
Cet article est extrait de la revue mensuelle Sciences et Avenir – La Recherche n°912 de février 2023.
Certains économistes appellent cela la « théorie du balayage ». Elle soutient que les gens n’agissent vraiment que lorsqu’ils sont debout contre un mur. Ce sera peut-être aussi le cas à l’hiver 2022-2023 dans le secteur de l’énergie. Dans son dernier rapport annuel, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) constate une accélération sans précédent du développement des énergies renouvelables. Raison? La crise mondiale provoquée par la guerre en Ukraine. Le conflit accélère la transition énergétique en raison du boycott européen du gaz russe. Selon l’AIE, 2 400 gigawatts (GW) d’énergie éolienne, solaire et bioénergétique devraient être installés d’ici 2027, soit l’équivalent en cinq ans de ce qui a été mis en place depuis le début du siècle. Ces 5 000 GW représenteront 38 % du mix énergétique mondial dans cinq ans.
L’Union européenne est évidemment concernée au premier chef. Mais les États-Unis ont aussi adopté cet été leur « Cut Inflation Act », qui prévoit 40 milliards d’euros de prêts pour les énergies renouvelables d’ici 2026. flotte actuelle. Paradoxalement, sa part dans la production éolienne et photovoltaïque passera de 90 % à 75 % sur cette période, tant l’effort mondial est intense. Selon l’AIE, en 2025 la production d’énergie solaire et éolienne dépassera la production de charbon. Ainsi, le monde retrouvera une trajectoire qui devrait le conduire au « zéro émission nette » en 2050. Les énergies renouvelables sont actuellement moins chères que les énergies fossiles dans les deux tiers des États, à environ 70 € par mégawattheure (MWh). L’opposition à la loi pour accélérer l’utilisation des énergies renouvelables en France semble aller à contre-courant de la tendance mondiale. Néanmoins, l’Etat s’est engagé en 2021 à couvrir plus de 40% de ses besoins avec ces fonds à partir de 2030.
Éolien : croissance de la puissance
252 mètres ! Il s’agit de la taille du rotor (diamètre des pales) d’une éolienne introduite en novembre 2020 par le fabricant chinois Three Gorges Corporation. La puissance ainsi obtenue est de 16 mégawatts (MW), soit environ le centième de la puissance d’un réacteur nucléaire EPR, soit le record mondial actuel. Partout dans le monde, les éoliennes gagnent en hauteur et en puissance, ce qui est directement lié à la longueur des pales. La puissance moyenne des machines en fonctionnement est de 7 MW. 15 MW sont prévus pour les prochaines années. Théoriquement, une puissance de 20 MW peut être atteinte. Des éoliennes plus puissantes sont une garantie de plus de production dans moins d’espace et donc une réduction significative des coûts de production. La multiplication des parcs marins favorise cette course car il n’y a pas d’obstacles en mer.
L’augmentation de la densité de puissance éolienne et la multiplication des parcs expliquent pourquoi la production éolienne devrait doubler d’ici 2027 avec 570 GW supplémentaires. Nous ne parlons que de technologies matures jusqu’à présent. Les parcs éoliens flottants entrent sur le marché et la première exploitation de leur énergie. En France, deux parcs flottants d’une capacité totale de 250 MW seront installés dans le golfe du Lion en Méditerranée à partir de cette année, le premier parc hydrolien du Raz Blanchard dans le Cotentin devant entrer en production en 2025.
Photovoltaïque : des technologies très prometteuses
Ses promesses sont telles que l’AIE prédit qu’en 2040, la capacité installée d’énergie solaire sera la première parmi tous les types d’énergie. L’industrie est en train de maîtriser des technologies très prometteuses. Issues des laboratoires du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies renouvelables (CEA), les cellules à hétérojonction associent silicium monocristallin et silicium amorphe pour mieux capter les photons. Le dos de ces panneaux est également actif, donnant un rendement de 24% contre 19% pour les meilleurs éléments modernes. De plus, il y a de la pérovskite. Le programme européen Pepperoni a annoncé fin novembre 2022 la création d’une cellule industrielle pilote associant du silicium cristallin traditionnel à une fine couche de pérovskite, qui captera un spectre plus large du rayonnement solaire. Selon de nombreux chercheurs, le rendement des futurs panneaux dépassera les 30 %. De plus, les films minces et les écrans solaires organiques prennent tout leur sens. La société nantaise Armor, qui développe depuis 2019 une ligne de production de ces modules flexibles, vient d’être reconnue par la Commission européenne. Une impulsion technologique qui permettra l’utilisation de l’énergie solaire dans les voitures, les enveloppes de bâtiments et les vêtements ! Partout dans le monde, l’énergie solaire envahit des surfaces actuellement inutiles. Ainsi, en France, la loi accélérant l’utilisation des énergies renouvelables obligera toutes les places de parking des supermarchés, des hôpitaux et des usines à être équipées de brise-soleil photovoltaïques.
En 2040, le photovoltaïque devrait devenir la première énergie mondiale (ici centrale des Mées, Alpes-de-Haute-Provence). Crédits : JEAN-FRANCOIS NOBLET / BIOSPHOTO
Photosynthèse du carburant solaire
Produire du carburant à partir de l’eau et du soleil grâce à une photosynthèse artificielle dix fois plus efficace que la photosynthèse naturelle est un exploit accompli par Daniel Nocera et Pamela Silver de l’Université de Harvard (USA). Lorsqu’elles sont immergées dans l’eau, leur feuille bionique absorbe l’énergie du soleil, puis, grâce à un catalyseur métallique (phosphate de cobalt), décompose les molécules d’eau en oxygène et hydrogène. La bactérie Ralstonia eutropha permet alors de « convertir » l’hydrogène en différents carburants liquides (isopropanol), précurseur de bioplastique, engrais ou autres molécules carbonées. D’autres laboratoires travaillent et espèrent trouver un moyen d’utiliser le procédé à grande échelle pour les pays en développement.
Biogaz : un secteur en pleine croissance
En 2040, la France atteindra son indépendance gazière. L’opérateur de réseau GRTgaz s’appuie sur trois technologies plus ou moins mûres. La première mise en œuvre est la méthanisation. Les déchets agricoles, les déchets de l’industrie agroalimentaire et les déchets de consommation sont désormais traités avec des digesteurs qui produisent du méthane. Le potentiel est estimé à 130 térawattheures (TWh), soit 40 % des 320 TWh de consommation projetés en 2050. Actuellement, la croissance de ce secteur est de plus de 10 % par an.
La pyrogazéification est la combustion de déchets solides dans une atmosphère appauvrie en oxygène. Lors de la combustion, des gaz mixtes se forment, dont la plupart est du méthane. Le gisement est constitué des vestiges des industries de l’exploitation forestière et du travail du bois, ainsi que de biens de consommation usagés tels que des meubles, des tissus et des chiffons. Le gisement est estimé à 2,5 millions de tonnes par an.
Enfin, les compagnies gazières placent de grands espoirs dans la méthanisation, un moyen de stocker l’énergie excédentaire produite les jours de grands vents ou de soleil brûlant. Cette électricité « verte » alimente des catalyseurs qui produiront de l’hydrogène, qui pourra soit être injecté directement dans le réseau, soit réagir avec le CO2 capté dans la cheminée d’une usine voisine pour produire du méthane. A Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), le projet Jupiter 1000 explore cette voie depuis 2020.
Hydrogène : une filière en devenir
Quelle est la place de l’hydrogène ? La molécule peut ainsi interférer avec le bilan énergétique, notamment dans les transports et l’industrie. Ainsi, Arcelor Mittal vise à remplacer complètement le coke qu’il utilise actuellement dans son aciérie de Dunkerque (Nord) par de l’hydrogène d’ici la fin de la décennie. Pour être compatible avec la lutte contre le changement climatique, cet hydrogène doit être produit à partir de sources d’énergie renouvelables, et non à partir de gaz naturel, comme c’est le cas aujourd’hui. Ainsi, son développement est lié au développement de l’énergie éolienne et solaire. L’Allemagne et la France ont décidé de financer cette décision à hauteur de 9 milliards d’euros chacune pour faire décoller le secteur. France Hydrogène a développé un scénario de « massification » basé principalement sur une utilisation croissante dans les industries pétrolières et sidérurgiques. Dans le domaine de la mobilité, l’accent est mis en premier lieu sur les camions et les bus, puis, à moyen terme, sur le transport ferroviaire. D’ici 2025, 225 stations de recharge en hydrogène devraient être mises en service. Globalement, France Hydrogène estime que la France sera capable de produire un peu plus d’un million de tonnes d’hydrogène vert d’ici 2030, dont les trois quarts seront commercialisés pour la première fois. Cette production est aujourd’hui anecdotique.
La géothermie : une énergie peu utilisée
C’est une grande partie oubliée des énergies renouvelables. Entre les pompes à chaleur et les puits profonds qui chauffent des quartiers entiers, notamment en région parisienne, émerge la géothermie de surface qui alimente déjà près de 200 000 maisons individuelles et 12 000 bâtiments. Au lieu d’utiliser les calories présentes dans l’air, ces systèmes captent celles stockées dans les premiers mètres de la terre – jusqu’à 100 mètres pour les avancées les plus profondes. La chaleur capturée est comprimée pour produire de la vapeur à haute pression qui est distribuée aux radiateurs du boîtier. Ainsi, un sol à 12°C peut produire de l’eau à 50°C toute l’année, contrairement aux pompes à chaleur aérothermiques qui s’arrêtent de fonctionner lorsque la température descend en dessous de zéro.
Aujourd’hui, la France ne couvre que 22,3 % de ses besoins de chaleur à partir d’énergies renouvelables, alors que la géothermie concerne 98 % du territoire. L’objectif est de 38 % d’ici 2030. Il faut faire encore plus : le chauffage dépend encore à 65 % des énergies fossiles.
La géothermie capte la chaleur dans les couches superficielles ou profondes du sous-sol pour alimenter les habitations en eau chaude et en chauffage (ici, un puits à Bagneux, Hauts-de-Seine). Crédits : GEL KERBAOL / DIVERGENCE
Stockage et distribution : la révolution du réseau intelligent
L’argument selon lequel le soleil ne brille pas la nuit et le vent ne souffle pas tout le temps pour dénigrer l’inconstance des énergies renouvelables est sur le point de s’effondrer grâce au travail de milliers d’ingénieurs sur la voie de la résolution de ce problème de stockage. La pionnière, la société française Corsica Sole, a annoncé le 1er décembre la mise en service de la plus grande centrale de stockage électrique d’Europe. Installée à Deu-Akren (Belgique), l’installation, constituée de batteries lithium-ion, est capable de stocker 100 MWh d’électricité, ce qui contribuera à réguler la fréquence du réseau électrique européen.
Cette émergence à l’échelle continentale doit beaucoup aux nombreuses expérimentations de « smart grids » qui ont eu lieu un peu partout en Europe au cours des vingt dernières années. L’électricité ne descendra plus d’une grande centrale électrique jusqu’au consommateur, mais empruntera des voies plus complexes, régulées par l’intelligence artificielle, principalement au niveau local. Le gestionnaire de réseau de transport français RTE a en effet identifié sa propre consommation comme une révolution à venir. Les expériences de combiner la production de panneaux photovoltaïques ou de petites éoliennes à l’échelle d’un quartier se multiplient avec le soutien de l’opinion publique.

Grand fan de mangas et d’animes, je n’aime bien écrire qu’à propos de ses sujets, c’est pour ca que j’écris pour 5 minutes d’actus. Au quotidien de décortique, donne mes avis sur les différents épisodes et chapitres des mangas que j’aime lire.