Le gouvernement français doit ordonner aux travailleurs de reprendre leur travail dans une grande raffinerie de carburant, alors que les pénuries d’essence se poursuivent au milieu d’une longue grève nationale pour de meilleurs salaires et une part des énormes bénéfices de la société pétrolière.

Le gouvernement a confirmé que la réquisition des travailleurs des carburants essentiels à la raffinerie bloquée de Port Jérôme à Notre-Dame-de-Gravenchon, en Normandie, commencerait mercredi. Mais cette décision controversée pourrait risquer que des arrêts se propagent à d’autres secteurs en soutien aux grévistes du carburant.

Le gouvernement est confronté à une crise qui s’aggrave après des semaines d’arrêts de travail dirigés par le syndicat de gauche CGT, qui demande d’importantes augmentations de salaire pour les travailleurs de deux sociétés pétrolières, la française TotalEnergies et l’américaine ExxonMobil. Les grévistes veulent un meilleur salaire au milieu de la crise du coût de la vie et une part des bénéfices élevés des entreprises.

Les grèves ont paralysé six des sept raffineries de carburant françaises, entraînant des pénuries à l’échelle nationale exacerbées par des achats de panique auprès des automobilistes.

Chez TotalEnergies, le syndicat CGT demande une augmentation de salaire immédiate de 10% après qu’une flambée des prix de l’énergie a entraîné d’énormes bénéfices qui ont permis à l’entreprise de verser environ 8 milliards d’euros de dividendes et un dividende spécial supplémentaire aux investisseurs. Comme d’autres grandes compagnies pétrolières, les bénéfices de TotalEnergies ont grimpé en flèche à mesure que les prix de l’énergie augmentaient pendant la guerre en Ukraine.

ExxonMobil a eu des négociations salariales avec le personnel de deux grands syndicats, mais les travailleurs de la raffinerie CGT ne sont pas d’accord.

Les grèves se sont poursuivies mercredi dans deux raffineries appartenant à ExxonMobil et quatre sites de TotalEnergies.

Le processus gouvernemental de réquisition des travailleurs de la raffinerie Esso-ExxonMobil Normandy de Port Jérôme dépendrait d’un arrêté spécial signé par le bureau du préfet local.

L’État a le pouvoir de réquisitionner les raffineries et d’ordonner aux travailleurs de reprendre leur travail en cas d’urgence, avec le risque d’amendes ou de prison pour ceux qui refusent. Cela pourrait impliquer que des policiers et des gendarmes signent des avis aux travailleurs à leur domicile. L’État devrait prouver qu’il y avait urgence pour le faire.

Le président de droite Nicolas Sarkozy a pris une telle mesure contre les travailleurs du pétrole en grève en 2010.

La CGT a indiqué qu’elle contesterait les avis de réquisition en justice dès qu’elle les aurait reçus.

Sur les lignes de piquetage, la menace d’une intervention gouvernementale pour réquisitionner les travailleurs n’a fait qu’approfondir la détermination des grévistes. A la raffinerie de Port Jérôme mercredi matin, 50 grévistes debout près de palettes de bois en feu ont voté à l’unanimité pour poursuivre leur débrayage.

« Vous êtes tous visés, le gouvernement veut nous obliger à venir travailler, on va lutter contre ça, c’est clairement une atteinte au droit de grève. Nous sommes directement attaqués sur notre droit de grève », a déclaré Christophe Aubert, délégué CGT chez ExxonMobil, rapporté par l’agence de presse AFP.

Aubert a déclaré que la CGT avait atteint son 23rd journée de grève à la raffinerie qui fut « historique ».

La crise survient à un moment où les prix de l’énergie et l’inflation sont élevés, tandis que les bénéfices exceptionnels de TotalEnergies ont provoqué une colère généralisée et lui ont demandé de faire face à une taxe exceptionnelle. Ces appels ont été refusés par le gouvernement.

Le président Emmanuel Macron tient à éviter que les grèves ne se propagent à d’autres secteurs, certains travailleurs des centrales nucléaires ayant déclaré mercredi qu’ils pourraient se joindre à l’action.

La députée écologiste Sandrine Rousseau a déclaré à la radio France Info : « J’espère que c’est l’étincelle qui déclenchera une grève générale ».

TotalEnergies s’entretiendra mercredi avec les syndicats non grévistes, qui ont déclaré qu’ils rappelleraient à l’entreprise ce qui était en jeu, mais ne tiendraient pas de discussions salariales à moins que la CGT ne soit incluse.

La compagnie pétrolière française a proposé d’avancer les négociations salariales annuelles pour commencer ce mois-ci, à condition que les arrêts limitant la production de certains de ses sites prennent fin. Mais la CGT a voté la poursuite de la grève.