Après une tempête de neige, les rues de Montréal sont envahies par un étrange ballet d’énormes camions, chasse-neige et chasse-neige.

Dans quelques heures, des tonnes de neige disparaîtront pour permettre la circulation des voitures, des vélos et des piétons. Une logistique énorme avec des coûts environnementaux importants, notamment en raison des centaines de véhicules polluants qui sillonnent les rues et du sel utilisé.

Impossible de les rater lorsqu’ils entrent en action : une énorme souffleuse à neige avale la neige avec un bruit assourdissant avant de l’envoyer à l’un des énormes camions roulant à côté. Quelques minutes plus tard, la rue est dégagée.

« Le défi de la neige à Montréal est colossal. Quand on relie bout à bout des rues et des trottoirs, on obtient 10 000 km, soit l’équivalent de Montréal-Pékin », explique Philippe Sabourin, porte-parole de la Ville de Montréal.

Alors à chaque blizzard, la même « chorégraphie » se répète, poursuit-il : 3 000 employés et 2 200 voitures changent jour et nuit. Défi : Rendre les rues praticables, notamment pour la circulation automobile, sachant que Montréal reçoit près de deux mètres de neige par année.

La neige collectée dans les rues de Montréal est stockée dans un immense entrepôt au sud de la ville, le 27 janvier 2023. (AFP – Sébastien ST-JEAN)

Jusqu’à la fin des années 1990, la neige contaminée par les déchets et la pollution était déversée directement dans le fleuve Saint-Laurent avant d’être interdite.

Une partie s’écoule maintenant dans des gouttières reliées au réseau d’égouts.

Mais la majorité (75 %) se trouve dans d’immenses carrières ou des sédiments impénétrables qui donnent le tournis : dans le sud de l’île de Montréal, c’est un monticule de neige de dix étages qui s’élève vers le ciel et qui fait plusieurs terrains de football de large.

Au pied de cette immense colline, des centaines de semi-remorques, qui paraissent soudain minuscules, viennent décharger leur chargement de neige, souvent plus grise que blanche, tandis qu’une énorme souffleuse lance des flocons jusqu’à 40 mètres de haut.

Il faudra attendre la fonte pour que les déchets et gravats soient triés. Direction ensuite les « installations de traitement », où la neige est traitée avant de retourner à la rivière.

Mais un contaminant s’en échappe cependant : le sel.

– 150 000 tonnes de sel –

Vue du centre-ville de Montréal depuis une décharge à neige au sud de la ville, le 27 janvier 2023. (AFP - Sébastien ST-JEAN)Vue du centre-ville de Montréal depuis une décharge à neige au sud de la ville, le 27 janvier 2023. (AFP – Sébastien ST-JEAN)

«Cela a un impact sur les écosystèmes», explique Florent Barbeco, professeur d’hydrogéologie à l’Université du Québec à Montréal. « Depuis plusieurs années, on voit le niveau de sel monter un peu partout dans l’environnement. »

De plus, au printemps, le sel répandu sur les routes sèches s’évapore. Il « entrera alors dans l’atmosphère », ce qui « affectera les futures précipitations », ajoute l’expert.

Charles Drolet, employé de la Ville de Montréal, au volant de sa déneigeuse le 27 janvier 2023. (AFP - Sébastien ST-JEAN)Charles Drolet, employé de la ville de Montréal, au volant de sa déneigeuse le 27 janvier 2023. (AFP – Sébastien ST-JEAN)

À Montréal seulement, 150 000 tonnes de sel sont éparpillées sur les routes et les trottoirs en hiver. C’est « un matériau qui nous rend un grand service », reconnaît Philippe Saburin, pourtant conscient de la problématique environnementale émergente.

Mais, selon lui, malgré les recherches, un remplaçant efficace n’a pas été trouvé. « On a essayé les restes de café, ça sentait bon, mais ça n’a pas marché », rigole-t-il. On a aussi essayé du jus de betterave, mais c’était très sale sur les sols, les gens n’étaient pas contents.

Faire attention à la quantité de sel utilisée signifierait un changement dans « la façon dont nous vivons », dit Florent Barbeco, y compris moins d’utilisation de la voiture. « Mais c’est le choix de la société », a-t-il finalement déclaré.

Quelques heures après un blizzard, les responsables de la Ville de Montréal s'affairent à déneiger les rues et les routes, le 27 février 2023. (AFP - Sébastien ST-JEAN)Quelques heures après un blizzard, les responsables de la Ville de Montréal s’affairent à déblayer des tonnes de neige des rues et des routes, le 27 février 2023. (AFP – Sébastien ST-JEAN)

Mais dans la rue, les travailleurs et les résidents ne semblent pas encore prêts pour ces changements. Au volant de sa souffleuse à neige, Charles Drole, qui se dit fier « d’offrir ce service aux citoyens », note que les citoyens souhaitent surtout qu’ils conduisent plus souvent.

Malgré l’impact négatif sur l’environnement, pour Francine Lalonde, qui habite au centre-ville de Montréal, le déneigement est bel et bien « essentiel ». « C’est un mal nécessaire !