« Saviez-vous que plus le rouge à lèvres est cher, plus il clique fort lorsque vous le fermez ? Ceci est fait afin de convaincre le consommateur de la qualité du produit », explique Jean-Luc Puel, professeur de neurosciences, chercheur Inserm. administrateur et président de la National Hearing Day Association (JNA). Il en va de même pour les portes des voitures chères, qui peuvent être silencieuses mais qui ont une fermeture artificiellement bruyante. Le bruit a un impact important sur nos vies, même si nous ne nous en rendons pas compte. Et si elle peut être agréable, relaxante, vivifiante, elle a aussi un impact négatif sur la santé. « Il agit comme un stimulant qui peut inciter à la consommation. Par exemple, dans un bar, plus la musique est forte, plus la consommation d’alcool augmente. C’est pareil avec la musique omniprésente dans les magasins », poursuit le spécialiste. Mais comme tous les stimulants, il peut provoquer de la fatigue et du stress, notamment parce que parler dans le bruit demande une charge cognitive plus élevée et ses effets peuvent être encore plus néfastes.

Une étude du Massachusetts General Hospital de Boston, publiée en 2019 dans l’European Heart Journal, montre que les personnes exposées à la pollution sonore ont un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires telles que l’hypertension artérielle, les crises cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux. Un autre, publié en 2018 dans la revue Antioxidants & Redox Signaling, souligne que l’exposition chronique au bruit provoque un stress oxydatif, qui endommage nos cellules, modifie les niveaux de corticostéroïdes et affaiblit les défenses de l’organisme. Un article publié dans The Lancet en 2013 détaille les nombreux effets d’une exposition sonore excessive : des chercheurs montrent qu’en plus des maladies et des troubles du sommeil, cela réduit les performances des travailleurs, des écoliers et des étudiants. Déjà en 2006, une étude publiée dans Médecine-Sciences montrait qu’une exposition excessive au bruit entraîne une réduction du nombre et de la durée des cycles de sommeil et interfère avec la fonction réparatrice du sommeil. « Certains bruits de loisirs – musique sur écouteurs, boîtes de nuit – provoquent une perte auditive chronique, des acouphènes et une hyperacousie, un trouble auditif caractérisé par une hypersensibilité à certains sons », ajoute Nicholas Dauman, psychologue clinicien, citant une étude publiée en 2021 dans le magazine International. Journal de recherche environnementale et de santé publique.

Le bruit coûte 147 milliards d’euros par an à la France

Selon un rapport publié en 2021 par l’Agence de la transition écologique, le coût social du bruit pour la seule France est de 147,1 milliards d’euros par an, dont 127,2 milliards de dollars pour les soins de santé et 19,9 milliards de dollars pour les coûts non sanitaires. compris la perte de productivité. et la perte de valeur de la propriété. Le montant est principalement lié aux transports (66,5% de la facture), ainsi qu’au bruit des voisins (17,9%, dont 12% de bruit des particuliers). Plus de 20 millions de Français souffrent de nuisances sonores et près de 10 millions souffrent de maladies chroniques. Le bruit cause des maladies cardiovasculaires chez 115 000 Français pour 10,1 milliards d’euros, des problèmes de santé mentale chez 350 000 d’entre eux (6,7 milliards d’euros), du diabète chez 50 000 personnes (327 millions d’euros) et des troubles du sommeil chez plus de 3,3 millions de personnes. « On estime qu’une moto mal réglée traversant Paris la nuit pourrait réveiller 20 à 30.000 Parisiens », illustre Jean-Luc Puel.

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Malgré ces chiffres, le sujet reste peu connu. Même tabou, puisque huit Français sur dix ne parlent jamais des nuisances sonores à leur médecin, selon un sondage Ifop pour l’association JNA. « Parce que le bruit ne se voit pas, il a longtemps été négligé. Les nuisances sonores sont apparues récemment au niveau politique, puisque le premier rapport européen sur cette question remonte à 2011, note Nicolas Daumann. « Mais aujourd’hui on sait que cela a un effet cicatrisant tangible, et les plaintes sont de plus en plus prises en compte. » Signe que les mentalités évoluent, l’envie de silence revient même à la mode. « Les gens le recherchent activement dans des pratiques naturalistes telles que la méditation, les retraites ou la guérison, ce qui est révélateur d’une aversion croissante pour le bruit », ajoute le psychologue. Une enquête pour l’association JNA indique que 70 % des sondés se sentent agressés par le bruit à leur domicile ou en dehors de leur lieu de travail, et sept Français sur dix réclament un plan national pour le combattre. Deux roues qui pétaradent, des collègues bruyants en plein air, des bars où personne ne s’entend, des navetteurs qui téléphonent dans le train comme s’ils étaient dans leur salon, ou encore le « voisin du dessus en chaussures de brique » est devenu l’un des mèmes Internet récurrents – la liste des facteurs ennuyeux continue.

Même

Meme « mon voisin est en haut, un set complet ».

Reddit

« Nous prenons très peu en compte les nuisances sonores et sommes plus disposés à parler de tri des déchets, de pollution de l’air. Or, c’est un vrai problème environnemental, car le bruit a un impact important sur la santé », résume Caroline Demili, psychiatre au Centre hospitalier Le Vinatier (Lyon). Et les villes deviennent de plus en plus denses et bruyantes : les voitures, les métros, les gens qui écoutent de la musique dans les lieux publics, etc. etc. Le spécialiste s’appuie sur plusieurs études scientifiques qui établissent un lien entre l’écoute de musique à risque et la survenue de troubles mentaux, comme la dépression, l’anxiété, ou encore les pensées suicidaires causées, par exemple, par l’apparition d’acouphènes. « Ce type d’écoute aventureuse va pousser le cerveau à se réorganiser vers une plasticité cérébrale négative, provoquant une distraction de l’attention, une altération de la concentration, notamment chez les jeunes adultes, de plus en plus touchés par ce phénomène. » Il a également été démontré qu’il s’agit du même cerveau. zones – le cortex préfrontal et le cortex pariétal – qui sont touchées par les acouphènes ou la dépression », ajoute le psychiatre.

Des sociétés modernes bruyantes ?

Dans son viseur, les « sons compressés » sont omniprésents car ils sont utilisés par les plateformes de musique en ligne comme Deezer ou Spotify, la télévision, les ordinateurs, les téléphones portables. « Ils sont très plats, n’ont aucun relief et ne respectent pas le temps de pause, ce qui rend difficile de donner de la densité à la musique », poursuit Caroline DeMili. « Par conséquent, pour ressentir le même plaisir auditif que le son non compressé, vous devez augmenter le volume du son. » Et l’écoute se fait souvent dans les transports en commun, où elles servent à couvrir un environnement déjà très bruyant. « Vous avez probablement déjà écouté de la musique dans le métro puis l’avez réécoutée au même volume dans un environnement plus calme avant de vous rendre compte que le son était trop fort », suggère un psychiatre, qui recommande d’écouter des disques vinyles ou des concerts de musique classique. , jazz, etc. Mais, selon tous les experts, la meilleure défense contre ces attaques est des pauses régulières. « Le droit du travail interdit de travailler plus de 8 heures par jour dans un environnement dont le niveau sonore est supérieur à 80 décibels (dB), et pas plus de 4 heures à 83 dB, 2 heures à 86 dB, etc. », explique Jean- Luc Puel. Sinon, les cellules de votre oreille qui vous permettent de décoder les vibrations sont surchargées et meurent, pour ne jamais être remplacées. C’est le drame de la cellule intérieure. Encore une fois, la perte auditive est toujours observée malgré les normes actuelles, qui pourraient donc être renforcées à l’avenir. En même temps, faut-il privilégier des pauses courtes toutes les heures ou des pauses plus longues ? « On ne sait pas encore, mais les recherches sont en cours », ajoute le chercheur. La bataille du bruit vient de commencer. Mais est-ce parce que notre société devient de plus en plus bruyante ou sommes-nous de plus en plus sensibles parce que nous recherchons de plus en plus de confort ?

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« Les sociétés étaient sans doute plus bruyantes au XIXe siècle, avec les fonderies dans les immeubles, ou avec les fameux cris de Paris quand tous les marchands criaient leurs étals dans la rue, sans parler du claquement des sabots des chevaux sur les pavés. , les cloches qui sonnaient tout le temps et auxquelles s’opposaient les classes bourgeoises de l’époque », raconte Alain Corbin, historien de la sensibilité et spécialiste du bruit. « De nouveaux bruits ont émergé tout au long du XXe siècle, avec l’avènement de l’automobile, des transports en commun comme le métro, des deux-roues et de la musique dans l’espace public », note Caroline DeMili. « La densité des villes augmente mathématiquement le bruit. » Mais depuis la fin du XXe siècle, Alain Corbin décrit un curieux mélange de tolérance et d’intolérance au bruit. « Ironiquement, nous recherchons activement le bruit – concerts, écouteurs, etc. – mais avons peu de tolérance pour le bruit que nous ne pouvons pas contrôler », analyse-t-il. Est-ce que l’enfer sera le bruit des autres ? C’est aussi ceux qui ne sont pas naturels. Le bruit des vagues près du rivage, bien qu’intense, semble plus doux à nos oreilles que le bruit d’un marteau-piqueur, qui est plus répétitif. Notre cerveau est en effet capable de faire la distinction entre les sons naturels et non naturels et ne les traite pas de la même manière. Le don de l’évolution, qui explique également pourquoi de nombreux citoyens quittent les villes.

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