RLe roman cinématographique hypnotiquement intense et lucide d’Obert Bresson de 1959 est maintenant relancé dans le cadre d’une rétrospective d’un réalisateur au BFI Southbank de Londres, et tout ce que je pensais avoir vu dans ce film magistral pour sa dernière réédition au Royaume-Uni a disparu. Le rythme andante de Pickpocket fait partie de son brio, de son sérieux et de son statut de cinéma d’idées : un film avec quelque chose de Dostoïevski ou de Camus, voire de Victor Hugo.

L’acteur non professionnel de l’époque, Martin LaSalle, a été choisi par Bresson pour incarner Michel, un jeune homme sombre qui passe ses journées à écrire son journal dans un studio miteux : un précurseur de la cellule de prison à laquelle il est destiné. (Michel est clairement un ancêtre des mécontents insomniaques de Paul Schrader, mais avec sa propre austérité monacale.) Michel est en proie à une culpabilité sans nom à propos de sa mère âgée et malade à qui il ne peut se résoudre à rendre visite, malgré les pressions de sa jeune voisine, Jeanne ( Marika Green). Son pote Jacques (Pierre Leymarie) essaie de lui offrir des emplois bien rémunérés, mais Michel est devenu obsédé par le frisson occulte du vol à la tire : il rumine une biographie de l’aventurier irlandais du XVIIIe siècle, George Barrington, et rencontre un gang de voleurs à la tire qui l’enseigne à l’art collant de déboucler des montres et de pincer des portefeuilles. Ils lui apprennent également comment passer le butin d’homme à homme afin que personne, s’il est repéré, ne soit retrouvé avec les marchandises sur lui – même en laissant tomber temporairement l’objet dans la poche d’un autre passant si la chaleur est allumée, puis en le récupérant subrepticement. ce.

Mais Michel ne peut s’empêcher de se lier d’amitié avec un flic (Jean Pélégri) et de le régaler de sa théorie du voleur en surhomme ou héros existentialiste, le criminel qui ne mérite pas une punition normale. Bresson a engagé un véritable pickpocket, Henri Kassagi, pour apprendre les tours à ses acteurs et jouer l’un des voleurs : après le film, Kassagi est devenu un prestidigitateur, car il était maintenant trop connu pour reprendre son ancien métier. En regardant à nouveau Pickpocket, j’ai vu à quel point Michel ressemble à bien des égards à un prêtre de noviciat : troublé, sévère, hanté par des questions de péché et de culpabilité, alors qu’un prêtre accède à l’âme des gens, le voleur veut un accès intime à leur argent. Et bien sûr, Michel ressemble beaucoup à un joueur accro – encore Dostoïevski – et il joue sa liberté et peut-être son âme immortelle.

Qui pourrait retourner travailler pour gagner sa vie après le frisson existentiel féroce de voler quelqu’un ? Après l’extase intime, la caresse presque sensuelle des doigts dans la poche de l’inconnu au bar, au métro, à l’hippodrome ? Est-ce pour cela que Michel le fait ? Ou voler des étrangers est-il son idée de rédemption après la honte indescriptible de voler sa propre mère ? Ou est-il dans le déni de quelque chose que le flic peut voir : sa banalité, son insuffisance, le tout masqué par cette absurdité tragi-comique d’être un « surhomme » criminel ? La furtivité ballétique de Pickpocket est toujours convaincante.

Pickpocket sort le 3 juin au cinéma.