Pour la première fois depuis sa création il y a plus de 30 ans, l’indice de développement humain, qui prend en compte l’espérance de vie, l’éducation et le niveau de vie, a baissé pendant deux années consécutives, en 2020 et 2021, s’inquiète un rapport des Nations unies. Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). « Cela veut dire que nous mourons plus tôt, que nous sommes moins éduqués et que nos revenus baissent », énumère son patron Achim Steiner dans un entretien à l’AFP. « Par ces trois paramètres, on peut se faire une idée de pourquoi les gens commencent à sombrer dans le désespoir, à s’énerver, à s’inquiéter pour l’avenir », insiste-t-il.

Diminution de l’indice de développement humain (AFP – Gal ROMA)

Alors que l’indice a augmenté régulièrement pendant des décennies, en 2021, il est revenu à ses niveaux de 2016, effaçant des années de développement. On parle notamment du Covid, ainsi que de la multiplication des catastrophes climatiques et des crises qui se superposent, ne laissant pas le temps à la population de reprendre son souffle. « Nous avons déjà connu des catastrophes, nous avons eu des conflits auparavant, mais la confluence de ce à quoi nous sommes confrontés aujourd’hui est un sérieux obstacle au développement de l’humanité », insiste le patron du PNUD.

Déclin quasi universel

Cette baisse est quasi universelle, touchant plus de 90% des pays du monde, même si les inégalités entre pays sont encore criantes. En tête de liste figurent toujours la Suisse, la Norvège et l’Islande. Et tout en bas, le Soudan du Sud devance le Tchad et le Niger. Et tandis que certains pays commencent à se remettre des effets de la pandémie, de nombreux autres en Amérique latine, en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud ou dans les Caraïbes ne se sont pas encore remis de la chute. Déjà une nouvelle crise : la guerre en Ukraine.

Indice de développement humain 2021 (AFP - Gal ROMA)Indice de développement humain 2021 (AFP – Gal ROMA)

Avec son impact important sur la sécurité alimentaire et énergétique non encore pris en compte dans l’indice, qui s’arrête à 2021, « les perspectives pour 2022 sont sans aucun doute sombres », note Achim Steiner. La baisse de l’indice de développement humain est en grande partie due à une baisse de l’espérance de vie de plus d’un an et demi entre 2019 et 2021 (71,4 ans en 2021 contre 73 ans en 2019), alors qu’en général elle augmente de plusieurs mois.

« Malgré une forte reprise économique en 2021, l’espérance de vie continue de baisser », a déclaré l’auteur du rapport Pedro Conceição lors d’une conférence de presse, qualifiant cette baisse de « choc sans précédent ». « Aux États-Unis, il y a eu une baisse de deux ans de l’espérance de vie, dans d’autres pays la baisse est encore plus importante. »

Le rapport décrit également le monde et la population « alarmés » par ces crises qui s’accumulent et « l’incertitude » qui en résulte. « Les gens ont perdu confiance », « nos voisins deviennent parfois la principale menace, que ce soit localement ou entre nations. Et ça nous paralyse », évalue Achim Steiner, craignant que toutes ces « déceptions » ne conduisent certains sur le chemin des extrêmes et de la violence.

« Nous ne pouvons plus continuer à jouer selon les règles du siècle dernier »

Dès lors, « nous ne pouvons plus continuer à jouer selon les règles du siècle dernier, centrées sur la croissance économique », plaide-t-il. « La transformation dont nous avons besoin nécessite de nouveaux paramètres : faibles émissions de carbone, moins d’inégalités, plus de durabilité… »

Le rapport propose spécifiquement de se concentrer sur trois domaines : l’investissement, en particulier dans les énergies renouvelables et la préparation aux futures pandémies, l’assurance (y compris la protection sociale) pour atténuer les chocs, et l’innovation pour renforcer les capacités à faire face aux crises futures.

Le PNUD appelle également à mettre un terme à la récente tendance à la baisse de l’aide au développement aux pays les plus vulnérables. Ce serait une « grave erreur » qui diminuerait « notre capacité à travailler ensemble », insiste Achim Steiner. Alors que « le changement climatique, la pauvreté, la cybercriminalité, les pandémies nous obligent à travailler ensemble en tant que communauté internationale ».