Il faisait sombre. Tout était noir. Et le niveau de l’eau a encore augmenté. Cette fois, Fortune Lawrence s’est résignée à s’enfuir avec ses 8 enfants sur un bateau de fortune, loin de sa maison ravagée par les vagues.

Cela fait deux semaines qu’une femme de 50 ans et ses « pikin » (« enfants » en pidgin nigérian) ont échappé à l’inondation la plus meurtrière d’une décennie dans le pays le plus peuplé d’Afrique.

La famille vit maintenant dans des conditions épouvantables dans une école surpeuplée près d’Ahoda, dans l’État de Rivers, au sud-est du Nigéria.

Selon les registres, plus d’un millier d’entre eux ont trouvé refuge dans les salles de classe de ce camp de fortune pour déplacés internes.

« J’avais peur de mourir », souffle Mme Lawrence, entourée d’une vingtaine d’enfants au milieu de la classe.

« Nous n’avons rien ici. Pas assez de nourriture, pas de couches, pas de moustiquaires. Nous avons besoin d’aide », dit-elle, ses traits soulignés.

Une église submergée par les eaux qui ont inondé la région d’Ahoada, dans le sud du Nigeria, le 21 octobre 2021. (AFP – PIUS UTOMI EKPEI)

Depuis juin, plus de 600 personnes sont mortes et 1,3 million de personnes ont été déplacées par les inondations à travers le pays, ont indiqué les autorités. Selon les souvenirs des Nigérians, confirmés par les services météorologiques, la montée des eaux cette année est particulièrement frappante. Bien plus qu’en 2012 et 2020.

Aujourd’hui, la région la plus touchée est le Sud-Est.

Dans l’État de Rivers, ici et là, des camps de déplacés surpeuplés accueillent ceux qui ont pu s’enfuir.

Les autres sont laissés dans les villages inondés et dorment où ils peuvent, comme dans les arbres pour avertir Obeda Onyekachi en convoquant plusieurs membres de sa famille.

« Ils ne pouvaient pas venir ici. Et combien d’autres, engloutis par les eaux, ont disparu ? demande l’homme de 32 ans avec fureur dans la voix.

« Les cultures ont été détruites. Nous avons perdu espoir. La famine arrive.

– « Eau polluée » –

Sans bateau, le passage d’un état à un autre est impossible. La livraison de nourriture demande beaucoup de travail.

Sur la route principale à l’ouest, le courant a renversé un camion-citerne. Selon des riverains, plusieurs personnes sont mortes à cet endroit.

Certains essaient encore de marcher, l’eau est jusqu’à la taille.

« Je suis coincé sur la route depuis sept jours maintenant. Nous ne savons pas combien de temps cela va durer.

Bondé, en bois et, pour les plus chanceux, les bateaux à moteur se mettent au travail. Personne ne porte de gilet de sauvetage.

Sur la rive droite, le toit de l’église dépasse des eaux sombres, touché par des câbles électriques à haute tension.

Une mère porte son enfant le 21 octobre 2021 dans un camp de personnes déplacées à Iuika, dans la région inondée d'Ahoda, dans le sud du Nigeria.  (AFP - PIUS UTOMI EKPEI)Une mère porte son enfant le 21 octobre 2021 dans un camp de personnes déplacées à Iuika, dans la région inondée d’Ahoda, dans le sud du Nigeria. (AFP – PIUS UTOMI EKPEI)

Le représentant de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) au Nigeria, Fred Kafiro, a averti que les inondations ont accru le risque de maladies telles que le choléra.

À l’école primaire de Yiwike, la plupart des gens dorment par terre, blottis les uns contre les autres. Il y a environ 50 personnes dans chaque classe.

Une équipe d’étudiants volontaires nettoie les lieux et partage les maigres vivres envoyés par les autorités locales.

L’un d’eux, portant un tee-shirt « Ekpee Student » sur les épaules, a peur des épidémies et des infections.

« Nous avons besoin d’un environnement propre. Nous faisons attention à tout, mais nous sommes épuisés », a-t-il déclaré sous couvert d’anonymat.

« Même l’eau du puits est contaminée. »

– Dangereuse promiscuité –

Il y a dix jours, le gouverneur de l’État de Rivers, Ezenwo Niesom Vike, a approuvé un montant de 1 milliard de nairas (2,3 millions d’euros) pour venir en aide aux victimes des inondations, notamment à Ahoada.

Et là, tout nous manque. Les femmes n’ont aucune protection hygiénique. « Il n’y a même pas de mouchoir pour ça », dit l’un d’eux dans la cour bondée de l’école.

A l’entrée, des files d’enfants font la queue devant trois femmes en gants chirurgicaux bleus. Le petit garçon ouvre grand les yeux, sans comprendre alors que la spatule lui gratte les gencives supérieures puis inférieures.

Une mère et ses enfants mangent dans un camp de personnes déplacées le 21 octobre 2022 à Iuika, dans la région inondée d'Ahoda, dans le sud du Nigeria.  (AFP - PIUS UTOMI EKPEI)Une mère et ses enfants mangent dans un camp de personnes déplacées le 21 octobre 2022 à Iuika, dans la région inondée d’Ahoda, dans le sud du Nigeria. (AFP – PIUS UTOMI EKPEI)

Tous les mineurs subissent un test oral du SIDA. Bukki Chika Emei, 27 ans, célèbre chaque résultat. S’il est positif, l’enfant devra subir une analyse de sang à l’hôpital pour confirmer la première.

« Leurs conditions de vie sont déplorables. Le risque de transmission est élevé », a déclaré un jeune volontaire d’une ONG locale, IHVN.

« Les femmes accouchent en ce moment avec des sages-femmes non formées utilisant des instruments non stérilisés. »