forces de l’ordre. Mais des actes de violence sporadiques de la part de certains manifestants ou d’autres actes répréhensibles commis par d’autres lors d’une manifestation ne peuvent justifier un usage excessif de la force par des agents de l’État », a déclaré Mijatovic dans un communiqué vendredi.

« De tels actes ne suffisent pas non plus à priver des manifestants pacifiques de la jouissance de leur droit à la liberté de réunion. Il appartient aux autorités de permettre l’exercice effectif de ces libertés en protégeant les manifestants pacifiques et les journalistes couvrant ces manifestations contre les brutalités policières et contre les individus violents agissant au sein ou en marge des marches.

« Si un État peut être autorisé à recourir à la force afin, entre autres, de rétablir l’ordre, un tel usage doit être un dernier recours et dans le strict respect des conditions de nécessité et de proportionnalité. L’obligation première de chaque Etat membre du Conseil de l’Europe est de protéger les personnes relevant de sa juridiction et leurs droits fondamentaux.

La police a été accusée d’avoir procédé à des arrestations arbitraires et d’avoir fait un usage inutile de la force face à des manifestants en colère contre la loi sur les retraites d’Emmanuel Macron, qui fait passer l’âge de la retraite de 62 à 64 ans. Les manifestations à travers le pays ont été pour la plupart pacifiques, mais ont dégénéré en affrontements entre petits des groupes de manifestants et de policiers et la destruction de bâtiments et de biens publics et privés.

Des centaines de personnes ont été arrêtées et détenues. La majorité d’entre eux ont ensuite été libérés sans inculpation.

« La libération de nombreuses personnes sans inculpation remet en question la nécessité et la proportionnalité des mesures prises à leur encontre », a ajouté Mijatovic. « La violence, d’où qu’elle vienne, ne peut jamais être utilisée comme moyen de résoudre une crise sociale et/ou politique. La violence doit cesser. C’est une condition nécessaire à l’exercice effectif des libertés d’expression et de réunion, ainsi qu’à la confiance entre la population et la police.

Le Monde a rapporté que dans un enregistrement audio qu’il avait obtenu et authentifié, un certain nombre de policiers pouvaient être entendus menaçant des jeunes arrêtés lors d’une manifestation contre les retraites lundi dernier. « Je peux vous dire que nous avons les coudes et le visage cassés », aurait déclaré un officier.

Reporters sans frontières a déclaré que la police avait agressé plusieurs journalistes « clairement identifiables » lors des récentes manifestations.

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Jeudi, 1,1 million de personnes selon les chiffres officiels, 3,5 millions selon les syndicats, sont descendues dans la rue à travers la France pour une neuvième journée de manifestations policières par environ 12 000 agents de l’ordre public.

La veille, Macron, dont le gouvernement centriste a survécu de peu à un vote de défiance lundi, a enflammé l’humeur du public lors d’une interview télévisée dans laquelle il a insisté sur le fait que la loi irait de l’avant. Le projet de loi est actuellement examiné par le Conseil constitutionnel ; s’il est approuvé, il devrait entrer en vigueur en septembre.

Par la suite, les syndicats, les dirigeants de l’opposition et les critiques ont accusé le président « d’arrogance et de mépris » et ont juré de poursuivre les grèves et les manifestations.

Vendredi, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé que 11 enquêtes avaient été ouvertes sur des allégations de violences policières lors des manifestations contre les retraites.