Les films de Ladj Ly, l’héritier présumé du cinéma de banlieue français, frappent comme des cocktails Molotov – brûlants, destructeurs et imprécis. Son premier film narratif, Les Misérables, a remporté le prix du jury à Cannes pour ses tensions viscérales entre les populations immigrées et les brigades de police brutales dans les banlieues abandonnées, avec une tableau final non engagé qui implicitement demandait pourquoi nous ne pouvons pas tous nous entendre. Il a coécrit le scénario du drame Athena de son ami de longue date Romain Gavras, qui appliquait un style formel similaire à un affrontement entre les désœuvrés et les CRS, puis concluait par une autre exonération ambiguë partielle pour les agresseurs. Malgré sa légitime rancœur envers ceux qui sont au sommet d’une structure de pouvoir oppressive, il garde toujours une mesure d’alarme obligatoire selon laquelle ceux qui sont en bas pourraient aussi aller trop loin.
# Points importants:
– Les films de Ladj Ly sont comparés à des cocktails Molotov.
– Les Misérables a remporté le prix du jury à Cannes.
– Ladj Ly a coécrit le scénario du film Athena de Romain Gavras.
– Les films de Ladj Ly traitent des tensions entre les populations immigrées et la police dans les banlieues.
– Les films de Ladj Ly abordent les inégalités de pouvoir.
– Les Indésirables est le deuxième film de Ladj Ly.
– L’intrigue de Les Indésirables se déroule dans un quartier pauvre voué à la démolition.
– Les tensions dans le quartier s’intensifient suite à deux décès.
– Les personnages principaux représentent différentes positions idéologiques.
– Ladj Ly explore le thème de la radicalisme.
– Ladj Ly soulève des questions sur l’équivalence morale.
– Les Indésirables met en lumière la déshumanisation des habitants du quartier.
– Ladj Ly tente de montrer les nuances de la situation, mais cela peut sembler artificiel.
– Ladj Ly utilise des moments symboliques pour illustrer son propos.
– Les films de Ladj Ly suscitent des débats sur l’équilibre et la légitimité de la violence.
« Ce film ne vise pas à transformer quelqu’un en héros, ni à accuser qui que ce soit », écrit Ly dans les notes de presse de son deuxième long métrage, Les Indésirables, présenté en première mondiale ici au festival international du film de Toronto. « Ce serait trop facile. » Il est de retour à la réalisation pour Les Indésirables, et de retour dans les cités ; sa dernière explosion de commentaires avec un grand « C » se déroule dans un immeuble de logements pauvres destiné à la démolition, obligeant les résidents africains et moyen-orientaux à se reloger ou à s’entasser dans un bidonville de taille réduite. En tant qu’ancien détenu issu de ce milieu, la colère légitime et méritée de Ly se ressent avec force à l’écran. Mais comme le découvre un rebelle après avoir incendié un panneau annonçant le brillant avenir de son foyer bientôt nivelé, les incendies sont faciles à allumer et difficiles à contrôler.
Deux décès déclenchent un soulèvement dans un quartier déjà en équilibre précaire et appellent des représentants de facto des factions opposées au devoir. Une aînée du quartier décède lors d’une cérémonie funéraire empreinte de révérence, mais marquée par l’indignité de faire descendre son cercueil dans l’escalier étroit de l’immeuble. Sa petite-fille Haby (Anta Diaw) ressent alors un nouveau sens des responsabilités sociales. Peu de temps après, la démolition contrôlée d’une tour différente soulève un nuage de poussière qui provoque une crise cardiaque chez le maire local, ouvrant la voie à la nomination intérimaire de Pierre (Alexis Manenti). Bientôt, il s’attachera au pouvoir et tentera d’obtenir le poste qu’il disait ne pas vouloir, tandis qu’elle se chargera de lui faire concurrence et de donner une voix au peuple. La construction narrative avec des parallèles illustre la fausse équivalence chère à Ly.
Si le conservateur lâche Pierre et la centriste combative Haby représentent deux extrémités d’un spectre idéologique, le pôle radical est personnifié par Blaz (Aristote Luyindula), un jeune homme en colère plus intéressé par la libération de sa colère accumulée que par la recherche de solutions réalisables. Ly sympathise avec cet élan de révolte, en particulier dans la façon dont il cartographie la communauté compacte et solidaire en jeu. Un petit restaurant clandestin donne à cette enclave ethnique un lieu de vie sociale et un goût du pays d’origine, tout en témoignant de la débrouillardise et de l’autonomie des propriétaires et des clients face à l’adversité. La séquence la plus percutante montre l’évacuation du complexe telle une liquidation de Cracovie dans La Liste de Schindler, alors que les habitants se précipitent pour condenser leur histoire personnelle en quelques objets qu’ils peuvent emporter dans leurs bras. La déshumanisation est évidente, l’hostilité du gouvernement ayant réduit d’innombrables vies à quelques objets.
Et pourtant, Ly confond les déclarations de principe avec la circonspection alors qu’il tente de complexifier une dynamique moins nuancée qu’il ne le pense. Il résiste ouvertement à la dichotomie des gentils et des méchants, mais comme un camp du conflit occupe indéniablement la position morale la plus élevée, les efforts destinés à remettre cela en question peuvent sembler artificiels. Un haut fonctionnaire du bureau du maire qui se trouve être également un immigré africain (Steve Tientcheu) démontre clairement que les alliances de classe priment sur celles de la race. Un père et sa fille réfugiés syriens représentent leur groupe démographique et illustrent les frictions qui surgissent parfois entre différentes factions de l’enclave. Lorsque Blaz franchit inévitablement la limite et passe à l’action, il s’arrête juste avant d’être fatal, affirmant ainsi qu’il n’est pas un monstre. Même si cette équivoque est censée renforcer le réalisme en introduisant des nuances de gris, en pratique, elle ne fait qu’accentuer le contraste dans un scénario noir et blanc.
Une fois que Blaz fait irruption dans la résidence du maire pour une confrontation climatique, sa destruction vengeresse atteint son apogée alors qu’il piétine les cadeaux de Noël des enfants en pleurs. Ce geste rappelle un moment tout aussi maladroit auparavant dans le film, lorsque l’un des policiers marche sur les petites voitures jouets d’un enfant tout en évacuant les lieux de manière musclée. Blaz est devenu ce qu’il détestait le plus dans sa lutte contre cela, une préoccupation qui peut avoir plus de validité en France (où les bilans de la sanglante Révolution et de la précédente Révolte de Juin, relatées par Victor Hugo dans l’autre Les Misérables, pèsent encore sur l’image nationale) qu’en Amérique du Nord. Indépendamment de ce contexte, le spectateur peut entendre Ly répéter involontairement le discours de droite selon lequel « des erreurs ont été commises des deux côtés », si souvent ressassé après qu’une confrontation tendue entre manifestants et policiers militarisés dégénère en violence.
Rejeter le parti pris pour donner l’apparence de l’équilibre n’a pas de sens quand il s’agit de situations caractérisées par un déséquilibre. Tant le brio hollywoodien de Ly que son envie de générosité envers ses convictions politiques se heurtent à la dureté vulcanisée de sa colère sincère, et finalement ils apportent peu d’informations sur les barils de poudre d’aujourd’hui. « Ne sommes-nous pas tous indésirables pour quelqu’un ? » demande-t-il dans les notes de presse. « Non, pas vraiment, » semble être une réponse tout à fait raisonnable.