Biodynamie, médecines douces… Charles III, roi anti-science et ami des charlatans › Geeky News - 1

Sensible à l’environnement depuis longtemps, le nouveau roi Charles III est un botaniste et horticulteur fou. En 1986, il a converti sa ferme de Highgrove en agriculture biologique. Mais on sait moins que le nouveau roi est aussi un ardent apôtre de la biodynamie, un ensemble de pratiques agricoles inventées par l’occultiste Rudolf Steiner (1861-1925). Fondateur de l’anthroposophie, ce polygraphe multiplia les écrits ésotériques, mêlant réincarnation, karma et entités démoniaques, et donna à ses enseignements des déclinaisons pratiques, dans l’éducation (écoles Steiner-Waldorf), la santé (médecine anthroposophique) ou, donc, l’agriculture (biodynamie).

En 2016, s’exprimant par liaison vidéo avec l’Association biodynamique d’Italie, le prince de Galles a critiqué la « science fondée sur des preuves » et vanté les « conseils avant-gardistes » de Rudolf Steiner. En 2017, il a même prononcé le discours d’ouverture du congrès international sur la biodynamie organisé par la section agricole de l’Ecole libre de science de l’esprit. « Soyez le saint des saints de l’anthroposophie », décrypte Grégoire Perrat, l’anthroposophe « repenti » devenu le principal critique du mouvement en France. « Ce n’est pas un symposium public, c’est une cérémonie qui commence par la récitation des mantras de Steiner. » Une fois de plus, l’héritier du trône le loue et critique la « pensée scientifique réductionniste ». Un terme qui ne doit rien au hasard. « Steiner a critiqué la science moderne, expliquant qu’elle a un point de vue trop étroit, souligne Grégoire Perrat.

De quoi séduire Charles, qui s’est dit un jour « fier d’être considéré comme un ennemi des Lumières ». Dans son livre Harmony : A New Vision for the World (2010), il déplore que la « dimension spirituelle de notre existence » soit « dangereusement négligée à notre époque ». Il y décrit l’agriculture biodynamique comme « une méthode de production alimentaire qui se rapproche encore plus des processus naturels de l’agriculture et de tous les cycles de vie de la nature ». En fait, cette pratique est basée sur les mystérieuses forces « cosmiques ». Pour « dynamiser » le sol, elle préconise de conserver plusieurs mois la bouse de vache dans des cornes enterrées avant de diluer le tout à doses homéopathiques (3 à 4 CH) pour pulvérisation. D’autres préparations utilisent des vessies de cerf, des intestins de bovins ou des crânes d’animaux domestiques. La biodynamie respecte également les rythmes lunaires et astrologiques, alors que l’influence des astres sur la croissance des plantes, une croyance ancienne, n’a jamais été démontrée…

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« Steiner voulait être clairvoyant, soi-disant lire le futur aussi bien que le passé. Mais aucun de ses concepts n’a reçu de confirmation scientifique », critique le journaliste indépendant allemand Oliver Rautenberg, spécialiste de l’anthroposophie. « En 1924, Steiner mentionnait la fertilisation du sol. Aujourd’hui Déméter prétend régénérer le sol à l’aide de remèdes magiques comme les cornes de vache et les doses homéopathiques. Bien sûr, cultiver sans pesticides est vertueux. C’est de l’agriculture biologique. Mais les protocoles ésotériques de Déméter, destinés à capter les forces cosmiques, n’apportent rien. C’est juste de la pseudoscience », dit-il.

« Attitude envers l’espace »

L’intérêt surprenant du fils d’Elizabeth II pour la « sagesse des ancêtres » et la « mère nature », notions auxquelles il fait souvent référence, ne se limite pas à la biodynamie. Bien au contraire : l’ancien prince de Galles a une véritable passion pour les médecines alternatives, au point d’en devenir l’un des premiers lobbyistes. « Il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour favoriser leur développement. Malheureusement, cela a contribué à donner de la respectabilité à un domaine qui ne la méritait pas », déplore Edzard Ernst, professeur émérite à l’université d’Exeter et auteur d’un livre récemment publié sur cette face inconnue du nouveau Souverain (Karl, prince suppléant, non autorisé biographie, non traduite).

En 1982, le prince de Galles, alors âgé de 34 ans, est élu à la présidence d’honneur de la British Medical Association. Dans son discours d’ouverture, un jeune homme, diplômé d’histoire et dénué de toute compétence médicale, lance une attaque frontale contre la « médecine moderne ». Devant un parterre de soignants, il fait l’éloge des guérisseurs qui « s’intéressent non seulement au corps, mais aussi à l’esprit, à l’environnement et à la relation du patient au cosmos ». Le ton est donné. Après cela, il participera avec succès à la bataille pour la reconnaissance de l’ostéopathie et de la chiropratique, deux médecines alternatives basées sur la manipulation manuelle. Il met également en place un fonds de promotion de la « santé intégrative », qui vise à introduire des thérapies alternatives dans le NHS, le système de santé national britannique. En partie sous son influence, le gouvernement va financer un rapport sur l’intérêt économique des médecines alternatives et une étude clinique de leurs bienfaits. Cependant, leurs méthodes fortement critiquées ne permettront pas de tirer des conclusions, et le Fonds lui-même finira par fermer sur fond de malversations financières.

Plus surprenant pour un membre de la famille royale, le prince de Galles a aussi tenté de commercialiser des compléments avec un « produit détox » à base d’artichaut et de pissenlit. Sous le feu des critiques médicaux, il a été rapidement retiré du marché. L’image de Charles sera quelque peu ternie à cause de cela. Mais malgré ces déboires, l’héritier ne lâche rien. Notes aux ministres de la santé successifs, lettres à la presse et même… un discours devant l’Assemblée générale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à Genève : il consacre l’essentiel de son temps à la défense des médecines complémentaires qui, selon lui, doit être considérée comme une véritable mission.

L’homéopathie, la tradition Windsor

Il faut dire que depuis l’enfance, le petit Charles a baigné dans un climat propice aux pseudosciences. C’est presque une tradition familiale, puisque depuis son invention il y a deux siècles par un médecin allemand, l’homéopathie a toujours eu une grande place à Buckingham Palace. Elizabeth II s’était depuis longtemps vu attribuer son propre homéopathe, et la reine mère, la grand-mère de Charles, soignait le petit garçon avec de petites boules blanches. Mais le prince reste le seul de la famille à se passionner autant pour toutes les autres pratiques : l’aromathérapie, l’iridologie (diagnostiquer les maladies par l’analyse de l’iris des yeux), ou encore l’inquiétante « Gerson thérapie » (règles alimentaires suggérées). pour le traitement du cancer, qui représentent en fait un risque pour les patients). « Parmi les médecines alternatives, certaines peuvent parfois présenter un intérêt, mais Charles a toujours été fasciné par les pires des théories existantes », note Edzard Ernst.

Une passion qui, selon le professeur et auteur, lui est probablement venue du fait de sa rencontre dans sa jeunesse avec l’écrivain Laurens van der Post. « C’était un conspirateur notoire, mais charismatique et imprégné de mysticisme. Il n’a pas initié Charles à la médecine alternative en particulier, mais l’a éloigné de la science pour le conduire à la pseudoscience et finalement à l’anti-science », explique Edzard Ernst.

Sur Twitter, Oliver Rautenberg a qualifié Charles III de « négationniste de la science ». « Si, comme Charles, vous faites du lobbying pour l’homéopathie et la biodynamie, vous niez la science, c’est bien clair », explique le journaliste. Après son fil, il a reçu beaucoup de messages haineux sur les réseaux sociaux. « Parce que Charles a fait du bien à l’environnement, il ne faut pas lui reprocher l’homéopathie. Mais l’un n’a rien à voir avec l’autre !

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Cependant, avec l’accession au trône, le nouveau roi devra désormais s’abstenir de toute position favorable aux médecines alternatives. « C’est peut-être une bonne nouvelle, mais je crains qu’il ne continue prudemment à tirer les ficelles pour faire avancer sa cause. Et avec sa position, il peut avoir de l’influence », prédit Edzard Ernst. Aujourd’hui à la retraite, ce chercheur sait de quoi il parle. Après avoir pris plusieurs fois des positions publiques contraires à celles de Charles, il a dû subir une enquête dans son université, et sa chaire, la seule au monde consacrée à l’étude scientifique des pratiques alternatives, a été fermée. Au royaume de Karl, ce n’est pas bien de défendre la rationalité…

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