Tremblante, en délire, Rina marche à moitié nue près d’une décharge à Guayaquil. Elle est sous l’influence de H, une drogue bon marché et très addictive qui fait des ravages parmi les plus pauvres de l’Équateur.

Des images de vidéosurveillance enregistrées le soir du Nouvel An ont été remises au centre de santé de la ville, qui est venu à son secours.

« Quand je consomme de la drogue, j’entends des voix », a déclaré aujourd’hui à l’AFP la jeune femme de 24 ans, en cure de désintoxication, pour la deuxième fois en moins d’un an.

Reena est allée jusqu’à voler et même se prostituer pour obtenir du « H », une poudre blanche à base d’héroïne qui peut être sniffée ou fumée et qui se vend un dollar le gramme. Beaucoup moins cher que la cocaïne, qui coûte trois à cinq dollars. Mais beaucoup plus toxique.

« Nous avons trouvé de la chaux, du ciment, de l’éther, de la kétamine et même de la mort aux rats », explique la psychiatre Julieta Sagna de l’Institut de neurologie, une ONG basée à Guayaquil qui aide les toxicomanes.

Cette ville portuaire de près de trois millions d’habitants est devenue un centre du trafic de drogue en Amérique latine, où le nombre de trafiquants de drogue et de toxicomanes ne cesse d’augmenter. Selon les chiffres officiels, environ 162 kilogrammes de « H » ont été saisis en 2022.

Julie Sanay dit soigner de plus en plus d’usagers « H » qui souffrent d’une dégradation accélérée de leur santé par rapport à ses autres patients.

Un médecin examine un mineur toxicomane à l’hôpital du Bicentenaire de Guayaquil, en Équateur, le 6 janvier 2023. (AFP – MARCOS PIN)

Après six mois de consommation, le « drogué au H » ne cesse de piétiner, gratter, dormir ou manger. Et le syndrome de sevrage ne peut se maintenir sans traitement pharmacologique pendant au moins huit jours, explique ce spécialiste aux plus de 30 ans de toxicomanie.

– Cliniques « nazies » –

À Guayaquil, il y a trois cliniques publiques de traitement de la toxicomanie qui ne peuvent pas faire face. Il existe une trentaine d’établissements privés, mais ils coûtent environ 700 dollars par mois dans un pays où le salaire minimum est de 450 dollars.

Ainsi, lorsque la dépendance les ronge, certains toxicomanes se tournent vers les centres de réhabilitation clandestins.

« Ils m’ont battu, m’ont versé des seaux d’eau froide dessus et nous avons mangé des têtes de poulet tous les jours », a déclaré à l’AFP Hugo Mora, qui fréquentait ces cliniques illégales, « sales » et « sans fenêtre ». « seulement 150 $. »

Mains d'un patient toxicomane à l'hôpital Bicentenario de Guayaquil, en Équateur, le 6 janvier 2023 (AFP - MARCOS PIN)Mains d’un patient ayant des problèmes de toxicomanie à l’hôpital Bicentenario de Guayaquil, en Équateur, le 6 janvier 2023 (AFP – MARCOS PIN)

Jamais. Après deux tentatives d’assassinat infructueuses dans ces cliniques « nazies », comme il les qualifie de traitements inhumains, ce vendeur informel de 24 ans est incarcéré depuis une semaine dans l’hôpital municipal bicentenaire de Guayaquil, allongé sur un des 14 lits. grande pièce aux murs blancs. Onze s’affairent avec des hommes recroquevillés dans leurs couvertures.

Cet hôpital reçoit jusqu’à 150 patients par jour, dont 90 % en raison de leur dépendance au « H ».

L’Insight Crime Research Center rapporte que « H » s’est installé à Guayaquil vers 2011 à l’instigation de cartels colombiens cherchant à développer le marché de l’héroïne.

Mais la poudre « H » contient moins de 3% d’héroïne, selon Segundo Romero, un policier à la retraite devenu psychologue légiste. « C’est parce qu’il y a si peu de drogue pure que le toxicomane doit en consommer plus, et donc en acheter plus », dit-il.

A partir d’un gramme d’héroïne, le dealer fabrique 40 grammes de « H ». Les drogues synthétiques présentes dans le reste de ce dangereux cocktail provoquent des symptômes psychotiques et des hallucinations.

Thérapeute du programme communautaireAlberto Yepes, un thérapeute du Programme municipal pour un avenir sans drogue, s’entretient avec des patients toxicomanes à l’hôpital Bicentenario de Guayaquil, en Équateur, le 6 janvier 2023. (AFP – MARCOS PIN)

A Cerro Las Cabras, la droguerie de Duran, ville de l’autre côté du Rio Guayas qui traverse Guayaquil, les ventes de « H » rapportent jusqu’à un million de dollars par mois, selon les estimations officielles.