BlackRock a été puni au Texas et en Virginie-Occidentale pour le soi-disant « boycott » des compagnies pétrolières : les républicains américains ont attaqué les investissements responsables des géants de Wall Street.

Selon le gouverneur républicain de Floride Ron DeSantis, la prise en compte de critères environnementaux, sociaux ou de gouvernance (ESG) lors de la prise de décisions financières est une position « idéologique ».

Fin août, il a ordonné aux banquiers des caisses de retraite de son État de ne pas tenir compte de ces critères afin de « faire passer la sécurité financière des habitants (…) au détriment des notions fantaisistes d’un avenir utopique ».

Le lendemain, le contrôleur du Texas a publié une liste d’entreprises, dont BlackRock et des banques européennes, qui, selon lui, « boycottent » les compagnies pétrolières et avec lesquelles les autorités locales ne devraient plus signer de nouveaux contrats.

Son homologue de Virginie-Occidentale, un État riche en mines de charbon et en gaz naturel, a pris une décision similaire fin juillet contre BlackRock, ainsi que contre Goldman Sachs, JPMorgan Chase, Morgan Stanley et Wells Fargo.

« Toute institution qui mène une politique visant à affaiblir notre secteur énergétique, nos recettes fiscales et notre marché du travail a un conflit d’intérêts clair avec la gestion de l’argent des contribuables », a-t-il ensuite expliqué.

Mais les banques visées démentent tout boycott.

– « Déconnecté de la réalité » –

Ron DeSantis, gouverneur républicain de Floride, 8 novembre 2022 Hialeah (USA), 23 août 2022 (AFP/Archive – CHANDAN KHANNA)

Par exemple, certains d’entre eux ont en effet décidé de ne plus financer de projets d’exploration pétrolière dans l’Arctique. Mais elles continuent à prêter volontiers aux entreprises de ce secteur.

JPMorgan considère la décision du responsable de Virginie-Occidentale comme « à courte vue et déconnectée de la réalité » à cet égard.

BlackRock, la société la plus riche du monde, affirme avoir investi plus de 108 milliards de dollars dans des compagnies pétrolières texanes, à commencer par ExxonMobil.

« Les agents publics, élus et nommés, ont le devoir d’agir dans l’intérêt des personnes qu’ils servent. La politisation des fonds de pension publics, la restriction de l’accès à l’investissement et la remise en cause du retour sur investissement des retraités ne sont pas compatibles avec cette obligation », fait valoir Wall Street. géant dans un communiqué de presse.

Joshua Lichtenstein, un avocat de Ropes & Gray qui supervise les décisions de l’État liées à l’investissement dans l’ESG, a été témoin à plusieurs reprises d’attaques républicaines contre de tels investissements.

Mais « la rhétorique politique décrit un monde qui n’existe pas », a-t-il déclaré.

Les gestionnaires d’actifs « ne choisissent pas entre investir selon les critères ESG et investir pour gagner de l’argent, ils utilisent les critères ESG comme faisant partie intégrante de leur stratégie d’atténuation des risques », a-t-il déclaré à l’AFP.

Ils sont poussés dans cette direction par de plus en plus de clients en Europe, au Japon ou dans des démocraties.

Ainsi, en 2021, l’État du Maine a adopté une loi obligeant son fonds de pension à vendre toutes les participations dans les sociétés d’hydrocarbures.

– Contribuables concernés –

Un parc éolien surplombant un site de traitement du charbon le 23 août 2022 à Oakland, Maryland, États-Unis.  (GETTY IMAGES AMÉRIQUE DU NORD/AFP/Archives - CHIP SOMODEVILLA)Un parc éolien surplombant un site de traitement du charbon le 23 août 2022 à Oakland, Maryland, États-Unis. (GETTY IMAGES AMÉRIQUE DU NORD/AFP/Archives – CHIP SOMODEVILLA)

La position adoptée par les États républicains pourrait même nuire à leurs contribuables, explique Ben Cushing, le responsable des finances du Sierra Club.

Le Texas, par exemple, a adopté une loi en 2021 pour empêcher les municipalités de signer de nouveaux contrats avec des banques qui restreindraient le financement des sociétés d’hydrocarbures et d’armes à feu. Résultat : le nombre d’institutions impliquées dans l’émission d’emprunts obligataires a diminué, tandis que les taux des contrats ont augmenté, selon une étude publiée en juin par des chercheurs de l’Université de Pennsylvanie et de la Banque centrale américaine.

Il est encore trop tôt pour dire quelles seront les conséquences de cette offensive républicaine, estime Joshua Lichtenstein.

Cela ne devrait pas a priori remettre en cause une tendance déjà bien ancrée chez une clientèle de plus en plus sensible aux effets du changement climatique, et notamment chez les gérants d’actifs dont la mission est de considérer tous les risques.

Mais les républicains « font du bruit », et s’ils mettent leurs menaces à exécution, comme ils l’ont fait en Floride, les gestionnaires d’actifs peuvent être prudents pour éviter tout conflit, suggère l’avocat.

Des attaques récurrentes pourraient également amener les institutions financières à ralentir leurs efforts au moment où « elles commençaient, lentement et tardivement (…), à prendre conscience des implications financières bien réelles du changement climatique », déplore Ben Cushing.