Si Jean-Pierre Jabouille était loin d’être le membre le plus connu d’une génération exceptionnelle de pilotes de course français, il pouvait revendiquer une distinction unique. A Dijon en 1979, il devient le premier pilote à remporter une course de Formule 1 dans une voiture turbocompressée, annonçant une nouvelle ère.

Même alors, Jabouille, décédé à l’âge de 80 ans, a vu sa victoire éclipsée par la bataille pour la deuxième place. A quelques secondes de sa Renault, son coéquipier René Arnoux et le casse-cou franco-canadien Gilles Villeneuve en Ferrari accaparaient l’attention des caméras de télévision – et, pour les téléspectateurs britanniques, d’un Murray Walker tout aussi turbocompressé au micro de la BBC – alors qu’ils a couru côte à côte, claquant des roues et glissant sur les bords avec un dédain apparent pour la sécurité personnelle avant qu’Arnoux ne donne le meilleur à son rival.

Aux yeux de l’histoire, cependant, rien ne pouvait diminuer l’exploit de Jabouille. En plus de marquer le passage d’une époque à l’autre, voici un Français dans une voiture française, roulant à l’essence française (Elf) et aux pneus français (Michelin), remportant le Grand Prix de France devant une foule locale en extase, embellissant encore une histoire cela avait commencé lorsqu’une des voitures de Louis Renault avait remporté le tout premier grand prix de tous, au Mans en 1906.

Jean-Pierre Jabouille en compétition dans sa Renault RS10 au Grand Prix de France 1979.
Jean-Pierre Jabouille en compétition dans sa Renault RS10 au Grand Prix de France 1979. Photographie : Bernard Cahier/Getty Images

Né à Paris, fils de Robert Jabouille, architecte, et de sa femme Renée (née Rol), Jean-Pierre fait des études d’ingénieur. Sa carrière de compétiteur a commencé en 1966, sa promesse dans la populaire série Renault Gordini R8 préfacant le passage à la Formule 3. Entrant et entretenant sa propre voiture, il termine deuxième derrière François Cevert au championnat de France 1968, remportant cinq courses. Un assistant enthousiaste était Jacques Laffite, un autre Parisien, qui devait plus tard concourir à ses côtés en Formule 1 ; au début des années 1970, ils épousent une paire de sœurs, Geneviève et Bernadette Cottin.

Après avoir accepté un poste de pilote de développement de l’équipe Alpine, Jabouille a également eu droit à des courses occasionnelles en Formule 2 et en voitures de sport. En 1973, il rejoint l’équipe Matra, terminant troisième des 24 Heures du Mans cet été-là et à nouveau l’année suivante. En 1974, il a également couru une Alpine-BMW dans la série européenne de Formule 2, remportant une course et terminant quatrième au classement final.

Cette saison-là, il a également été vu en Formule 1 pour la première fois, échouant à se qualifier à Dijon et à l’Österreichring dans des voitures engagées par les équipes Williams et Surtees. En 1975, il réussit à qualifier une Tyrrell d’usine pour le Grand Prix de France sur le circuit Paul Ricard, terminant 12e, tout en terminant deuxième derrière Laffite au championnat d’Europe de F2 dans une voiture sponsorisée par Elf de sa propre conception.

En 1976, il met ses talents au service de l’équipe Renault Sport, nouvellement créée par fusion avec les départements compétition Alpine et Gordini. À l’été 1977, ils font sensation en arrivant à Silverstone pour le Grand Prix de Grande-Bretagne avec leur première voiture de Formule 1, la RS01, dont le moteur 1,5 litre est deux fois moins volumineux que ceux de ses rivales, conformément aux règles régissant les moteurs suralimentés et turbocompressés. unités de puissance. À ses débuts, la voiture s’est retirée avec de la fumée provenant d’un turbo cassé, une habitude qui a valu à la voiture le surnom de théière jaune.

Jean-Pierre Jabouille, à droite, en 1991 discutant avec le manager de Peugeot Jean Todt lors des 24 Heures du Mans.
Jean-Pierre Jabouille, à droite, en 1991 discutant avec le manager de Peugeot Jean Todt lors des 24 Heures du Mans. Photographie : AFP/Getty Images

Jabouille et Renault ne se sont pas découragés. Les turbos étaient déjà apparus dans les courses de voitures de sport, employés par Porsche pour gagner au Mans en 1976 et 1977, et la propre voiture de sport de Renault remportera la classique d’endurance en 1978. Il faudra encore un an avant que la victoire à Dijon ne force les sceptiques en Formule Un paddock pour reconnaître dans quel sens le vent soufflait.

Il y a eu une autre victoire en Grand Prix pour Jabouille, en Autriche en 1980, mais le manque de fiabilité de la voiture a également forcé son abandon de 11 des 13 courses cette année-là, la dernière d’entre elles à Montréal, où il s’est cassé les deux jambes dans un accident causé par une défaillance de la suspension. . Pour 1981, il est remplacé par le jeune Alain Prost. Après s’être remis de ses blessures, il rejoint Ligier, où il participe à six courses mais n’en termine aucune.

Sa carrière en Formule 1 terminée, il a participé à la série française de Supertourisme avant de rejoindre l’équipe de voitures de sport de Peugeot, terminant à nouveau deux fois troisième au Mans, en 1992 et 1993. Lorsque Jean Todt, le directeur de l’équipe, est parti pour rejoindre Ferrari, Jabouille a pris en charge une équipe dont la priorité était désormais la fourniture de moteurs aux équipes de Formule 1, d’abord McLaren puis Jordan, mais les deux relations se sont malheureusement terminées. Plus tard, il a dirigé sa propre équipe de voitures de sport, engageant des Porsche et des Ferrari pour que d’autres conduisent.

En 2004, il enfile avec bonheur son casque rouge familier au Festival of Speed ​​de Goodwood pour reprendre le volant de la première turbocar Renault de Formule 1. « J’étais, dit-il,chez moi.”

Lui et Geneviève ont divorcé en 1997; il laisse dans le deuil un fils, Victor, issu d’une autre relation.

Jean-Pierre Alain Jabouille, pilote automobile, né le 1er octobre 1942, décédé le 2 février 2023