Le récent barrage de menaces de Vladimir Poutine n’est plus uniquement lié à l’Ukraine. Le président russe a progressivement élargi la portée de ses demandes pour englober les dispositions de défense et de sécurité dans l’ensemble de l’Europe. Même si les tensions actuelles aux frontières de l’Ukraine ne débouchent finalement pas sur un conflit ouvert, cette escalade délibérée est de mauvais augure pour 2022.

Ce que Poutine veut, en effet, c’est revenir aux années 1990, avant que les anciens pays du Pacte de Varsovie comme la Pologne et les anciennes républiques soviétiques comme l’Estonie ne rejoignent l’OTAN. S’il réussissait, il reconstituerait probablement l’Union soviétique, dont il pleure la disparition. Ce vieil espion amer du KGB n’a jamais accepté la défaite de la guerre froide.

L’alliance occidentale doit faire comprendre qu’un révisionnisme aussi dangereux est inacceptable. La Russie ne peut pas avoir de veto sur la future adhésion de l’Ukraine (ou de la Géorgie) à l’OTAN. Poutine ne peut pas non plus raviver l’ancien « étranger proche », ressusciter des sphères d’influence ou dicter où les forces occidentales sont stationnées. Des pourparlers sur des mesures de confiance pour apaiser les inquiétudes de la Russie seraient une voie plus sensée.

Pourtant, en déployant environ 100 000 soldats aux frontières de l’Ukraine et en maintenant un bombardement verbal, Poutine a clairement indiqué qu’il ne relâcherait pas rapidement la pression sur les dirigeants européens. Pour Washington, il s’agit d’un casse-tête géopolitique. Pour les Européens, une Russie hostile et en colère est un danger immédiat et menaçant qui se cache à leur porte.

Sentant la faiblesse des États-Unis, les pays d’Europe de l’Est en particulier sont alarmés par la déclaration du président Joe Biden selon laquelle les États-Unis sont prêts à répondre aux « inquiétudes de la Russie concernant l’OTAN » – et par la demande agressive de Poutine la semaine dernière pour des concessions « immédiates ». L’inquiétude plus large pour 2022 est qu’après le retrait chaotique de l’Afghanistan, les garanties de sécurité américaines ne sont pas fiables.

Malgré les assurances lors du sommet du G7 de l’été dernier à Cornwall que « l’Amérique est de retour », Biden se concentre principalement sur son programme national et sur la maîtrise de la Chine. Aucune des deux politiques ne va bien. Covid est à nouveau en hausse, tandis que les projets de loi de dépenses du président, visant à déclencher une reprise post-pandémique, ont été édulcorés ou bloqués par des démocrates capricieux au Congrès. Biden sera préoccupé par une campagne difficile pour les élections de mi-mandat de novembre.

Ainsi pour l’Europe, et l’UE en particulier, la nouvelle année s’annonce sur une note déconcertante d’incertitude et de solitude. Elle est coincée entre un Moscou malin et une Amérique ambivalente. Et pour aggraver les choses, les relations fondamentales de l’Europe d’après-guerre – celle entre la France et l’Allemagne – pourraient être sur le point d’être mises à rude épreuve. Olaf Scholz, le nouveau chancelier allemand, n’a pas perdu de temps pour ouvrir un dialogue avec le président français, Emmanuel Macron, en déplacement à Paris deux jours après son entrée en fonction. Sur le papier, la coalition tripartite de centre-gauche dirigée par Scholz soutient une intégration européenne plus poussée et une souveraineté européenne renforcée, idées promues par Macron et diluées par Angela Merkel, la prédécesseure de Scholz.

Mais en pratique, la convergence franco-allemande peut être difficile à réaliser. Il existe de fortes divergences sur la politique énergétique de l’UE, la « transition verte » et les efforts français pour classer l’énergie nucléaire comme un combustible « durable » à une époque de prix du gaz en forte hausse. Macron veut que l’Allemagne soutienne davantage de dépenses paneuropéennes, financées par une dette partagée selon les lignes directrices du fonds de relance Covid de 800 milliards d’euros (679 milliards de livres sterling) de l’UE. C’est impopulaire à Berlin.

Macron soutient avec passion que, dans un monde de prédateurs féroces et d’amis peu fiables, l’Europe doit lutter pour une plus grande autonomie en matière de défense, de sécurité et de politique étrangère. Pourtant, il s’est opposé aux appels à une ligne plus dure envers la Russie et la Chine, par exemple Annalena Baerbock, co-leader des Verts allemands, qui est le nouveau ministre des Affaires étrangères de Scholz et un fervent défenseur des droits de l’homme. Il sera difficile de faire la quadrature de ce cercle.

La capacité de l’Europe à faire face à une foule d’autres problèmes urgents – la querelle entre Bruxelles, la Pologne et la Hongrie sur des questions constitutionnelles, les tensions séparatistes dans les Balkans, les frictions avec la Turquie, le terrorisme islamiste au Sahel, les ambitions nucléaires de l’Iran et les arguments non résolus du Brexit – ne être aidé par l’accession de la France à la présidence semestrielle de l’UE en janvier.

Bien qu’il le nie, Macron est certain d’être distrait par sa candidature à un second mandat lors des élections d’avril. Cette bataille épique unit trois questions centrales qui domineront l’agenda de l’Europe en 2022 : le populisme de droite, les migrations et la pandémie. Certains sondages indiquent que depuis les élections allemandes, la marée populiste est en train de reculer. Mais en France, un fort soutien aux racistes xénophobes, Marine Le Pen et Éric Zemmour, suggère que de telles conclusions sont prématurées.

Après avoir suivi Biden dans l’abandon de l’Afghanistan, les membres européens de l’OTAN ne peuvent guère se plaindre si, comme le prédisent les agences d’aide, ils font face à une nouvelle vague de réfugiés afghans cet hiver. Cela mettrait à nouveau en évidence l’échec collectif de l’UE à se mettre d’accord sur une politique migratoire globale et humaine – et sera exploité par l’extrême droite française.

Un autre échec, l’absence extraordinaire d’une réponse européenne coordonnée à la variante Omicron alors que les pays imposent des restrictions draconiennes différentes, contradictoires et souvent profondément impopulaires, pourrait aider à faire pencher la façon dont la France vote. Comme pour Boris Johnson, le virus Covid, et non les machinations de la Russie, de la Chine et des États-Unis, pourrait bien être la perte de Macron et de l’Europe.