La Ronde de Max Ophüls : une valse sensuelle dans le Vienne du début du XXe siècle
Sorti en 1950, le film La Ronde de Max Ophüls est une adaptation cinématographique réussie de la pièce érotique de 1900 d’Arthur Schnitzler. Il transporte le public dans un tourbillon étourdissant, comme une valse ou une ivresse provoquée par le champagne. Cette œuvre, en dix scènes et dix couples, présente une succession de relations sexuelles qui s’enchaînent de manière fluide et sans accroc.
Un soldat a des rapports sexuels (gratuits) avec une prostituée, puis commence à fréquenter une vendeuse, qui se fait ensuite embaucher comme femme de chambre et est séduite par le fils adulte de son employeur. Celui-ci entame ensuite une liaison avec une femme mariée, et ainsi de suite, en montant dans l’échelle sociale. Finalement, un comte éméché est confronté à la prostituée vue au début du film et est assailli par un étrange sentiment de déjà-vu. Et en effet, ces personnages sont tous liés : le comte a peut-être déjà eu une rencontre avec cette femme ou une personne similaire, et elle a peut-être déjà rencontré quelqu’un comme lui. Tous sont connectés dans une danse de cynisme et de secrets.
- Un film présentant une succession de relations sexuelles dans le Vienne du début du XXe siècle
- Des personnages reliés dans une danse de cynisme et de secrets
- Une distribution d’acteurs talentueux, dont Anton Walbrook en narrateur et maître de cérémonie
- Une mise en scène qui brise le quatrième mur et montre les coulisses du cinéma
- Une réflexion sur les liens entre l’art, l’illusion et la vie
- Un goût de tristesse et de mélancolie qui reste après le visionnage
Le film compte de nombreux interprètes talentueux, dont Simone Simon, Danielle Darrieux et Serge Reggiani. Cependant, l’acteur Anton Walbrook se distingue avec son élégance et son humour en tant que narrateur omniscient et maître de cérémonie, tournoyant joyeusement sur son carrousel symbolique et jouant discrètement le rôle de serviteur dans plusieurs des saynètes. Il brise également le quatrième mur pour montrer au public qu’il s’agit simplement d’un film, en dévoilant les lumières, les décors en arrière-plan et les musiciens. C’est lui qui censure avec humour une scène de sexe en découpant la pellicule, et lorsque qu’un jeune homme souffre de dysfonction érectile, le carrousel d’Anton Walbrook connaît une panne significative et s’arrête.
Mais ces autocitations ne sont en rien brechtiennes. Elles ne sont pas là pour nous éloigner de l’action ou remettre en question sa réalité supposée ; elles montrent simplement que tout est lié dans la même « ronde », la même danse : les vendeuses, les aristocrates, l’art, l’illusion, le cinéma, la vie elle-même. La caméra d’Ophüls glisse sans effort d’une scène à l’autre.
Après avoir visionné ce film, il en reste une sensation de mélancolie. Nous n’apprenons rien de substantiel sur les personnages, si ce n’est leur propension à la tromperie. Mais le désir de monogamie est incompatible avec cette danse d’aventure délicieuse. Un public moderne pourrait se demander quelle était l’expérience d’Arthur Schnitzler lui-même, et si le monde libertin de la société des cafés viennois était réellement exclusivement hétérosexuel. Le film passe comme un rêve étrange et alléchant.
La Ronde sortira dans les cinémas britanniques et irlandais le 8 septembre.