Qui était LUCYA, le dernier ancêtre commun universel des insectes, autrement dit, le dernier ancêtre commun des insectes peuplant la Terre ? Quand est-il apparu ? Quelles étaient ses caractéristiques ? Charles Darwin a percé le hideux mystère des fleurs, Romain Garrust, paléoentomologiste au Muséum national d’histoire naturelle, est fasciné par l’origine des insectes, un groupe incroyablement prospère mais en voie de disparition. Comment et pourquoi se sont-ils autant diversifiés et multipliés ? Comment et pourquoi certains ont-ils développé des capacités extraordinaires ? « Des insectes mystérieux sur des traces d’origine. Science en grand format, réalisé par Charles-Antoine de Rouvre et diffusé sur France 5 le jeudi 9 février 2023 à 21h00, marche dans les pas de l’explorateur.

C’est sportif et minutieux. Lorsqu’il ne grimpe pas aux arbres pour atteindre la canopée, il descend des canyons ou des randonnées pour explorer les zones fossilifères les plus prometteuses, menant ses explorations en Amérique du Sud et du Nord, en Europe et en Asie. Ses échanges avec d’autres entomologistes, sur place ou en laboratoire, montrent que de nombreuses questions tiennent encore les spécialistes en haleine, d’autant plus qu’il existe des lacunes dans les archives fossiles.

Descente canyoning à la recherche de fossiles dans le sud de la France. Crédits : Romain Garrust.

Il n’y a pas d’agriculture sans insectes

L’enquête débute en Guyane, où un piège lumineux attire à lui un monde grouillant. Trois millions d’espèces sont connues, il peut y en avoir trois fois plus, et cette diversité est nécessaire. Les insectes ont largement façonné la planète depuis des temps immémoriaux : sans eux, ce ne serait qu’un tas de gravats pourrissant pour longtemps. Ces animaux décomposent et recyclent la matière organique qui s’y accumule, rendent les nutriments biodisponibles, « et sont l’épine dorsale de la chaîne alimentaire pour des centaines de milliers de vertébrés », rappelle Philippe Grancola, directeur de recherche au CNRS. A l’image, Romain Garrust saisit délicatement le sphinx entre le pouce et l’index, déplie, sans l’abîmer, son appendice buccal, une trompe une fois et demie plus longue que le corps d’un papillon, formidable outil pour se nourrir. Les relations que certains insectes ont établies avec les plantes à fleurs ont participé à la naissance des céréales, des légumes et des fruits, et ont contribué au fondement de notre civilisation : l’agriculture.

Les puces connaissaient les dinosaures à plumes

Fourmi dans l'ambre de la Baltique, environ 40 millions d'années, collection MNHN.  Photo : Gédéon.

Fourmi piégée dans l’ambre d’environ 40 millions d’années. Crédits : Gédéon/MNHN

Les insectes porteurs de parasites et d’agents pathogènes ont également fait évoluer le système immunitaire de leurs hôtes, y compris les humains. Pelle, marteau ou ciseau à la main, Romain Garrust démontre que ces histoires sont gravées dans des fossiles – parfois aux couleurs fabuleuses – qu’il faut continuer à collectionner. Étonnamment, les premières puces qui sucaient le sang des dinosaures à plumes il y a 145 millions d’années dans le Liaoning, en Chine, n’avaient que des mandibules aux bords dentelés pour s’accrocher à la peau, explique le paléontologue Diying Huang. Ce n’est que plus tard qu’ils développeront un saut pour éviter la lutte antiparasitaire et coloniseront de nouveaux hôtes tels que les primates.

La paléogénétique change la façon dont les relations entre insectes reposaient sur la comparaison visuelle, explique Bernard Misof de Musée Alexandre Koenig, en Allemagne, en montrant comment s’ordonnent les génomes et en essayant d’établir des liens entre certains gènes et certaines fonctions. L’instrument, le synchrotron de Grenoble, est 100 millions de fois plus puissant qu’un scanner médical et peut également disséquer virtuellement des spécimens enfermés dans de l’ambre, explique la chercheuse Kathleen Dollman. De quoi observer les moindres détails qui témoignent de l’évolution de certains groupes et de la course aux armements entre proies et prédateurs.

Inspirer l’innovation pour les femmes ingénieures

Des caméras ultra-rapides permettent désormais à des physiciens comme Camille Arahelof d’analyser les mouvements d’une libellule en vol, qui a vu sa taille divisible par au moins 10, depuis des dizaines de millions d’années, bénéficiant de prudence et de furtivité. D’autres insectes ont développé d’autres superpouvoirs : le mimétisme pour les phasmes ou les papillons, ainsi que le patinage sur l’eau pour le gerry, la capacité de se déplacer mille fois leur poids pour les coléoptères, la capacité de désynchroniser leur système nerveux et leur système musculaire pour battre des ailes. . spontanément chez la cécidomyie. Sans parler de leur fonction respiratoire, qui se passe de poumons et alimente directement chaque cellule en oxygène ! Autant d’innovations qui inspirent les ingénieurs à trouver des solutions biomimétiques pour les nouvelles technologies, explique Jérôme Casas de l’université de Tours.

L’ancêtre des crustacés des eaux ?

Savoir quand ces adaptations se sont produites est crucial : cela permet de dresser un profil supposé plus minimaliste du premier des insectes, Lucia. C’est tout l’intérêt des territoires de transition à travers lesquels le film nous emmène. L’un d’eux est situé à Svalbard, en Norvège, et peut livrer des insectes datant de -385 à -325 millions d’années, alors que nous manquons cruellement de fossiles pour comprendre l’évolution de ces animaux, explique Jean-Sebastian Steyer du MNHN. qui inspecte les lieux avec Romain Garrust.

L’autre est dans le parc Miguasha, Gaspésie, Canada. Datant de la période dévonienne – il y a 380 millions d’années – elle cache des traces cruciales du moment où les animaux ont quitté l’eau et atteint la Terre. Certaines familles d’insectes portent encore des branchies sur leurs pattes et leur système nerveux ressemble de façon frappante à celui des crustacés. Lucia pourrait très bien être l’une de leurs descendantes, même s’il reste encore des fossiles à analyser. Clair, saisissant, rempli d’images somptueuses et de dialogues instructifs, ce film est un bel hommage à un groupe d’insectes inhabituel. Ne manquez pas.