Agnieszka Holland, une cinéaste polonaise de 74 ans, n’a rien perdu de sa passion – ni de sa compassion. Ce drame brutal, en noir et blanc sombre, est le travail reconnaissable de la réalisatrice qui a réalisé Europa Europa en 1990. Il traite de la zone d’exclusion de la « frontière verte » entre la Pologne et la Biélorussie, devenue le lieu d’un calvaire apparemment sans fin pour les réfugiés.

Le président biélorusse Alexandre Loukachenko a cyniquement permis l’admission de réfugiés ces dernières années, encourageant ainsi leur espoir de franchir facilement à pied la frontière en Pologne et dans l’Union européenne via la forêt de Białowieża, afin de punir et de saper l’Union européenne pour ses sanctions contre la Biélorussie. Il a effectivement transformé ces âmes désespérées en armes, et les gardes-frontières polonais, de plus en plus hostiles et agressifs, évitent la nécessité bureaucratique de nourrir et d’héberger ces arrivants dans des camps en les renvoyant simplement par-dessus la clôture barbelée, où ils vivent et meurent dans une terre désolée. La stratégie de « frontière verte » de la Biélorussie contribue à pousser la Pologne dans une xénophobie paranoïaque, précisément l’humeur géopolitique que Loukachenko (et Poutine) trouvent favorable.

Le drame d’Holland couvre une mosaïque de personnes prises dans ce nexus de désespoir, de faim, de peur et de mauvaise foi politique : il y a des réfugiés de Syrie, d’Afghanistan et d’Afrique, un garde-frontière polonais dont la femme est enceinte et qui a des doutes sur la brutalité qu’on attend de lui (et qui est illégale), ainsi qu’une psychothérapeute polonaise horrifiée et radicalisée par la mort d’un enfant réfugié, qui rejoint une sorte de groupe de guérilla de jeunes activistes polonais qui se rendent dans la forêt pour apporter une aide médicale et une assistance juridique.

Le résultat est un film sombre mais captivant, qui donne l’impression de deux genres distincts : un film sur le front de l’Est de la Seconde Guerre mondiale, ou sur la Première Guerre mondiale, ou peut-être un tout autre film futuriste : un drame post-apocalyptique dans lequel la forêt est le théâtre d’une lutte frénétique pour la survie vécue par des personnes dont l’humanité a été presque entièrement dépouillée, comme si elles avaient été victimes d’une explosion nucléaire ou d’une attaque de guerre bactériologique.

Lorsque les réfugiés arrivent pour la première fois en Pologne, pensant que leurs soucis sont désormais terminés, ils se sentent encore humains. Mais cela est érodé par l’horreur purement absurde d’être brutalement expulsé vers la Biélorussie, puis renvoyé en Pologne par deux groupes de soldats qui ne veulent pas assumer la responsabilité de s’en occuper, aller-retour – et tout cela à l’abri de cette forêt, dont l’obscurité facilite un peu plus les brutalités commises sous uniforme.

Lorsque l’enseignante afghane Leila (Behi Djanati Atai) traverse un champ labouré et demande pitoyablement de l’eau à un agriculteur polonais, il lui donne des pommes et lui indique une ferme où elle peut trouver de l’aide. Mais lorsqu’elle se retourne et le voit appeler quelqu’un sur son téléphone portable, elle panique et court se cacher dans les bois alors qu’il l’appelle : « Attendez ! » Essayait-il vraiment de l’aider ? Ou allait-il la dénoncer aux autorités ? Les fermiers occupés en Pologne ou en France devaient avoir une apparence similaire.

Plus tard, un garde-frontière biélorusse au visage dur demande 50€ à Leila pour une bouteille d’eau ; il refuse d’abord de lui rendre de la monnaie pour un billet plus important, puis lui arrache la bouteille et lui rend son argent avec une gifle méprisante. Holland montre que ces agressions mesquines et dégradantes, ainsi que la violence physique bien réelle, ébranlent leur sentiment d’être des êtres humains. Et les gardes biélorusses et polonais ont eux aussi peur les uns des autres.

Et puis il y a la guerre en Ukraine, et le film d’Holland montre que cette même force frontalière est mobilisée pour accueillir des milliers de réfugiés ukrainiens : tous les arguments réalistes contre les réfugiés semblent s’être évaporés.

Green Border est un film difficile à regarder, un coup au plexus solaire. Mais c’est un témoignage cinématographique essentiel de ce qui se passe en Europe en ce moment.

Points importants de l’article :
– Agnieszka Holland, une cinéaste polonaise de 74 ans, réalise un drame brutal sur la « frontière verte » entre la Pologne et la Biélorussie.
– Le président biélorusse Alexander Lukashenko a cyniquement permis l’admission de réfugiés pour punir l’Union européenne.
– Les réfugiés sont renvoyés de manière violente de la Pologne à la Biélorussie par les forces frontalières.
– Le film explore le quotidien des réfugiés et des gardes-frontières, ainsi que les conséquences psychologiques de cette brutalité.
– Le film aborde également la guerre en Ukraine et souligne les contradictions face aux réfugiés ukrainiens.
– Green Border est un film difficile mais important qui reflète la réalité actuelle en Europe.