« L’espérance de vie pourrait-elle encore augmenter ? » Frederik Zeigin nous demande sur notre page Facebook. C’est la question de la semaine de nos lecteurs. Merci à tous pour votre contribution.

122 ans, record du monde

118 ans : C’est l’âge de la doyenne de l’humanité, la sœur française André, lorsqu’elle est décédée en janvier 2023. Elle est passée en deçà du record mondial d’espérance de vie humaine, toujours détenu par la Française Jeanne Calment, décédée en 1997. à l’âge de 122 ans (elle reste à ce jour la personne la plus ancienne de l’histoire humaine dont l’état civil a été confirmé). Record imbattable ? Une question qui reste encore sans réponse tant le sujet de la longévité humaine continue de diviser les chercheurs. D’un côté, il y a ceux qui défendent l’idée que la durée de vie est limitée par des limitations biologiques, et de l’autre, ceux qui suggèrent qu’elle peut augmenter encore et encore.

7 fois plus de centenaires en 2060 ?

A la fin du XVIIIe siècle, Buffon calcule qu’une personne en bonne santé, non accidentée et ne souffrant d’aucune maladie, peut vivre au maximum 100 ans. Les foies longs étaient alors rares. Mais avec l’amélioration des conditions de vie et le développement de la médecine, les hypothèses sur la limite de la vie humaine sont progressivement reléguées au second plan. En 1995, une nouvelle étape est franchie lorsque la Française Jeanne Calment fête ses 120 ans. Globalement, le nombre de Français centenaires a décuplé tous les dix ans depuis 1950, pour atteindre 27 500 fin 2021, selon l’Institut national de recherches démographiques (Ined). Ils pourraient être sept fois plus nombreux et (surtout) eux en 2060. de la longévité humaine.

La durée de vie est limitée à environ 115 ou 120 ans ?

Dans un article publié dans la revue Nature en 2016, des généticiens ont montré qu’il n’y a pas eu d’augmentation de la durée de vie humaine depuis la fin des années 1990 (voir graphique ci-dessous). En utilisant des données démographiques, ils ont constaté que depuis la mort de Jeanne Calment, l’espérance de vie humaine maximale a diminué, bien que le nombre de personnes âgées dans le monde augmente. « Ils ont conclu que la durée de vie humaine a une limite naturelle et que la durée de vie est limitée à environ 115 ans », a déclaré à l’AFP le démographe et spécialiste centenaire Jean-Marie Robin.

Âge au décès des super-centenaires selon les données démographiques de la France, du Japon, du Royaume-Uni et des États-Unis. Crédit & Copyright : X. Dong et al., Nature, 2016

Une étude russe publiée en 2021 suggère, grâce à un modèle généré à partir des données de santé de plus de 500 000 personnes, que la détérioration liée au vieillissement conduit inexorablement à un point de non-retour quelque part après 120 ans, une date de péremption biologique qui ne l’est peut-être pas été retardée avec le médicament actuel.

Limite fixe controversée

Or, « l’hypothèse de la durée de vie limitée est en partie contestée par de nombreux démographes », précise Jean-Marie Robin. Ainsi, une étude publiée en 2018 dans la revue Science soutient l’idée que le taux de mortalité augmente avec l’âge, mais ralentit à partir de 85 ans et culmine à 50 ou 60 % par an vers 107 ans. « Avec cette théorie, si on a 12 personnes à 110 ans, 6 vivront jusqu’à 111 ans, 3 vivront jusqu’à 112 ans, etc. », décrypte M. Robin. Mais à « 100 centenaires, il y en aura 50 à 111, 25 à 112, etc. Grâce à +l’effet volume+, il n’y a plus de limites fixes à la longévité. »

En bleu : risque de décéder dans l’année à venir (axe des ordonnées) en fonction de l’âge (axe des ordonnées). Le risque de décès doit être considéré comme un pourcentage, par exemple, le risque de décès à 77 ans est d’environ 0,05 ou 5 % du risque de décès. En orange : le risque de décès dans l’année à venir, prédit par l’analyse statistique et formant un plateau au-delà de 105 ans. Crédit d’image et droits d’auteur : Barbie et al., Science 360, 1459–1461 (2018) 29 juin 2018

Attendez d’avoir suffisamment de centenaires pour tirer des conclusions fiables.

Pourtant, dans une étude française à paraître en 2023, le démographe Inserm Jean-Marie Robin et son équipe montrent que les décès continuent d’augmenter après 105 ans. Un argument en faveur de la limite biologique de l’existence ? M. Robin ne va pas aussi loin. « Nous allons continuer à faire des découvertes, comme nous l’avons toujours fait, et améliorer progressivement la santé des plus âgés », prévoit-il.

Comme lui, de nombreux chercheurs préfèrent rester très prudents : « Il n’y a pas de réponse définitive pour l’instant », estime Frans Mesle, directeur de recherche à l’Ined. « Même s’ils augmentent, le nombre de générations qui ont atteint un âge très avancé est encore assez faible, et nous ne pouvons toujours pas faire d’estimations statistiques significatives », dit-elle.

Il faudra donc attendre qu’il y ait suffisamment de centenaires pour tirer des conclusions fiables. Enfin, certains experts du vieillissement, comme le gériatre Eric Boulanger, n’excluent pas que d’autres facteurs entrent en jeu dans les années à venir. Il argumente auprès de l’AFP que des « manipulations génétiques » pourraient pousser l’âge de la mort jusqu’à 140 ou 150 ans pour certains.

Espérance de vie versus espérance de vie en bonne santé

En France, l’espérance de vie en 2019 était de 79,7 ans pour les hommes et de 85,6 ans pour les femmes. Le concept d’espérance de vie en bonne santé, qui est au centre du débat sur l’âge de la retraite, est différent. En France en 2020, il était de 65,9 ans pour les femmes et de 64,4 ans pour les hommes. A titre de comparaison, en 2004, ce chiffre était de 64,3 ans pour les femmes et de 61,5 ans pour les hommes. Ainsi, l’espérance de vie sans incapacité n’a augmenté que légèrement pour les hommes (+2,9 ans) de plus de 16 ans, et encore moins pour les femmes (+1,6 ans).

Avec l’AFP