« Un mode de vie adapté à la physiologie humaine permet de ne plus avoir peur des maladies, des virus ou des bactéries. » Exprimé par Florian Gomet, sujet du documentaire L’empreinte. Cet ancien prof de maths devenu naturopathe renonce à ses principes « hygiéniques » et à son alimentation « végétale et crue ». Il serait autorisé à courir « 3 500 kilomètres en quatre mois » à travers l’Europe « sans passeport, sans argent et sans chaussures ». Sorti cet été, le film a reçu un écho certain fin août, car c’est lors d’une projection parisienne programmée (finalement annulée) que la polémique autour de la naturopathe Irène Grosjean a éclaté. Cette thérapeute qui prétend soigner les fièvres des jeunes enfants en « frottant leurs organes génitaux » était censée être une guest star…

Florian Gomet a évité la polémique. Cela symbolise pourtant une tendance accentuée par la crise sanitaire, à la frontière de la recherche du bien-être, des thérapies alternatives et des complots. Avec sa compagne, il organise les cours « Reconnexion avec la vie » et « Jeûne pour le changement ». Pour 700 euros les cinq jours, le couple propose bains froids, yoga, méditation, soins énergétiques, nettoyage, marche pieds nus et cours de crusin. Partisans de la « santé au naturel », ils mettent en place un projet d’envergure : « Participer à la reconstruction du Jardin d’Eden ». Vous pourriez sourire si L’empreinte était réalisé par nul autre que Pierre Barnerias, l’auteur du film de conspiration kovido The Heist. Le coureur pieds nus a également reçu le soutien de France-Soir, le foyer de toutes les fake news Covid, et de Thierry Casasnovas. Ce chantre du crudité, suivi par 500 000 personnes sur YouTube, fait l’objet de nombreuses dénonciations à la Mission Vigilance et Anti-Sectaire (Miviludes).

« Mieux vaut se protéger en achetant une machine à laver que d’aller chez un kinésiologue »

Le monde de la « médecine alternative » et du « bien-être » a longtemps été associé à la bienveillance, au lien avec la nature et à une sorte de « zen attitude ». Et maintenant, nous découvrons des liens vers des royaumes bien plus inquiétants. « Nous sommes confrontés à une augmentation importante des messages liés d’abord au déploiement d’Internet et des réseaux sociaux puis à la crise sanitaire. On assiste progressivement à une hybridation du complotisme et des dérives sectaires, notamment en matière de santé », confirme Christian Gravel, président de la Miviludes. Son équipe surveille par exemple de près le site Réinfocovid, dont les tenants, anti-vaccins et masques, montrent « une affinité croissante pour les individus ou groupes à tendances sectaires » et complotistes. Aux États-Unis, cette convergence du monde du bien-être au sens large (yoga, soins « naturels », etc.) et des théories du complot porte déjà un nom : « conspiration » pour les théories du complot et la spiritualité.

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Bien sûr, les millions de Français qui valorisent la naturopathie, la méditation ou le yoga ne sont pas, pour la plupart, des adeptes de théories farfelues ou dangereuses. Mais ces dérives n’étonnent pourtant pas les spécialistes : « Avec ces thérapies alternatives, à commencer par la naturopathie, on bascule rapidement vers un discours selon lequel la médecine « traditionnelle » ne guérit pas, mais ne sert qu’à enrichir la Big Pharma », explique Rudy Reichstadt. , directeur de Conspiracy Watch. L’explosion de la demande a ouvert grand la porte aux praticiens malveillants ou incapables de reconnaître leurs limites face aux personnes souffrantes. Les médias sociaux servent de plate-forme aux pseudo-thérapeutes qui promeuvent de fausses informations médicales et remettent en question le discours scientifique. Dans cette ambiance pernicieuse, les risques de contrôle, de fraude ou de retard de diagnostic sont réels. L’année dernière, deux décès ont même été signalés à cause de la famine. Car le vaste secteur des « soins alternatifs » reste mal régulé. « Les gens sont mieux protégés lorsqu’ils achètent une machine à laver que lorsqu’ils vont voir un kinésiologue », a déclaré Pascal Duval, porte-parole de l’Union nationale des associations de protection des familles et des personnes victimes de sectes.

« Les réseaux sociaux de la police ne nous sont pas accessibles »

Certes, la Miviludes surveille et porte les dossiers devant les tribunaux. Mais ses ressources sont limitées et les preuves sont difficiles à rassembler. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a mené l’an dernier une deuxième campagne d’audit dans le domaine des thérapies alternatives, faisant suite à la campagne lancée en 2018. , déclarations trompeuses, etc.) est restée très élevée, à 66 %. . Et surtout, seuls 381 médecins de tout acabit ont été ciblés alors que le moindre annuaire en ligne répertorie quelque 600 naturopathes rien qu’à Paris. De même, l’Ordre des médecins, qui a pour mandat de lutter contre les pratiques médicales illégales, manque de fonds : « Nous agissons en cas de signalement, mais le contrôle des réseaux sociaux est hors de notre portée », claque le Dr Jean-Marcel Morgue. , vice-président. Ordre.

Dans les années 1990, les massacres de l’Ordre du Temple solaire, dont le chef Luc Jouret était homéopathe, ont servi d’électrochoc. Des lois ont été votées contre les dérives sectaires, des Miviludes ont été créées, le ministère de la Santé a mis en place un « groupe d’appui technique » (GAT) pour évaluer les thérapies non traditionnelles. Puis ces sujets sont passés au second plan au nom, notamment, de la liberté des soins. « Mais les charlatans représentent un danger pour la santé publique. Malheureusement, les autorités ont laissé faire », fulmine Georges Fenech, ancien président de la Miviludes (1). Et déplorent l’euthanasie des GAT, possédant des diplômes universitaires en médecine anthroposophique, en homéopathie ou en sophrologie, voire proposant des thérapies alternatives dans certains hôpitaux. Sans oublier ces formations sur la naturopathie ou les soins énergétiques sur le site de Pôle Employe…

Technique Psycho-Energétique-Bio-Somato-Emotion Relationnelle-Micronutriments

Signe des temps : Il a fallu une enquête du Collectif No FakeMeds pour que la DGCCRF s’intéresse à Médoucine, un site qui recommande des praticiens de « médecines alternatives ». Cette société fait depuis l’objet d’une injonction pour pratiques commerciales trompeuses. De même, c’est après la mobilisation des médecins sur Twitter que les autorités gouvernementales ont été émues par les références à Doctolib par des médecins « alternatifs ». « Nous les avons exhortés à établir une séparation claire avec les professionnels de santé pour éviter les confusions », confirme Christian Gravel. Les responsables de la plateforme ont rencontré une quarantaine d’acteurs depuis un mois et demi et devraient l’annoncer avant la fin du mois. Pendant ce temps, sur cette plateforme, à la mi-octobre, il y avait des centres de « thérapie douce » proposant des barres de reiki, de kinésiologie et d’accès à la conscience (multiples objets d’alerte de la Miviludes) ou le mystérieux « psycho-énergétique-bio-somato-émotionnel relationnel-micronutriments ». « (sic)…

Cependant, mettre de l’ordre dans cet immense secteur demandera plus qu’un simple nettoyage du dossier Doctolib. Bien sûr, la nouvelle secrétaire d’État à la Citoyenneté Sonia Backes, dont la mère était scientologue, entend soutenir ces sujets de toutes les manières possibles. Mais c’est justement vers le ministère de la Santé que les regards se tournent aujourd’hui. « Nous avons besoin d’un organisme gouvernemental sous ses auspices qui évalue ces pratiques et avertit de leurs risques », insiste l’expert. Interrogée à ce sujet récemment, la ministre déléguée à l’Aménagement du territoire et aux Professions médicales, Agnès Firmin Le Baudot, a évoqué le travail déjà réalisé par « plusieurs personnes comme Serge Guérin, Véronique Suissa et Philippe Denormandy ». Le trio s’est fait connaître grâce à la création de la controversée Association for Complementary and Alternative Medicine, qui prétend réglementer le secteur. Ainsi, la déclaration du Délégué Ministériel a déjà suscité un certain émoi : « Cette question ne peut être laissée à la discrétion du secteur privé, avec tous les risques de conflits d’intérêts que cela comporte », s’exclame le Pr Bruno Falissard, Président de la Commission des soins complémentaires de l’Académie de médecine.

Enfin, les acteurs de l’Internet peuvent également jouer un rôle. « Les plateformes peuvent réglementer les sites problématiques et s’assurer que leurs algorithmes ne font pas la promotion de groupes dangereux », note Gerald Bronner. Mais ces actions ont leurs limites, comme a pu le constater ce sociologue dans une étude récente : « Ces nouveaux gourous peaufinent leur discours sur les plateformes les plus contrôlées et investissent dans des réseaux plus libéraux. L’éternel jeu du chat et de la souris – mais ensuite le chat s’est assoupi et la souris a fait quelques pas devant.

(1) Méfiez-vous des gourous. Santé, bien-être, Georges Fenech. Éditions du Rocher, 270 pp., 18 euros.

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