Il a fallu 30 ans de développement et près de 9,7 milliards de dollars d’investissements. Mais après des années de retard, le lancement initial prévu pour 2007, le télescope spatial James Webb (JWST) est enfin prêt. Installé dans la coiffe d’une fusée Ariane 5 ECA, il devrait décoller du Centre spatial guyanais (CSG) le 22 décembre. Un moment historique pour l’agence spatiale américaine (NASA), ainsi que pour ses partenaires européens et canadiens. « C’est la mission la plus complexe qui, le 22 décembre, mettra Kourou au centre du monde », résume presque placidement Pierre Ferruit, directeur scientifique du télescope de l’Agence spatiale européenne (ESA).

A quelques jours du départ, la pression monte forcément. Car les Américains n’avaient jamais confié le lancement de l’un de leurs joyaux technologiques les plus chers à une puissance étrangère, en l’occurrence l’ESA et ArianeGroup. « Le choix a été fait en 2003 car notre fusée avait la plus grande capacité d’emport disponible : un carénage de 5,4 mètres de diamètre pour transporter la machine de 6,2 tonnes », précise Hervé Gilibert, directeur technique d’ArianeGroup. Si la décision avait été prise aujourd’hui, Space X aurait sûrement pu gagner le pari. Mais le choix reste pertinent car, outre sa grande capacité, l’Ariane 5 a prouvé sa fiabilité (111 lancements toutes versions confondues, 5 échecs dont 3 partiels) et est suffisamment puissante pour propulser JWST vers sa destination finale.  » , point de Lagrange 2 « , à 1,5 million de kilomètres de notre planète (contre 384 400 kilomètres de la Lune). Cependant, l’échec n’est pas une option : il serait catastrophique pour l’ensemble de l’industrie aéronautique européenne.

Diagramme des cinq points de Lagrange, qui sont des orbites stables pour les petits objets. Le point de Lagrange 2 (L2), situé derrière la Lune, a été choisi car il est le plus éloigné du Soleil. Le télescope James Webb tournera autour de ce point en suivant la rotation de la Terre.

Équipe scientifique NASA/WMAP

« On se prépare avec une concentration particulière et toujours avec le même objectif : se lancer en pleine conscience, c’est-à-dire avec la certitude d’avoir fait le maximum quand le « go » final est donné, poursuit Hervé Gilibert. Il en va de même avec le Centre national d’études spatiales (CNES) qui gère la base de Kourou : « Le JWST est arrivé ici il y a deux mois », précise Olivier Bugnet, directeur adjoint d’Ariane à l’agence française. sous une « capote », non seulement dans une salle blanche mais aussi dans une tente spécifique pour éviter que la moindre saleté ne s’y dépose, notamment à hauteur du miroir principal et sur ses instruments ».

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Une prévention qui n’a pas empêché un incident lorsqu’il a fallu monter le télescope sur place : une sangle s’est détachée et a fait vibrer la structure principale, heureusement sans conséquences. Mais la NASA a dû procéder à une série de contrôles qui ont repoussé le départ de quelques jours. Bientôt, le télescope atteindra le sommet d’Ariane 5 avant d’être méticuleusement « encapsulé » dans le carénage grâce à un système de guidage millimétrique. Enfin, l’ensemble se déplacera vers la rampe de lancement la veille du lancement.

Le télescope spatial James Webb, ici sous le

Le télescope spatial James Webb, ici sous la « capot » EPCU-S5, au centre de lancement de Kourou, en Guyane française, le 5 novembre 2021.

Jody Amiet / AFP

L’affichage le plus complexe de l’histoire de l’espace

Le décollage sera évidemment un moment crucial de la mission. Les ingénieurs ont travaillé pour minimiser les vibrations à l’intérieur du carénage, puis dans la ventilation : lors de la montée, il y a une dépressurisation inévitable qui sera gérée par des valves pour la rendre la plus douce possible. Mais c’est surtout la suite qui promet de sérieuses sueurs aux ingénieurs. Car après le décollage, le télescope, détaché d’Ariane 5, entamera « la séquence de déploiements la plus complexe jamais tentée au cours d’une seule mission spatiale », souligne Anthony Boccaletti, directeur adjoint du Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (Meudon). . Et pour cause, le « monstre » James Webb (22 mètres d’envergure une fois déplié) a dû se replier comme un origami géant pour tenir sur la fusée française. Une fois dans l’espace, le processus inverse commencera.

« Il y a 344 points de défaillance, environ 80% d’entre eux [275, NDLR] sont associés au déploiement », a prévenu Mike Menzel, l’ingénieur principal de la mission Webb pour la NASA, lors d’une conférence de presse en novembre. En d’autres termes, si l’un de ces « points » tombe en panne, tout le télescope tombera en panne. il s’agira notamment de 144 mécanismes de déclenchement qui devraient fonctionner parfaitement. De quoi faire pâlir n’importe quel ingénieur de fusée. « Quand j’ai commencé mes études, on nous a dit en classe que ce n’est que lorsque ‘on concevait une mission spatiale, qu’il fallait essayer d’avoir zéro mécanisme ! Nous en avons plus d’une centaine », souligne Olivier Berné, astrophysicien au Centre national de la recherche scientifique et responsable d’un des programmes scientifiques du JWST. L’opération sera si complexe que les spécialistes prévoient de la distribuer dans 29 jours. (voir vidéo ci-dessous), le temps que met le JWST pour atteindre sa destination finale, Lagrange point 2.

La première étape commencera trente et une minutes après le lancement, lorsque le télescope déploiera ses panneaux solaires qui fournissent son énergie. 1h30 plus tard, ce sera au tour de son antenne de communication avec la Terre. Après trois jours de voyage, vous commencerez à dérouler et à séparer les cinq couches différentes de votre bouclier thermique. Cet élément principal permettra de refroidir les instruments du télescope, qui devraient rester à – 233°C, alors qu’il sera à + 80°C de l’autre côté du bouclier, chauffé par le soleil. L’instrument MIRI le plus sensible bénéficiera même d’un « cryocooler », un système de refroidissement actif qui le maintient à -266°C. « C’est seulement 7°C au-dessus du zéro absolu », insiste Anthony Boccaletti, qui a participé à la conception. de cet outil. Le refroidissement est un processus fondamental car la chaleur émet des émissions infrarouges. Cependant, les instruments JWST balayeront avec précision l’espace lointain dans le spectre infrarouge. En d’autres termes, le télescope ne peut pas se permettre de chauffer, sinon il contaminera ses propres observations.

Les cinq couches superposées du bouclier thermique de James Webb.

Les cinq couches superposées du bouclier thermique de James Webb.

NASA / Goddard / Chris Gunn

« JWST sans bouclier thermique, c’est comme un être humain regardant le ciel la nuit, mais sous un lampadaire », imagine Pierre Ferruit pour décrire le rôle capital de cette voile, grosse comme un court de tennis. « Cela a posé quelques problèmes lors des premiers essais au sol, se souvient Olivier Le Masle, directeur du programme Sciences de l’Univers du CNES. Il ne s’agit souvent pas de pièces critiques (détecteurs, électronique) mais de pièces mécaniques difficiles à développer.  »

« Sans risque, il n’y a pas de science »

L’épopée technique ne s’arrête pas là, car JWST devra encore déployer ses deux miroirs. Le plus grand reflétera la lumière vers le second, qui à son tour la reflétera vers le centre du miroir principal. « Le primaire, le plus gros, devra déployer ses 18 segments indépendants, même s’ils sont montés sur la même structure, détaille Anthony Boccaletti. Au-dessus, le miroir secondaire, soutenu par trois bras, devra être parfaitement aligné pour refléter correctement la lumière vers le système optique et les instruments ! Aucun télescope spatial n’a de miroir segmenté, sauf si les militaires en ont déjà, mais en astrophysique, en sciences civiles, c’est une grande première, c’est dingue !  »

Les 18 éléments hexagonaux du miroir principal sont en béryllium et recouverts d'or, qui réfléchissent particulièrement bien la lumière infrarouge.

Les 18 éléments hexagonaux du miroir principal sont en béryllium et recouverts d’or, qui réfléchissent particulièrement bien la lumière infrarouge.

NASA / Chris Gunn

Face à une telle complexité, les scientifiques ne peuvent cacher complètement leur appréhension, d’autant plus que le point 2 de Lagrange est trop éloigné pour espérer que des astronautes puissent venir le réparer, comme ils l’ont fait avec Hubble. « Je suis forcément un peu inquiète, mais aussi pleine d’espoir et, surtout, j’ai confiance dans les ingénieurs de la NASA, je sais qu’ils sauront maîtriser l’ensemble du déploiement », explique Nicole Nesvadba, chercheuse CNRS au laboratoire. JL Lagrange en charge d’un programme scientifique JWST visant à mieux comprendre les interactions entre les trous noirs supermassifs et les galaxies qui les entourent.

Les précautions des ingénieurs américains expliquent aussi, en partie, les retards accumulés : à chaque nouveau défaut découvert, ils dressaient les plans nécessaires à son élimination. Certains mécanismes pourraient être réinitialisés, par exemple, en envoyant une commande numérique. Le risque zéro n’existe pas. « Sans une certaine audace, on ne pourrait pas faire de science », analyse Nicole Nesvadba. Une vision totalement partagée par son collègue Olivier Berné. « La complexité de cette mission est liée à son ambition scientifique, qui est de révolutionner l’astrophysique et notre compréhension de l’univers, précise-t-il. Pour atteindre cet objectif, nous devons prendre un certain nombre de risques.  »

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Et même si le déploiement se déroule apparemment parfaitement, à peine cinq mois plus tard, JWST fera ses premières observations, date à laquelle la NASA devra effectuer une batterie de tests assurant le bon fonctionnement des quatre principaux instruments : la caméra NIRCam, le générateur d’images NIRISS , le spectromètre NIRSpec et MIRI. Tout le monde regardera l’espace dans le spectre infrarouge, ce qui est essentiel pour l’exploration spatiale, puisqu’il permet notamment… de remonter le temps ! En fait, plus la lumière voyage dans l’espace, plus elle vieillit, plus elle « rougit ». Grâce à sa vision infrarouge, JWST remontera à -13,5 milliards d’années (Ma), soit quelques centaines de millions d’années après le Big Bang (-13,8 Ma) ! Il scrutera ensuite les « âges sombres » de l’Univers, lorsque les étoiles ont brillé pour la première fois. Il pourra également scruter les processus de formation des premières étoiles, mais aussi des premières galaxies et leur relation avec les trous noirs supermassifs qui les hébergent en leur centre. Vous continuerez à observer la nébuleuse d’Orion, une « pépinière » d’étoiles où des étoiles comparables à notre Soleil prennent vie. Enfin, vous devriez être capable d’analyser l’atmosphère des exoplanètes ou encore, peut-être, de détecter des molécules d’eau ou de méthane qui, si elles ne justifient pas la présence de la vie seule sont indispensables à son apparition. Les premiers résultats devraient être publiés entre fin juin et début juillet 2022… Si tout va bien.

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