Cet article est extrait de la revue mensuelle Sciences et Avenir – La Recherche n°903 de mai 2022.

Une bagarre éclate près de Versailles (Yvelines). A l’entresol du département d’Ecologie sensorielle du campus de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) à Grignon, des chercheurs développent des solutions pour lutter contre les insectes ravageurs les plus dangereux en agriculture. Leur modèle est la teigne du cotonnier (Spodoptera littoralis), un papillon qui se nourrit de tomates, de pommes de terre ou de maïs, entre l’Afrique et l’Europe. Présent en Espagne, en Italie et en Grèce, il n’est pas encore arrivé en France. Mais c’est elle qui fait grandir le laboratoire de l’Institut d’écologie et des sciences de l’environnement à Paris. Cibler? Comprenez comment son odorat fonctionne pour le tromper. Une piste qui protégerait les cultures sans détruire toute vie autour. Car jusqu’à présent, des armes chimiques lourdes ont été utilisées dans l’agriculture, responsables de l’extinction d’un quart des populations d’insectes au cours des trente dernières années.

À première vue, le « nez » des insectes est très différent du nez des mammifères. Le directeur de l’Ecologie sensorielle Emmanuel Jaquin-Joly montre les antennes fines de Spodoptera littoralis : « Ses antennes sont couvertes de petites soies, les sensilles, qui mesurent 50 à 100 micromètres (µm) de long et 1 à 5 µm de diamètre, dix fois plus petites qu’un cheveux humains. De nombreux pores à leur surface d’un diamètre de 0,1 à 0,2 microns sont la porte d’entrée des molécules odorantes. , ou externes, comme les antennes, la traduction de l’odorat en comportement (attraction, répulsion) suit une voie commune à toutes les espèces terrestres. Chaque récepteur olfactif est en fait relié à un neurone qui va transmettre un message électrique au cerveau. « Chez les insectes, le récepteur est couplé au co-récepteur, et ensemble ils vont produire un signal électrique », poursuit le chercheur. En revanche, chez les mammifères, le récepteur est couplé à une protéine qui active une cascade de réactions aboutissant à un signal électrique, prouvant que les deux systèmes ont des origines évolutives radicalement différentes. Et à cause de cette différence, la perturbation de l’odorat d’un papillon de nuit ou d’un coléoptère n’affectera pas les autres familles du monde vivant.