Adieu le glyphosate, place à l’acide pélargonique ! Pour désherber les voies ferrées et leurs abords, la SNCF a révolutionné ses méthodes avec de nouveaux équipements, des procédés automatisés et plus de douceur si les mauvaises herbes résistent.

Malgré son nom barbare, l’acide pélargonique est un produit de biocontrôle issu d’aliments naturels, de graines de colza et de tournesol.

Il est moins efficace que le glyphosate, un produit accusé de provoquer le cancer, dont la SNCF était le plus gros consommateur en France et a été supprimé plus tôt dans l’année. Il est aussi plus cher, plus visqueux et doit être transporté en plus gros volumes… Mais selon SNCF Réseau il donne des résultats satisfaisants.

Les nouvelles rames, entrées en service au printemps, ressemblent à de petits trains de marchandises avec deux réservoirs d’eau, un réservoir d’acide pélargonique, une fourgonnette et, surtout, une voiture de désherbage.

Ces éléments sont théoriquement créés par deux locomotives qui étaient absentes lorsque le journaliste de l’AFP devait embarquer lundi entre Bordeaux et Angoulême. Enfermé dans l’entrepôt en raison d’un congé de maladie de l’agent.

« C’est gênant car il n’y aura pas de traitement » sur cette ligne importante du sud-ouest de la France, conclut Patrick Dumarchet, l’un des deux seuls opérateurs ferroviaires habitués aux dangers.

Il est trop tard pour reporter le vol car la réglementation interdit la distribution d’acide pélargonique après le 31 octobre.

« Nous n’aurons pas de jungle l’année prochaine », assure Christophe Essant, expert produits phytosanitaires chez SNCF Réseau. « Refuser un laissez-passer aujourd’hui ne met pas en péril la circulation des trains ! » Mais au printemps, il faudra certainement revenir.

Avant d’apprendre qu’il n’aurait pas de locomotives, il s’inquiétait du vent : à 18 km/h on risque d’éclabousser tout le quartier. L’opération nécessite aussi qu’il ne pleuve pas et qu’il ne fasse ni trop froid ni trop chaud, entre 8 et 25°C.

– Le besoin de sécurité –

Fabriqué en Hongrie, le désherbeur fourgon contient une sorte de grand conteneur renfermant un mini-laboratoire de chimie où l’acide pélargonique est dilué dans de l’eau et mélangé à un adjuvant et une molécule synthétique de la famille des sulfonylurées destinés à empêcher la germination des graines.

Salle de contrôle à bord des nouvelles voitures SNCF Réseau pour le désherbage des voies ferrées à l’acide pélargonique après l’arrêt du glyphosate, prise à Bordeaux, photo prise dans le sud-ouest de la France le 24 octobre 2022. (AFP – Thibaud MORITZ)

De l’autre côté des portes hermétiquement fermées, deux opérateurs surveillent la propagation depuis une petite salle de contrôle. Des caméras (en théorie) placées sur les locomotives et sur les côtés permettent de détecter la végétation et de commencer l’arrosage au bon moment. La carte embarquée indique les zones interdites, comme celles autour des cours d’eau.

Les pulvérisateurs démarrent automatiquement mais peuvent être arrêtés si nécessaire à l’aide de la grande télécommande. Les jets ne dépassent pas les allées bordant les pistes.

De nouveaux wagons SNCF Réseau pour le désherbage des voies ferrées à l'acide pélargonique après l'arrêt du glyphosate, photo prise à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France, le 24 octobre 2022. (AFP - Thibaud MORITZ)De nouveaux wagons SNCF Réseau pour le désherbage des voies ferrées à l’acide pélargonique après l’arrêt du glyphosate, photo prise à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France, le 24 octobre 2022. (AFP – Thibaud MORITZ)

C’est une révolution pour l’équipe de SNCF Réseau qui pulvérisait du glyphosate à travers une vitre jusqu’à l’année dernière. « On sortait la tête et on pulvérisait de l’eau dans notre combinaison, masque et lunettes comme des plongeurs », se souvient Yannick Bue, un autre caméraman.

Pour SNCF Réseau, le désherbage est un impératif de sécurité : la végétation peut retenir l’eau et déformer la plate-forme (et donc les rails) de ses 30 000 km de lignes. Des morceaux d’herbe pourraient également interférer avec les faisceaux laser vérifiant les jauges ou interférer avec les rondes d’inspection des cheminots.

Les voies le long des voies doivent également être dégagées pour permettre aux agents de se déplacer rapidement et d’évacuer les voyageurs en cas de problème.

Mais avec la fin du glyphosate, la doctrine s’est adoucie. « On peut laisser un peu de végétation ici et là », note Christophe Essan. Il « ne devrait pas être plus haut que les chaussures de travail ».

Dans tous les cas, davantage de peignage et de tonte sont nécessaires, d’autant plus que la loi d’Egalim limite l’étendue de la diffusion.

Jean-Pierre Pujol, responsable du contrôle de la végétation, estime le surcoût de la suppression du glyphosate à 110 millions d’euros par an. Augmenter le budget pour le désherbage à environ 260 millions.

La SNCF s’est engagée à ne plus utiliser le glyphosate à partir de fin 2021, concrétisant la promesse du président Emmanuel Macron d’interdire son utilisation d’ici cette échéance. Du côté européen, l’autorisation est prolongée jusqu’à la fin du processus d’évaluation.