D’ici 2027, le Massif central français verra le jour l’une des plus grandes mines de lithium d’Europe, une poudre blanche qui empoisonne la production de batteries électriques et permet aux voitures de renoncer au pétrole émetteur de CO2.

Le projet Emily, annoncé lundi matin par le groupe français de minéraux industriels Imerys, aidera l’Europe à se défaire de sa dépendance quasi totale vis-à-vis de la Chine pour le lithium nécessaire aux batteries des véhicules électriques, qui devraient être les seuls véhicules neufs pouvant être vendus dans l’Union européenne avec 2035.

Il aura fallu 18 mois d’enquêtes et d’études réalisées par des experts miniers dans le sous-sol de la carrière de kaolin, réalisées depuis 2005 par un groupe à Beauvoir dans l’Allier (centre), pour confirmer l’intérêt économique de la mine.

Bruno Le Maire in Paris, October 11, 2022 (AFP/Archive – Emmanuel DUNANT)

Avec l’exploitation de ce gisement, « nous allons contribuer à décarboner l’Europe », a déclaré lundi à la presse Alessandro Dazza, PDG d’Imerys, qui devait accueillir sur place des élus locaux.

« Ce projet, exemplaire en termes d’environnement et de climat, va réduire drastiquement notre besoin d’importations de lithium », a salué le ministre français de l’Economie Bruno Le Maire dans un communiqué du groupe. Il ajoute que le gouvernement français le soutiendra.

– « Des millions de tonnes » –

Sur les dix projets européens de lithium, le projet Imerys est le deuxième plus important après l’abandon du projet Rio Tinto en Serbie en janvier et derrière le projet de start-up Vulcan en Allemagne, basé sur l’extraction de la saumure de la vallée du Rhin. .

La « concentration et la quantité » de lithium étaient jugées « très attractives » à Beauvoir, qui possédait une carrière depuis 1850 produisant 30 000 tonnes de kaolin par an pour la production de porcelaine ou de tuiles.

Lors d'une manifestation à Belgrade le 4 décembre 2021 contre le projet de lithium de Rio Tinto (AFP/Archive - OLIVER BUNIK)Lors d’une manifestation à Belgrade le 4 décembre 2021 contre le projet lithium de Rio Tinto (AFP/Archive – OLIVER BUNIK)

Depuis les années 1960, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a clairement identifié la présence de lithium dans ces sous-sols. Mais Imerys, jusqu’à récemment, ignorait le contenu et donc si le site pouvait être rentable.

« Nous estimons le gisement à environ un million de tonnes d’oxyde de lithium », a déclaré Dazza. Soit « bien plus que le BRGM ne le supposait à l’origine » (320 000 tonnes).

De quoi produire « 34 000 tonnes d’hydroxyde de lithium par an à partir de 2028 pendant au moins 25 ans » et « équiper l’équivalent de 700 000 véhicules électriques en batteries lithium-ion » par an, précise Imeris.

C’est loin d’être négligeable : selon Imerys, la production mondiale actuelle de carbonate ou d’hydroxyde de lithium, deux éléments utilisés dans les batteries, ne dépasse pas 450 000 tonnes dans le monde.

Et d’ici 2040, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit qu’il sera multiplié par 40.

A Beauvoir, « il y en a peut-être plus qu’on ne le pensait, on va continuer à étudier pour voir si on peut fonctionner 30 ou 35 ans », a ajouté M. Dazza.

La concentration est d’environ 0,9 à 1%, c’est-à-dire que pour extraire une tonne de lithium, il faut extraire environ 100 tonnes de roche.

Sacs de carbonate de lithium sur un site minier en Bolivie, le 10 juillet 2019 (AFP/Archive - Pablo COZAGLIO, Pablo COZAGLIO)Sacs de carbonate de lithium sur un site minier en Bolivie, 10 juillet 2019 (AFP/Archive – Pablo COZAGLIO, Pablo COZAGLIO)

Le groupe estime ses coûts de production « entre 7 et 9 euros le kilogramme, hors investissement initial, ce qui garantit un « retour sur investissement intéressant ».

Et cela promet à terme 1 000 emplois directs et indirects en Auvergne-Rhône-Alpes sur deux sites : une mine souterraine pour l’extraction de mica contenant du lithium, à une profondeur de 75 à 350 mètres ; et une raffinerie de minerai et une usine de traitement d’hydroxyde de lithium, à moins de 100 km de la mine.

– Impact environnemental –

Il reste de probables critiques environnementales à l’égard de ce nouveau projet minier au cœur de la France.

Imerys a annoncé que la mine adoptera la norme internationale IRMA, en cours d’élaboration, pour réduire les émissions toxiques et minimiser la consommation d’eau.

L’exploitation minière se fera sous terre, minimisant la poussière, et les roches seront transportées par pipeline et rail pour éviter la circulation des camions entre la mine et le site industriel. En termes d’émissions de l’opération, le groupe estime à 8 kg de CO2 par tonne de lithium, contre 16 à 20 kg en Australie et en Chine, a-t-il précisé.