New-York (AFP) – Elon Musk a accepté de nommer un successeur à la tête de Twitter, dont la tâche s’annonce déjà assez délicate, coincé entre les exigences d’un patron bouillonnant et les attentes des annonceurs, régulateurs, créanciers et salariés.

Après près de deux jours de retard, l’entrepreneur a accepté le verdict du sondage, qu’il a lancé dimanche sur son site de médias sociaux. Environ 57% des 17 millions d’utilisateurs participants ont exigé son départ.

« Je démissionnerai de la direction générale dès que je trouverai quelqu’un d’assez fou pour faire le boulot ! » a écrit le rebelle de cinquante ans.

Elon Musk n’a jamais volontairement cédé les rênes à l’une des nombreuses grandes entreprises qu’il a créées ou acquises au cours des trois dernières décennies.

Destitué de sa propre société X.com par le conseil d’administration en 2000, il dirige toujours, outre Twitter, Tesla, SpaceX, Neuralink et The Boring Company.

Jeffrey Sonnenfeld, professeur à Yale et spécialiste de la gestion, le compare à Travis Kalanick (Uber), Adam Neumann (WeWork) et même Steve Jobs « avant qu’il ne se fasse botter le cul » et qu’il ne soit renvoyé d’Apple en 1985.

Les dirigeants, dit-il, deviennent « renfermés », incapables « d’écouter », « rejetant ce qui peut les aider ».

Selon Ann Lipton, professeur de droit des affaires et d’entrepreneuriat à l’université de Tulane, même si Elon Musk nomme un successeur, « il a une opinion très tranchée sur la manière de faire fonctionner Twitter », dont il restera l’actionnaire majoritaire.

« Par conséquent, tout nouveau patron peut avoir du mal à réaliser sa propre vision », dit-elle. « Il travaillera probablement dans l’ombre de Musk, d’autant plus que Musk veut rester dans l’entreprise. »

Ainsi, le natif de Pretoria a indiqué que même une fois qu’il aurait trouvé une perle rare, il s’occuperait toujours des « équipes logicielles et serveurs ».

La milliardaire et utilisatrice compulsive de la plateforme Ann Lipton laisse entendre qu’il répond aux demandes directes des utilisateurs lui demandant de résoudre certains problèmes, et ce faisant, affaiblit son successeur.

« Cloner »

Quant au profil du futur directeur général, « il a besoin de quelqu’un de plus sage et de plus diplomate pour répondre aux regards extérieurs », estime Jeffrey Sonnenfeld. Or, pour l’universitaire, le problème est qu’Elon Musk « recherche un clone de lui-même, et c’est justement ce qu’il faut éviter ».

Plusieurs médias américains ont cité les noms de l’investisseur Jason Calacanis et de l’ancien PDG de PayPal, David Sachs, qui sont proches d’Elon Musk et ont breveté les tweets.

Selon le Los Angeles Times, ils faisaient partie d’une équipe soudée qui a entouré le milliardaire lors du rachat de la plateforme et s’est immiscé dans les décisions clés.

Pour Jeffrey Sonnenfeld, au lieu de puiser dans sa garde personnelle, le deuxième homme le plus riche du monde devrait rechercher un leader expérimenté, à l’aise dans la peau d’une personnalité publique et doté d’une intuition reconnue.

Il cite l’ancien patron de CNN, Jeff Zucker, ainsi que l’ancien PDG de T-Mobile, John Leger. Ce dernier a postulé mi-novembre, mais Elon Musk a immédiatement rejeté l’offre.

Le successeur devra rassurer les régulateurs qui s’inquiètent d’une moindre modération des contenus, les annonceurs, dont beaucoup ont pris leurs distances, et les créanciers lourdement endettés du groupe, ainsi que ses salariés.

Elon Musk lui-même a admis mercredi qu’il s’attend à ce que les revenus de 2023 soient en baisse de plus de 40 % par rapport à 2021.

Grâce aux mesures drastiques d’austérité prises depuis fin octobre, dont le licenciement d’environ la moitié de ses employés, dit-il, « Twitter sortira de là l’année prochaine ».

« La valeur de Twitter décline rapidement », prévient cependant Jeffrey Sonnenfeld. « C’est un bien très périssable. »