LLa semaine dernière, Emmanuel Macron est devenu le premier président français depuis plus de 40 ans à effectuer une visite officielle dans la ville de Vichy afin de parler de son histoire. Son objectif était de contrer un révisionnisme historique insidieux qui jette une ombre sur la campagne électorale présidentielle en France. L’expert de la télévision d’extrême droite Éric Zemmour, qui a annoncé sa candidature il y a quinze jours, a affirmé que le régime de Vichy avait protégé les Juifs français pendant la Seconde Guerre mondiale, un mensonge qui a été dénoncé et démystifié par les historiens. La triste vérité sur les rafles et les persécutions qui ont eu lieu, a déclaré M. Macron, ne doit pas être « manipulée » ou « révisée » pour des motifs politiques.

Que ce voyage ait été jugé nécessaire montre à quel point les opinions extrêmes se normalisent dans la politique française, où le centre de gravité a basculé vers la droite. Environ 30% des électeurs français prévoient de voter au printemps prochain soit pour l’agenda réactionnaire de M. Zemmour, soit pour Marine Le Pen. Nier les crimes de Vichy fait partie d’un nationalisme toxique qui cherche à « sauver » la civilisation française des effets de l’immigration et s’appuie sur la théorie du « remplacement » de la suprématie blanche pour suggérer que la culture française traditionnelle est menacée. À un degré alarmant, cet agenda a réussi à donner le ton dans la course présidentielle jusqu’à présent.

La mesure dans laquelle cela continue d’être le cas peut dépendre de la candidate des Républicains gaullistes, Valérie Pécresse, qui a récemment remporté la primaire de son parti. Mme Pécresse, qui serait la première femme présidente de France si elle battait M. Macron, est issue de l’aile modérée et centriste de son parti et a connu un rebond notable dans les sondages depuis sa victoire. Lors d’un second tour avec le président, a prédit un sondage d’opinion, elle remporterait une victoire serrée. Mais pour atteindre le deuxième tour, Mme Pécresse devra vaincre à la fois Mme Le Pen et M. Zemmour, dans ce qui promet d’être une course à trois serrée à droite.

Dans un effort pour attirer le soutien des deux et empêcher les défections de l’aile la plus conservatrice de son propre parti, elle a promis une réforme constitutionnelle controversée pour limiter l’immigration et un référendum « sur la sécurité intérieure et contre l’islamisme ». Dans son discours de victoire, elle a déclaré avoir ressenti la « colère » des électeurs qui se sentaient culturellement menacés par la migration. Le plus proche rival de Mme Pécresse dans la primaire, Éric Ciotti, qui a mis en garde contre une prochaine « guerre des civilisations » et appelé à un « Guantanamo » français pour les terroristes présumés, s’est vu promettre un rôle central dans sa campagne.

Les calculs électoraux – et la capacité avérée de M. Macron à obtenir le soutien des anciens électeurs centristes des républicains – signifient que Mme Pécresse peut se sentir obligée de virer de bord dans ce sens, dans ce qui devient un nivellement par le bas des politiques xénophobes. Mais il est vital que le parti traditionnel de centre-droit français reste dans le courant politique dominant et ne succombe pas à ce qui a été décrit comme la « Zemmourisation » du débat politique français.

C’est d’autant plus vrai compte tenu du désarroi de la gauche française divisée et défaillante, dont aucun des candidats n’a de chance réaliste d’accéder au second tour. La semaine dernière, la candidate socialiste à la présidence, Anne Hidalgo, a laissé entendre que si elle ne parvenait pas à s’unir derrière un candidat unique, la gauche risquait de s’éteindre en tant que force politique. Ce n’est pas une situation saine pour l’une des démocraties libérales les plus importantes du monde. De son côté, Mme Pécresse cherchera naturellement à sillonner la route la plus viable vers l’Élysée au printemps. Mais comme la France tourne à droite, il faut espérer qu’elle ne vende pas l’âme de son parti dans la foulée.