Les militants des droits de l’homme ont dénoncé la décision d’Emmanuel Macron d’accueillir Mohammed bin Salman pour des entretiens à Paris lors de la première visite du prince héritier saoudien en Europe depuis le meurtre il y a près de quatre ans du journaliste Jamal Khashoggi.

Le prince Mohammed, dirigeant de facto du deuxième producteur mondial de pétrole, est arrivé mercredi soir à l’aéroport d’Orly après une escale tapis rouge en Grèce et a été accueilli par le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, ont rapporté les médias français.

Il sera accueilli jeudi à l’Élysée pour un dîner de travail au cours duquel le président français devrait lui demander d’augmenter la production pétrolière saoudienne alors que l’Occident s’inquiète de plus en plus des pénuries énergétiques hivernales suite à l’invasion russe de l’Ukraine.

Cette visite marque une nouvelle étape dans la réhabilitation du prince Mohammed après l’assassinat de Khashoggi au consulat saoudien d’Istanbul en 2018 dans ce qu’une enquête de l’ONU a décrit comme un « assassinat extrajudiciaire dont l’Arabie saoudite est responsable ».

L’enquête a conclu qu’il y avait des « preuves crédibles » pour justifier une enquête plus approfondie sur des responsables saoudiens de haut niveau, dont le prince Mohammed, qui, selon les agences de renseignement américaines, ont approuvé l’opération. Riyad a blâmé les agents voyous.

Le président américain, Joe Biden, s’est rendu en Arabie saoudite au début du mois, saluant le prince héritier avec un coup de poing, tandis que Macron s’est rendu dans le royaume pour des entretiens avec lui en décembre dernier et que le britannique Boris Johnson a emboîté le pas en mars.

Joe Biden frappe du poing Mohammed bin Salman lors de sa visite en Arabie saoudite – vidéo

Les groupes de défense des droits de l’homme ont été très critiques. La visite du prince Mohammed en France et le voyage de Biden en Arabie saoudite « ne changent rien au fait que [Prince Mohammed] est autre chose qu’un tueur », a déclaré Agnès Callamard, la secrétaire générale d’Amnesty International, décrivant le prince héritier de 36 ans comme un homme qui « ne tolère pas la dissidence ».

Callamard, qui au moment du meurtre était le rapporteur spécial de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires et qui a mené son enquête indépendante, a déclaré à l’Agence France-Presse qu’elle était « profondément troublée par cette visite, à cause de ce que cela signifie pour notre monde et ce que cela signifie pour Jamal [Khashoggi] et des gens comme lui ».

L’accueil du prince héritier par les dirigeants mondiaux a été « d’autant plus choquant que nombre d’entre eux ont exprimé à l’époque du dégoût et un engagement à ne pas le faire revenir dans la communauté internationale », a-t-elle ajouté, dénonçant « un double standard » et « des valeurs… en train d’être effacées ». face aux inquiétudes suscitées par la hausse du prix du pétrole ».

Le responsable de Human Rights Watch en France, Bénédicte Jeannerod, tweeted que Bin Salman pouvait « apparemment compter sur Emmanuel Macron pour le réhabiliter sur la scène internationale malgré l’assassinat atroce de Jamal Khashoggi, la répression impitoyable de toute critique par les autorités saoudiennes, et les crimes de guerre au Yémen ».

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Julien Bayou, chef du parti d’opposition des Verts (EELV), s’est dit « choqué » que la France « abandonne complètement l’idée de défendre les droits de l’homme dans le monde… Emmanuel Macron a été contraint de dérouler le tapis rouge parce que nous avons besoin de pétrole ». La dépendance aux combustibles fossiles signifie que nous vendons nos principes à bas prix.

Deux ONG, l’organisation américaine Democracy for the Arab World Now (Dawn), que Khashoggi a fondée en 2018, et le groupe de campagne suisse Trial International, ont déposé jeudi une plainte officielle conjointe à Paris contre le prince Mohammed pour « complicité de torture » et « disparition forcée ».

L’initiative, soutenue par l’Open Society Justice Initiative, a été déposée au titre de la compétence universelle, qui permet à un État de juger des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et des actes de torture commis hors de son territoire. Les ONG ont fait valoir qu’en tant que prince héritier, le prince Mohammed ne bénéficie pas de l’immunité diplomatique.

« En tant que partie aux conventions contre la torture et les disparitions forcées, la France est obligée d’enquêter sur un suspect comme Bin Salman s’il se trouve sur le territoire français », a déclaré la directrice exécutive de Dawn, Sarah Leah Whitson, selon Le Monde.

Abdullah Alaoudh, directeur de la région du Golfe de Dawn, a déclaré à la radio FranceInfo que la visite du prince Mohammed en France était «honteuse. Nous pensons qu’il essaie de blanchir ses crimes… C’est un dictateur instable et marcher main dans la main avec lui est déshonorant.

Des experts juridiques ont déclaré qu’il était peu probable que le prince Mohammed soit convoqué pendant son séjour, car il faudrait normalement des semaines avant qu’un juge d’instruction ne soit nommé. Le prince héritier pourrait toutefois être dissuadé de rentrer en France par la plainte, a déclaré au journal un avocat des ONG.