Le cinéma n’a pas de formule scientifique pour quantifier ses ambitions et son succès. Cependant, dans l’industrie du cinéma, il est fréquent d’organiser les films par des chiffres. Les scores de Rotten Tomatoes, les chiffres de la box-office, et les palmarès des Oscars sont des indicateurs de réussite. Cependant, lors du prestigieux festival de Cannes, cette approche peut sembler grossière. Le festival se veut comme un lieu où l’art est pour l’art, mais c’est aussi un marché international et une vitrine pour les célébrités.

Cependant, lors du festival de Cannes, même les films les plus énigmatiques se voient mesurés selon des critères spécifiques. Par exemple, dans la publication spécialisée britannique Screen International, on publie le « Screen grid », une compilation des évaluations critiques selon une échelle de cinq étoiles des films sélectionnés cette année. Cette année, le film Fallen Leaves du vétéran finlandais Aki Kaurismaki est en tête avec une moyenne de 3,2 étoiles, suivi de près par les nouveaux films de Todd Haynes et Justine Triet.

Ailleurs, notamment chez Variety, les chronomètres sont de sortie. Il est désormais de coutume d’annoncer la durée de l’ovation debout après une première, et d’en faire mention dans le titre du compte rendu post-séance. Cette année, le film Killers of the Flower Moon de Martin Scorsese est en tête avec une ovation debout de neuf minutes, proportionnellement adaptée à un opus de 206 minutes. Par contre, Indiana Jones et le diamant de la destinée de James Mangold est considéré comme ayant déçu avec seulement cinq minutes d’applaudissements pour la cinquième apparition de Harrison Ford dans le rôle.

Cependant, il ne faut pas accorder une trop grande importance à ces chiffres. Il est vrai que le film impressionnant de Scorsese a reçu des critiques élogieuses, alors que celui de Mangold a été largement considéré comme un simple produit commercial. Cependant, un film peut difficilement prédire sa standing ovation. Le film biographique de Catherine Parr, Firebrand, considéré comme ennuyeux, a reçu une ovation debout de huit minutes, près de la durée de celle de Scorsese. Les acteurs comme Alicia Vikander et Jude Law ont droit à leur part d’applaudissements, même si le film ne mérite pas autant d’enthousiasme que prévu.

En réalité, presque toutes les grandes premières en tenue de soirée avec les acteurs présents au Grand Théâtre Lumière lors du festival à Cannes reçoivent une ovation debout plus ou moins longue. C’est une tradition du festival de se lever et applaudir les réalisateurs et les stars lors de leur grande soirée. Les exceptions sont rares et dévastatrices. En revanche, la durée des ovations est de plus en plus courte. Le record historique d’applaudissements au festival est détenu par le film fantastique de Guillemero del Toro, Le Labyrinthe de Pan, avec 22 minutes d’ovation.

Mais, lors des projections de presse, où il n’y a pas d’acteur présent, les critiques sont de moins en moins virulentes et bruyantes. Les projections qui étaient autrefois suivies de sifflets et de huées, maintenant, même un film délicieusement dérangeant comme Club Zero de Jessica Hausner, qui montre des scènes de vomissements, a été accueilli par un silence plutôt qu’une protestation bruyante.

Avec la levée des restrictions liées à la pandémie de Covid, les festivaliers sont plus discrets et plus enclins à garder leurs réactions pour eux-mêmes. L’ovation debout après une première a été remplacée par un simple pouce levé en signe d’appréciation. Tout cela nous amène à nous interroger sur la signification de ces applaudissements et l’évolution des traditions de ce prestigieux festival.