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Figues mûres. Photo : AFP/VNA/CVN

« Voici la capitale de la figue de barbarie », proclame fièrement Mohamed Rochdi Bannani. Il a été l’un des premiers en Tunisie à investir dans la transformation des graines du fruit de ce cactus pour produire une huile précieuse et chère – 350 euros le litre – de plus en plus demandée dans le monde entier en raison de ses mérites. .

Propriétaire de 420 ha de figues de barbarie bio certifiées équitables à Zelfen (Centre-Ouest), il produit 2 000 litres d’huile de pépins de figues par an, dont 95 % sont exportés.

« Ce fruit a changé ma vie et la vie de toute la région. Cela a apporté de la richesse dans une région où la figue de barbarie était un symbole de pauvreté », avoue M. Bannany, 52 ans, alors qu’il inspecte son champ à la fin de la saison des récoltes.

Zelfen, située au cœur de la province de Kasserine, caractérisée par un taux de pauvreté de 33% et un taux de chômage de 20%, a trouvé dans ce fruit une source de développement local.

« Attraction »

Environ 30 000 hectares, dont 3 000 hectares de figuiers bio, sont cultivés dans cette petite ville à la frontière algérienne.

Le secteur emploie plus de 5 000 personnes, selon Boubaker Raddaoui, qui est en charge du secteur dans le cadre du Projet d’accès au marché pour les produits agroalimentaires et locaux (PAMPAT) soutenu par l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI).

Avec 117 771 ha, la Tunisie se classe au cinquième rang mondial pour la culture commerciale de la figue de barbarie après le Brésil, le Mexique, l’Éthiopie et le Maroc.

Le pays d’Afrique du Nord, qui a atteint une production annuelle de 550 000 tonnes de fruits, dépend désormais principalement du pétrole. Selon PAMPAT, près de 8 000 litres ont été exportés en 2021, avec un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros.

« Les exportations ont bondi de 50% entre 2019 et 2021, montrant l’attractivité du secteur et l’augmentation de la demande d’année en année », souligne M. Raddawi.

Récolte de figues de barbarie bio à Zelfen, près de Kasserine, Tunisie. Photo : AFP/VNA/CVN

La dynamique du secteur est telle qu’au début des années 2000 il y avait cinq entreprises de transformation dans le pays (principalement axées sur le pétrole) jusqu’à 55 en 2021, dont 11 dans la région de Selfen, organisées en coopératives.

« Avant, tout le monde voulait partir (de cette région). Aujourd’hui c’est de l’histoire ancienne grâce au pétrole », raconte Hamza Rochdi, un jeune agriculteur qui exploite 40 hectares de terres familiales.

« Grâce à l’intérêt croissant pour ce fruit, nos conditions de travail se sont améliorées », explique Hanane Messaudi, qui cueille des figues depuis sept ans et gagne désormais le SMIC (près de 500 dinars par mois, soit environ 150 euros).

« Peu exigeant »

Le figuier de barbarie a aussi l’avantage de ne pas avoir peur des sols secs, pour un pays où l’eau se fait rare, comme c’est le cas dans toute la région. Selon les dernières données officielles de 2004, la Tunisie est passée sous le seuil de pénurie d’eau, estimé à 1700 m3 par habitant, avec seulement 428 m3 par habitant et par an.

« La figue de barbarie est sans prétention, s’adapte à plusieurs types de sols et consomme peu d’eau. C’est un bien environnemental », souligne M. Raddawi.

Dans les pas de Zelfen, d’autres régions, comme Nabeul (nord-est) et Kairouan (centre), s’intéressent également à cette culture. Cet engouement a cependant ses limites du fait de la difficulté à pénétrer des marchés très dynamiques comme le Japon ou la République de Corée.

Pour le moment, Mohamed Rochdi Bannani ne transforme que 20 % de sa production annuelle (20 000 tonnes de fruits) en huile en raison de « problèmes de commercialisation ». « Les marchés ne sont pas ouverts à 100% », déplore-t-il.

De plus, même si elle est vendue au prix fort sous forme de cosmétique, « l’huile de pépins de figue de barbarie est chère à produire », note Salim Benmiled, qui a ouvert une usine de transformation à Tala, près de Zelfen, en 2020.

La raison qui a poussé cet industriel de 62 ans à utiliser d’autres dérivés de fruits comme les écorces pour l’alimentation animale ou les graines pour la farine alimentaire.

AFP/VNA/CVN