L’état de santé de Vladimir Poutine se détériore-t-il ? Cette question, régulièrement évoquée dans le débat public depuis plusieurs années, est devenue particulièrement d’actualité ces derniers jours après la publication de plusieurs vidéos dans lesquelles il apparaît affaibli. L’une d’elles, mise en ligne le 21 avril, a particulièrement retenu l’attention des internautes. On y voit le président russe prostré et pâle lors d’un briefing sur l’Ukraine avec son ministre de la Défense Sergueï Choïgou.

Pendant douze longues minutes, Vladimir Poutine semble se tordre de douleur, la tête figée et enfouie dans son col. Détail frappant : sa main droite agrippe fermement le coin de la table tout au long de l’entretien. Un moyen de masquer le tremblement ? Les réseaux sociaux ont rapidement avancé une hypothèse sur la maladie de Parkinson, qui a heurté la tête du Kremlin. Cette théorie a été renforcée par la publication trois jours plus tard d’une autre vidéo dans laquelle on le voit saluer le président biélorusse Alexandre Loukachenko. Une de ses jambes est raide et son bras droit tremble.

Mais peut-on vraiment faire un diagnostic médical basé sur quelques minutes de vidéo ? L’Express a posé une question aux spécialistes de la maladie de Parkinson. Elles sont formelles : même si certains signes peuvent susciter des interrogations, il est impossible de tirer une conclusion à partir d’un si petit nombre d’images. « La consultation est nécessaire, notamment, pour évaluer la rigidité musculaire du patient. Cela est dû à un manque de dopamine dans le cerveau et entraîne une diminution des mouvements caractéristiques de la maladie », explique le Pr Stéphane Palfi, neurochirurgien à l’hôpital Henri. – Hôpital Mondor (AP-HP) à Créteil (94).

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« Cela reste hautement spéculatif »

Les médecins notent également que le traitement de la maladie de Parkinson est aujourd’hui très efficace, du moins dans les premières années : « Chez un patient bien traité, et je crois que Vladimir Poutine aurait eu un tel patient, on ne voit aucun signe de pathologie », souligne le professeur. . Philippe Damier, neurologue au CHU de Nantes et ancien président du conseil scientifique de l’association France Parkinson. Cependant, à mesure que la maladie progresse et avec le temps, il devient de plus en plus difficile d’équilibrer les médicaments. Lorsque les patients sont légèrement surdosés, ils peuvent montrer des gestes anormaux : « Cela peut être cohérent avec l’étrange mouvement de la main dans la vidéo de sa rencontre avec Alexandre Loukachenko, mais cela reste hautement spéculatif », poursuit le médecin.

La démarche hésitante du dictateur russe dans la même séquence n’est en revanche pas caractéristique de la maladie de Parkinson : « Les patients bougent lentement, avec un poids corporel qui semble tomber vers l’avant », précise le Pr Palfi. Et sa manière obsessionnelle de s’accrocher à la table lors d’une rencontre avec le secrétaire à la défense, à laquelle certains, comme certains le croyaient, ont deviné l’envie de cacher un frisson ? « En fait, nous ne voyons rien, nous ne pouvons donc rien dire à ce sujet. Sans compter que ce symptôme ne survient que chez 60 % des patients, et que de nombreuses autres pathologies peuvent aussi en être la cause », précise Stefan Palffy. Quant au visage bouffi, presque lunaire, du président russe, il s’opposera directement à cette maladie : « Les patients ont tendance à avoir le visage enfoncé », pointe le neurochirurgien.

De même, un gonflement de son visage exclurait plutôt un cancer de la thyroïde. Pourtant, cette hypothèse revient régulièrement, aidée par la présence des spécialistes de M. Poutine dans cette pathologie. Le média russe indépendant « Proekt » a en effet révélé dans une enquête publiée début avril que le chirurgien oncologue Yevgeny Selivanov lui avait rendu visite au moins 35 fois et avait passé un total de 166 jours à ses côtés en quatre ans, et que deux otolinos étaient des laryngologues Igor Esakov et Alexei Shcheglov serait resté à son chevet pendant au moins 282 jours. « Sauf que le cancer de la thyroïde ne provoque jamais de gonflement du visage », précise le Dr Maria Lesnik, ORL et chirurgienne à l’Institut Curie. croissance. »

Stéroïdes ou… Botox ?

D’autre part, l’hypothyroïdie, c’est-à-dire une production insuffisante d’hormones thyroïdiennes, peut provoquer un gonflement du visage. Mais comme la maladie est facilement traitable, les symptômes ne devraient pas durer longtemps, souligne le spécialiste. Reste l’hypothèse d’un traitement à fortes doses ou au long cours par des corticoïdes. S’ils peuvent vous faire prendre du poids et gonfler votre visage, ces médicaments ne sont pas spécifiques à une pathologie particulière. Lymphome, maladie auto-immune ou inflammatoire, maladie rénale… : ils sont très largement utilisés. Par conséquent, aucune conclusion ne peut être tirée. D’ailleurs, au contraire, il n’y a pas que les corticoïdes qui donnent cet aspect physique : un excès de Botox, utilisé pour lisser les rides, peut conduire au même résultat.

Malades ou pas, la prolifération de ces images ne fait aucun doute. Plus habitué à performer torse nu sur des équipes de chasse en Sibérie, ou sur des tatamis en judogi – Poutine est ceinture noire de judo 8 dan, l’un des plus hauts grades -, le chef du Kremlin a bâti toute sa carrière politique sur son image de fort homme.

Le président russe Vladimir Poutine chassant dans la République de Touva, en Sibérie, le 15 août 2007

Le président russe Vladimir Poutine chassant dans la République de Touva, en Sibérie, le 15 août 2007

DMITRI ASTAKHOV / RIA Novosti / AFP

« Le fait que ces vidéos soient diffusées, où il a l’air affaibli, est peut-être le signe que quelqu’un en coulisses tente de préparer son successeur », estime l’historienne russe Françoise Thom. Sous Staline, des rumeurs selon lesquelles il avait subi une hémorragie cérébrale ou une crise cardiaque ont commencé à circuler dans les cercles diplomatiques dès 1945 et reflétaient alors une lutte de pouvoir entre ses successeurs potentiels.

Après plus de 20 ans au pouvoir, très peu d’informations officielles ont filtré à ce jour sur l’état de santé de Vladimir Poutine, dont le Kremlin n’a jamais confirmé la moindre maladie grave. Dès le premier mandat, le président russe n’a pas hésité à « cacher » une chute à cheval ratée, à cause de laquelle il lui a fait très mal au dos, écrit le média russe indépendant Proekt. Cela a finalement été confirmé – et minimisé – des années plus tard par un intervenant majeur lorsqu’il a mentionné en 2021 qu’il avait fait une « culbute » avant d’atterrir « assez confortablement », selon le discours officiel, sur beaucoup de sciure.

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« Historiquement, il y a toujours eu un culte du secret autour de la santé des dirigeants russes, et avant eux des dirigeants soviétiques, conclut Françoise Thom, et quand on a fini par s’apercevoir de ces problèmes de santé, c’est surtout parce qu’ils devenaient trop évidents pour pouvoir se cacher. Il est encore trop tôt pour dire si cela s’applique à Poutine aujourd’hui.

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