« La nature est un droit de l’homme ! » Coiffée d’un bonnet rouge sur la tête, Anya Wilding a enfilé des chaussures de randonnée pour réclamer un droit « fondamental » qui lui avait été « volé »: le droit de dormir à Dartmoor, dans le sud-ouest de l’Angleterre.

Jusqu’à la mi-janvier, ce parc national, prisé des touristes pour ses marécages sauvages, était le seul endroit en Angleterre où le camping n’était pas interdit. Il faudra désormais « l’accord du propriétaire du terrain » avant d’y planter sa tente, a calculé la justice britannique, saisie par un richissime propriétaire local.

La solution a des amateurs de camping jumping. Samedi, malgré le froid, il y avait environ 3 000 personnes, selon les organisateurs, qui se sont donné rendez-vous dans le petit village de Cornwood pour une marche de protestation contre « Stoll Moor », une vaste friche au clair de lune appartenant à Alexander Darwall, le propriétaire a protesté au bivouac.

« C’est un droit fondamental qui nous a été enlevé et je suis ici aujourd’hui pour le réclamer », a déclaré Anya Wilding, une étudiante en photographie de 21 ans. « C’était le seul endroit où c’était légal, donc ça fait vraiment grincer des dents. »

Elle se remémore avec nostalgie son dernier séjour dans la région et le moment « magique » où elle « s’est réveillée de cette lumière dorée qui éclairait les marécages ».

– « Regarde les étoiles » –

En Angleterre, dont les terres sont presque entièrement privatisées, les Anglais ne sont autorisés à s’aventurer hors des sentiers battus que sur une infime partie de leur territoire : 8 % des campagnes et 3 % des cours d’eau, selon les chiffres officiels.

Ce « Right to roam » (le droit d’errer) garantit depuis 2000 le droit d’accès du public à certains espaces naturels privés, mais il est très limité. Vous n’y ferez rien, encore moins vous ne le ferez pas, et encore plus vous ne le ferez nulle part.

Des milliers de touristes manifestent à Cornwood contre l’interdiction des bivouacs le 21 janvier 2023 en Angleterre (AFP – ADRIAN DENNIS)

Dans ce cadre législatif contraignant, Dartmoor était « une magnifique anomalie », souligne Guy Shrubsole, auteur de Who Owns England ? qui détaille comment une petite élite d’aristocrates, d’hommes d’affaires et de sociétés en est venue à posséder la grande majorité de l’Angleterre.

Une loi spécifique au Dartmoor depuis 1985 garantit le droit à toute «récréation de plein air». Il s’agit donc d’un cas unique en Angleterre, le bivouac s’y pratiquait donc sans crainte jusqu’à ce que les tribunaux le considèrent comme un « divertissement ».

Pourtant, « c’est amusant, c’est une aventure, c’est de l’exploration », confie Alison Thomas, une retraitée de 72 ans venue se joindre à la manifestation samedi.

Alors qu’elle ne campe plus – « les sacs sont trop lourds pour notre âge » – elle veut que les plus jeunes fassent l’expérience de « la simple joie d’observer les étoiles ».

« Nous avons tous besoin de la nature, et la nature a besoin de nous », répète souvent Guy Schrabsol en guidant les touristes sur la route étroite qui mène au marais.

« Nous sommes en pleine sixième extinction de masse, nous avons sérieusement besoin de renouer avec la nature, de mieux la connaître et de la comprendre pour que chacun en soit les gardiens, et pas seulement les propriétaires », renchérit ce membre fondateur de Right to the Tramp. “.

Ce collectif, initié par la rencontre, prône un plus grand accès à la nature anglaise, comme c’est le cas en Ecosse ou ailleurs en Europe.

– Aucune autorisation » –

Arrivés aux « landes » après une longue heure de marche au son des tambours et des cymbales, des touristes militants de tous âges appellent à l’aide « Old Crockern », le « bon esprit » de Dartmoor, qui, selon la légende locale, a déjà poussé le propriétaire avide. des affaires.

« Dartmoor est un endroit magique, entouré de nombreux mythes et légendes », explique Harriet White, une résidente locale, que l’on reconnaît aux plumes d’oiseau nichées dans ses cheveux.

Des milliers de touristes défilent à Cornwood en Angleterre contre l'interdiction de bivouac le 21 janvier 2023 (AFP - Adrian DENNIS)Des milliers de touristes défilent à Cornwood en Angleterre contre l’interdiction de bivouac le 21 janvier 2023 (AFP – Adrian DENNIS)

Devant la justice britannique, Alexander Darwall a justifié une volonté d’interdire le bivouac à cause des déchets laissés par certains campeurs, mais Harriet White a écarté l’argument.

« Tout le monde devrait être tenu responsable, y compris les propriétaires », a-t-elle dit, soulignant que « le surpâturage d’un marais ou l’élevage de faisans (M. Darvall organise la chasse) est bien plus dangereux qu’un bivouac ».

Comme de nombreux touristes, elle s’oppose à un accord conclu entre le parc national et certains propriétaires terriens qui sont prêts à autoriser le camping en échange d’une compensation financière versée par le parc national.

« Nous méritons un accès, pas une permission. »