serons-nous bientôt jugés par des algorithmes ? › Actualités Geek

Information ou ivresse ? La Chine aurait développé un algorithme capable de faire le travail d’un procureur. Il pourrait examiner les preuves, convoquer les citoyens devant les tribunaux et même proposer des sanctions en fonction des infractions reprochées (excès de vitesse, fraude à la carte de crédit, etc.). En Occident, les experts sont sceptiques quant à l’efficacité d’un tel programme. « Dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA), les fausses promesses abondent, prévient Karim Benyekhlef, professeur de droit et directeur du laboratoire de cyberjustice à l’Université de Montréal. Les bases de données sur lesquelles reposent les algorithmes incluent toujours de les adapter au terrain. de la justice, il faudrait qu’ils soient capables d’établir un lien de causalité entre deux faits, ou de tenir compte du contexte socio-économique dans lequel vit un accusé… Mais tout cela est largement hors du champ d’un ensemble de lignes de code.

Cela n’empêche pas l’IA de percer auprès des avocats, des compagnies d’assurance ou au sein des services juridiques des grandes entreprises. « La France est même l’un des pays les plus avancés dans ce domaine », précise Louis Larret-Chahine, PDG et co-fondateur de Predictice, une société qui développe les algorithmes utilisés par ces professionnels. « Grâce à nos outils, nos clients peuvent savoir si leurs arguments sont pertinents ou s’ils ont de bonnes chances de gagner en justice », explique l’entrepreneur. L’IA indique également quelle indemnisation un justiciable peut recevoir selon le type d’affaire. Souvent, cela vous permet de négocier plus efficacement.

Un immense banc d’essai

« Cette ‘justice prédictive’ alimente de nombreux fantasmes. Pourtant, on n’est pas dans un film de science-fiction comme Minority Report, précise Louis Larret-Chahine. En France, l’IA est encore cantonnée à un rôle d’aide à la décision. Et pour des raisons d’éthique, nous ne l’appliquons pas en matière pénale, mais à d’autres domaines moins sensibles, comme le droit social ou immobilier ». Cela laisse cependant un immense champ d’expérimentation : 4,2 millions de condamnations judiciaires sont prononcées chaque année dans notre pays et une loi de 2016 prévoit sa gratuité dans la durée, de quoi alimenter de nombreuses IA.

« La surveillance est essentielle. Les algorithmes prenant de l’importance, il faudra les auditer régulièrement », insiste Karim Benyekhlef. Car même s’ils sont présentés comme des aides à la décision, ils peuvent conduire à des biais. Par exemple, si une émission estime que, dans 85 % des cas, la jurisprudence va dans ce sens, cela peut influencer un juge ! La police a également la possibilité d’utiliser l’IA pour recueillir des preuves. Avec des déviations possibles si certains outils sont en route vers les tribunaux, comme ceux qui prétendent pouvoir identifier des personnes à partir de traces ADN avec un taux de réussite « élevé ».

« La technologie ne doit pas nous inspirer une confiance aveugle, conclut Karim Benyekhlef. Aux États-Unis, les juges ont réussi à se distancer des détecteurs de mensonges. J’espère qu’ils pourront faire de même avec les algorithmes.

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