Avec le début de la guerre en Ukraine et le gel de la coopération entre les agences spatiales russes et européennes, le sort de la mission ExoMars a été mis entre parenthèses et même clairement compromis. En réalité, c’est la Russie, dans le cadre de ce programme, qui devait lancer et faire atterrir sur la planète rouge le rover Rosalind Franklin, le premier du genre en Europe. Tout était prêt pour le décollage en septembre 2022 (et l’arrivée prévue en juin 2023), tandis que le rover russe et l’atterrisseur Kazachok attendaient d’être envoyés au cosmodrome de Baïkonour au Kazakhstan depuis les installations de Thales Alenia en Italie. Mais sur décision de l’Agence spatiale européenne (ESA) le 17 mars 2022, tout a été interrompu.

Le rover européen Rosalind Franklin en plusieurs personnages clés. Crédits : ESA

Plusieurs solutions envisagées

Plusieurs options étaient alors sur la table : l’espoir que les relations avec la Russie se réchauffent pour un éventuel lancement lors de la prochaine fenêtre de tournage en 2024 ; trouver un autre partenaire, peut-être les États-Unis, pour lancer et faire atterrir un rover sur Mars ; ou encore la mise au point de moyens purement européens, qui semblaient aussi compliqués que coûteux, et ne pouvaient raisonnablement être réalisés avant dix ans. Ultime solution : abandonner purement et simplement ce projet en proie à des déboires, des surcoûts et des difficultés techniques depuis que l’idée est née à la fin des années 1990 au Laboratoire de biophysique moléculaire d’Orléans sous l’influence de l’exobiologiste André Braque. En effet, 1,8 milliard d’euros ont déjà été décaissés pour cet ambitieux programme.

Budget record

Cependant, les 22 pays membres de l’ESA ont décidé lors d’une réunion ministérielle tenue les 22 et 23 novembre à Paris de ne pas entreposer le rover Rosalind Franklin dans un musée pendant la construction d’une nouvelle mission. En d’autres termes : accordez-lui de nouveaux prêts. Parmi les 16,9 milliards d’euros que l’ESA va gagner sur les trois prochaines années, un record correspondant à une augmentation de 17% par rapport à la précédente réunion ministérielle ! –, 2,7 milliards seront en effet alloués à l’exploration spatiale », ce qui se concentre sur trois zones : l’orbite terrestre basse, la Lune et Mars.“, – explique le communiqué de presse de l’ESA. Il précise que « dans le but d’étudier Mars et avec le soutien actif de la communauté scientifique, il a été décidé de construire un atterrisseur européen destiné à amener sur Terre le robot mobile Rosalind Franklin ». rechercher d’éventuelles traces de vie dans les anciens lacs de la planète rouge.

L’ESA ne partira pas de zéro

Ainsi, avec la nouvelle extension de 360 ​​millions d’euros, l’Europe construira son propre atterrisseur pour tenter de rejoindre les États-Unis et la Chine dans le club très étroit des puissances spatiales qui ont réussi à placer un véhicule robotique à la surface de Mars. Bien sûr, cela ne partira pas de zéro. L’ESA va en effet utiliser certains éléments de l’atterrisseur expérimental européen Schiaparelli, qui s’est écrasé en 2016 sur notre voisin rouge à cause d’une erreur informatique. Il restaurera et utilisera également plusieurs systèmes installés sur l’atterrisseur russe Kazachok, tels que des parachutes, un radar, un système de communication radio ou un ordinateur de bord.

Une aide précieuse des États-Unis

Un expert de la NASA sur le sujet apportera également une aide précieuse. Il doit livrer, en effet, les moteurs freins pour l’atterrissage final. Ainsi que des générateurs thermiques à radio-isotopes, alimentés au plutonium-238, pour chauffer la plate-forme lors des nuits glaciales martiennes. Et c’est aux États-Unis de fournir un lanceur, probablement la fusée Falcon Heavy de SpaceX, même si cette décision n’est confirmée que l’année prochaine. En fin de compte, si tout se passe comme prévu, le rover Rosalind Franklin devrait s’envoler vers Mars en 2028.

Possibles traces de vie préservées d’une atmosphère oxydante et des rayons cosmiques

Si l’ESA – et derrière elle une large communauté de chercheurs – s’est engagée à soutenir coûte que coûte ce projet, c’est parce qu’il intéresse au plus haut point l’exobiologie. Le rover Rosalind Franklin, de la taille d’une voiturette de golf et d’un poids d’environ 300 kg, est en effet équipé de neuf instruments scientifiques, dont quatre laboratoires français, mais surtout, d’une perceuse capable de rechercher d’éventuelles traces de vie jusqu’à une profondeur à deux mètres. . « Ils sont donc protégés de l’atmosphère oxydante de la planète et du rayonnement cosmique, qui détruit les molécules organiques à la surface, ce qui n’a jamais été fait sur Mars », expliquait il y a quelques mois Frances Westol, qui dirige les recherches exobiologiques, à la revue Sciences. et Avenir. groupe du Centre de biophysique moléculaire d’Orléans et travaille sur ce projet depuis plus de vingt ans.

Le système de forage est situé à l'avant du rover.  Crédit : ESA.

La plate-forme de forage est située à l’avant du rover. Crédits : ESA