Changer d’air pour respirer : Depuis 2013, sur un site de voyage près de Lille, coincées entre une centrale à béton et une briqueterie, des femmes se battent pour créer un cadre de vie.

« Qui vivra à côté de ces usines ? Généralement pas les gens. Dans la cuisine de sa cabane, avec ses trois sœurs, Sue Ellen, Demestre montre un véritable ressentiment après une décennie d’engagement.

Sa famille s’est installée, en effet, depuis 15 ans dans la région, où, selon ses calculs, vivent environ 280 personnes. Un écran d’arbres les sépare de la centrale à béton, un remblai de la centrale à pierre concassée.

Les familles installent d’abord un campement « sauvage » sur les terres voisines pour y passer l’hiver. En 2007, un accueil a été créé, la loi Besson oblige les communes de plus de 5 000 habitants à en avoir un.

Des caravanes sont garées dans une zone réservée aux membres de la communauté des voyageurs à Ronchin, dans le nord de la France, le 16 janvier 2023. (AFP – Sameer Al-DUMI)

Les locataires satisfaits sont d’abord déçus lorsque la croûte de ciment, la conjonctivite et les problèmes respiratoires apparaissent, explique Sue-Ellen. Sans oublier le bruit et le ballet des camions.

Mais en l’absence d’autre solution et pour l’éducation des enfants, ils s’enracinent. Les Briqueteries du Nord n’ont ouvert de magasin qu’en 2013.

Trop de galère, les femmes, dont la mère de Sue, Ellen, forment le collectif Da so vas, « Tendre la main » en dialecte gitan. Pétitions, manifestations, production de films se succèdent.

– « Nous payons la mort » –

« Nous avons perdu notre belle-sœur de 42 ans d’un cancer généralisé. Son frère avait aussi un cancer. Sur dix naissances, sept enfants ont développé de l’asthme. racisme.

Un membre de la communauté des voyageurs joue avec le bébé de neuf mois Hortense (à droite) dans un chalet près de mobil-homes à Ronchin le 16 janvier 2023. (AFP - Samir Al-DUMI)Un membre de la communauté des voyageurs joue avec le bébé de neuf mois Hortense (à droite) dans un chalet près de mobil-homes à Ronchin le 16 janvier 2023. (AFP – Samir Al-DUMI)

« Ici, nous payons pour mourir », dit sa sœur Lisa, car les locataires paient un loyer. « En juillet-août, c’est insupportable : tu poses le téléphone, en deux minutes c’est couvert de poussière. »

Sa nièce de 20 ans, mère de deux filles âgées de 9 mois et 6 ans, sort le moins possible sa benjamine, qui souffre de problèmes respiratoires et d’irritations oculaires.

Aucun lien officiel n’a été établi entre l’état de santé des habitants et la pollution de la zone. En novembre 2020, la préfecture a demandé à l’entreprise de béton CCB d’évaluer ses émissions à ses frais.

Les mesures seront réalisées « au deuxième trimestre 2023 », assure l’hôpital clinique central. Jusqu’à présent, aucun bureau d’études n’a accepté d’intervenir en raison du « risque de dégradation » des équipements par les riverains, précise l’entreprise.

Un membre de la communauté des voyageurs vérifie les toilettes publiques à l'extérieur des camping-cars à Ronchin, dans le nord de la France, le 16 janvier 2023. (AFP - Sameer Al-DOUMI)Un membre de la communauté des voyageurs vérifie les toilettes publiques à l’extérieur des camping-cars à Ronchin, dans le nord de la France, le 16 janvier 2023. (AFP – Sameer Al-DOUMI)

« On peut prendre toutes les mesures qu’on veut, c’est encore poussiéreux et ils ne veulent plus y habiter », explique Patrick Delébarre, l’élu porte-parole de Lille métropole du voyage.

Le mouvement de cette zone est désormais enregistré auprès du programme d’acceptation des voyageurs du département. Mais trouver un autre terrain est difficile, note-t-il.

– Mobilisation « singulière » –

« Aujourd’hui la loi nous oblige à mettre ces personnes dans des lieux sains », alors qu’à l’époque « la manière de voir les choses était de dire +la loi exige qu’on les mette dans un coin, mettons-les dans un coin+ ».

Un membre de la communauté des voyageurs balaie devant sa caravane à Ronchin, dans le nord de la France, le 16 janvier 2023. (AFP - Sameer Al-DUMI)Un membre de la communauté des voyageurs balaie devant sa caravane à Ronchin, dans le nord de la France, le 16 janvier 2023. (AFP – Sameer Al-DUMI)

Le schéma départemental prévoit des terres familiales ou des logements adaptés, mêlant habitations et champs pour caravanes, car les zones « ne répondent plus aux attentes des voyageurs du nord », qui sont majoritairement sédentarisés, explique-t-il.

Les communes de Ronchin et d’Hellemmes sont à la recherche de terrains, mais « nous n’avons plus beaucoup de terrains à bâtir publics » et il n’y a pas assez de place, déplore la mairie de Ronchin.

Pour William Acker, avocat spécialisé dans les voyages, le combat des femmes dans ce domaine, « l’un des pires » en France, est unique « même à l’échelle européenne ».

Vue de caravanes garées dans un camping communautaire à Ronchin, dans le nord de la France, le 16 janvier 2023. (AFP - Samir Al-DUMI)Vue de caravanes garées dans un camping d’une communauté de voyageurs à Ronchin, dans le nord de la France, le 16 janvier 2023. (AFP – Samir Al-DUMI)

« Habituellement, la lutte se dissipe et s’amenuise très rapidement, la communauté réceptionniste ne peut pas se permettre de s’opposer ouvertement à l’administration. »

« Qu’on le veuille ou non, ils ont réussi à nous sédentariser », résume Sue Ellen. «Mais je veux que ce soit notre chemin. Nous voulons aussi que nos enfants aient du travail plus tard qui leur donnera envie de se lever le matin.