La mort de Louis XVI

L’Observateur, 27 janvier 1793

Paris, mardi 22 janvier
Hier, entre 10 et 11 heures du matin, l’infortuné Louis XVI, a subi la décapitation sur la Place de la Révolution, anciennement appelée Place Louis XV. Le cortège lugubre partit du Temple un peu après huit heures. La victime royale était assise dans la voiture du maire, avec son confesseur à ses côtés, priant avec beaucoup de ferveur, et deux capitaines du National Light-Horse sur le siège avant. La voiture était attelée de deux chevaux noirs, précédés du maire, le général Santerre, et d’autres officiers municipaux. Un escadron de cavalerie, avec trompettistes et timbales, menait le fourgon du convoi mélancolique ; trois lourdes pièces d’artillerie, avec des outils appropriés, et des canonniers avec des allumettes allumées, allaient devant le véhicule, qui était escorté des deux côtés par une triple rangée de cavaliers.

Le train avançait à pas lents du Temple aux boulevards plantés de canons et assaillis de gardes nationaux tambour battant. La guillotine était érigée au milieu de la place, directement face à la Porte du Jardin des Tuileries, entre le piédestal sur lequel se dressait la statue équestre du grand-père de Louis, avant le 10 août et les allées qui mènent aux bosquets appelé les Champs Elysées. Le trot et le hennissement des chevaux, le son strident de la trompette et le battement continuel des tambours perçaient les oreilles de tout le monde et augmentaient les terreurs de l’horrible scène.

L’échafaud était haut et bien en vue, et les maisons entourant le lieu d’exécution étaient pleines de femmes, qui regardaient par les fenêtres : les ardoises mêmes qui couvraient les toits étaient dressées pour que les curieux et les intéressés puissent jeter un coup d’œil.

A 10 heures 20, le roi arriva devant l’échafaud de la place de la Révolution, qui était couverte de canons et encombrée de cavalerie. Son confesseur, M. Edgeworth voulut monter avec lui sur les marches de l’échafaud, mais Santerre, le sans-culotte, le refusa brutalement – il retira son manteau, sa redingote et son gilet, et, le cou et la poitrine nus, monta sur l’échafaud avec trépidation et un courage intrépide; (il n’était que 20 minutes après 10 heures); il portait une chemise et une crosse propres, un gilet blanc, une culotte de soie florentine noire, des bas de soie noire et ses chaussures étaient attachées avec des cordons de soie noire.

Ayant pris congé de son confesseur, qui versa mille larmes, il fit signe de la main d’être entendu ; le bruit des instruments guerriers cessa un instant ; mais peu après un millier de voix vocifèrent, avec une férocité détestable : « Pas de discours ! Pas de discours ! L’infortuné monarque se tordit les mains, les leva vers le ciel, et avec l’agonie dans son regard et son geste, s’exclama assez distinctement pour être entendu par les personnes qui étaient à côté de l’échafaud : « A toi, ô Dieu, je recommande mon âme ! Je pardonne à tous mes ennemis – je meurs innocent ! Sa tête fut immédiatement coupée de son corps, et les sans-culottes et les jacobins assoiffés de sang agitèrent leurs chapeaux en l’air en s’écriant : « Dieu sauve la nation ! La musique entonna Ça Ira et le corps fut immédiatement enlevé dans un cercueil noir.

Le court laps de temps pendant lequel il parut sur l’échafaud, et l’intervalle du coup fatal, ne s’écoulèrent pas plus de deux minutes ! Aussitôt le bourreau leva la tête et, au son des trompettes, s’écria : « Ainsi meurt un traître ! » Quelques-uns des gardes s’avancèrent jusqu’à l’échafaud, pour voir le cadavre royal ruisselant de sang : ils brandirent leurs épées et vociférèrent : « Dieu sauve la République ! Dieu sauve la nation !

Le corps fut transporté aux Tuileries ; et à la demande pressante des Jacobins et des Fédérés, le bourreau coupa les cheveux imprégnés de sang, qui se vendaient pour des assignats, en petites mèches. Les gardes, fédérés et autres, trempaient leurs mouchoirs dans le gore, le hissaient sur des épées, des piques et des bâtons, et le vendaient ; et la foule Banditti l’a porté triomphalement à travers les rues jusqu’à la nuit, ivre et creusant – « Voici le sang d’un tyran! »

Le corps fut inhumé six heures après, dans le cimetière de la Madeleine, adjacent au lieu d’exécution, dans une fosse de 12 pieds de profondeur, et remplie de chaux vive et de moisissure, entre les personnes étouffées par la foule le 19 avril 1770 ( lorsqu’une brillante illumination et un feu d’artifice y furent exposés en l’honneur de son mariage) et les victimes suisses et autres tuées aux Tuileries le 10 août.

Ainsi périt, des mains d’impitoyables rebelles, Louis XVI, roi de France et de Navarre, né le 23 août 1754, dans la 39e année de son âge, le 21 janvier 1793, à 22 minutes après 10 heures du matin.