CLe nouveau film de laire Denis est un triangle amoureux séduisant et indirect, un drame de l’esprit autant que du cœur. C’est intrigant s’il est artificiel et anticlimatique, bien qu’agi au plus haut degré de conviction sensuelle. Denis a co-écrit le scénario avec l’auteure Christine Angot, avec qui elle a écrit son précédent film Let the Sunshine In, et celui-ci a le même sens romanesque. Le titre français original est Feu, ou Avec Amour et Acharnement (qui se traduit par Fire, ou With Love And Fury); le sous-titre anglais provient d’un morceau de Tindersticks composé spécialement pour ce film sur l’agonie déchirante d’un choix impossible : (« Je glisse des deux côtés de la lame »).

Les trois combattants sont des poids lourds du cinéma français. Juliette Binoche est Sara, une animatrice d’un talk-show de radio parisien savant, qui a vécu pendant 10 ans avec Jean (joué par Vincent Lindon, qui couve et s’effondre); il s’agit d’une ancienne star du sport, à la retraite pour cause de blessure, qui a purgé une peine de prison pour une infraction non précisée et qui se voit maintenant refuser une carte de crédit et traite donc en espèces. Jean a un fils adolescent, Marcus (Issa Perica) dont la mère vit maintenant à l’étranger et qui est élevé par la mère de Jean, Nelly (Bulle Ogier). Le troisième coin du triangle est François (Grégoire Colin), l’ex-amant de Sara qu’elle a quitté pour Jean sur un coup de tête il y a dix ans. Jean et Sara n’ont pas revu François depuis, mais un matin à l’extérieur du studio, Sara aperçoit François dans la rue et tous ses vieux sentiments sont ravivés de manière dévastatrice. L’a-t-il vue aussi ? Ce n’est pas clair, mais ce n’est peut-être pas un hasard s’il contacte Jean pour tenter d’obtenir son aide auprès d’une agence sportive qu’il est en train de monter.

Le film montre de manière intéressante que lorsqu’une personne a une liaison, elle est capable de la double pensée émotionnelle la plus profonde. D’une part (ou peut-être d’un côté de la lame), cette personne est capable d’être heureuse dans le mariage et pourtant aussi passionnément amoureuse de l’autre personne. On y voit Sara intensément engagée avec François, son ancienne flamme (il semble même avoir la clé de son appartement). Mais dans la scène suivante, nous la voyons nier avec indignation les accusations de Jean avec toute l’intégrité et l’innocence larmoyante et blessée que Binoche peut projeter de manière si convaincante.

A la regarder dans ces moments là, il faut presque un effort de volonté pour se souvenir de ce que l’on vient de voir d’elle avec François. Est-ce vraiment arrivé? Était-ce un rêve? Une réalité alternative que Sara imaginait avec nostalgie ? Non. C’était réel. Mais, de la manière la plus étrange, les dénégations de Sara sont également réelles : entièrement sincères, même si elles se trompent, sur le moment. Car son amour pour Jean est réel : il ne s’enlève pas si facilement que ça.

La faiblesse du film est la légèreté avec laquelle la personnalité et le parcours de François sont esquissés : c’est un mystère, un mystère peut-être pas tout à fait intentionnel, comparé à l’intensité avec laquelle nous sommes présentés avec Jean et Sara. Marcus et Nelly sont dessinés de manière engageante et très humainement et l’autre vie de Jean en tant que père troublé est également imaginée avec sympathie. Mais peut-être que leurs vies évincent l’espace qui aurait dû être fait pour François – et accessoirement on aurait pu nous en dire plus sur le séjour en prison de Jean et ce qui l’a conduit. C’est un film avec beaucoup d’idées, certaines moins que complètement formées.

Fire (ou Both Sides of the Blade) projeté au festival du film de Berlin.