Ava DuVernay, cinéaste engagée dans un cinéma stimulant, a réalisé en 2016 un documentaire intitulé « 13th » sur l’incarcération des hommes noirs et le lien constitutionnel entre l’emprisonnement et l’esclavage aux États-Unis. Ce film a révélé quelque chose de plus grand sur la guerre civile américaine : la Confédération n’a pas été vaincue comme l’Allemagne l’a été en 1945, mais plutôt comme elle l’a été en 1918 à la fin de la guerre mondiale précédente, de manière provisoire et instable. Maintenant, elle s’est tournée vers la journaliste et commentatrice Isabel Wilkerson, la première femme afro-américaine à remporter un prix Pulitzer pour le journalisme, et plus précisément vers son best-seller de 2020 intitulé « Caste : The Origins of Our Discontents ». Le livre remet radicalement en question le concept de race dans la réflexion sur l’inégalité et l’injustice, et invite le lecteur à considérer plutôt le concept de « caste » – les schémas et les degrés plus larges de préjugés. Ce film, qui allie urgence et sympathie sincère, aurait peut-être mieux servi en tant que documentaire axé plus directement sur les problèmes en question. À la place, il est dramatisé, faisant de ces idées une partie du parcours personnel de Wilkerson. Aunjanue Ellis livre une performance posée et charismatique en incarnant Wilkerson elle-même, une écrivaine qui découvre en 2012 que la réaction de la gauche intellectuelle face à la fusillade de Trayvon Martin ne semble pas aller assez loin ni assez en profondeur dans sa condamnation universelle du « racisme ». Elle est elle-même mariée à un homme blanc, Brett (interprété avec charme et intelligence par Jon Bernthal). Elle est choquée mais également remise en question lorsque sa mère adorée (une performance adorable d’Emily Yancy) suggère que Martin était légèrement imprudent en se promenant de la façon dont il l’a fait, sans pour autant justifier les actes du meurtrier. En étudiant la façon dont les nazis se sont inspirés des lois Jim Crow, Wilkerson développe une approche comparative, mais se voit blessée par une critique d’un universitaire allemand (interprété par Connie Nielsen) qui lui dit que ses tentatives d’établir des parallèles entre l’esclavage et l’Holocauste relèvent d’une pensée simpliste. C’est en Inde, avec le combat des Dalits ou intouchables, que Wilkerson trouve une percée conceptuelle. Et tout au long de ce parcours, Wilkerson souffre émotionnellement : elle perd sa mère, sa soeur (Niecy Nash) et, le plus douloureux de tout, son mari Brett. C’est ici que j’ai trouvé les limites de l’approche personnelle de DuVernay sur le sujet. Étrangement, le film ne dit pas pourquoi Brett est décédé si jeune, à l’âge de 46 ans – c’était une crise due à une tumeur cérébrale – et son propre passé familial n’est pas examiné. Mais peut-être que tout ne peut pas être abordé. J’ai adoré la scène où Wilkerson engage la conversation avec un plombier grognon portant le fameux chapeau rouge « Maga » (un caméo de Nick Offerman), lui demandant des informations sur ses parents, et ce moment de contact humain l’amène à aider Wilkerson à réparer sa cave inondée. Il s’agit là d’un film puissant et engagé. [important points: Ava DuVernay, 13th documentary, incarceration of black men, constitutional mindset, Confederacy, Germany, India, caste injustice, Dalits, Jim Crow laws, Trayvon Martin shooting, racism, comparative approach, Nazis, Holocaust, emotional pain, brain tumor, personal approach]